lundi 6 mars 2017

Regarder : ces esclaves qu'on oublie


A l'entrée de l'exposition / Musée d'Aquitaine / Bordeaux



"En avril 1761, l’Utile, flûte de la Compagnie française des Indes Orientales, armée à Bayonne arrive à l’Ile de France (île Maurice). Deux mois plus tard, le gouverneur l’envoie à Madagascar pour s’y procurer les vivres (boeuf et riz) dont la colonie a besoin. Malgré l’interdiction qui lui en a été faite, La Fargue le commandant de la flûte embarque en même temps des esclaves, 160 hommes et femmes dans les cales du navire. Puis, il fait route vers l’île de France.

En chemin, à la suite d’une erreur de navigation, le navire fait naufrage sur une île déserte, l’Ile de Sable, aujourd’hui appelée Tromelin. Au matin, les 122 hommes d’équipage et les 88 esclaves rescapés se retrouvent sur un îlot d’un kilomètre carré. Avec les matériaux récupérés du navire naufragé, les marins commencent à construire un petit bateau de fortune avec l’aide des esclaves. Quelques semaines plus tard, les 122 membres d’équipage s’y entassent avec des vivres. Les esclaves découvrent alors qu’aucune place n’a été prévue pour eux.

On leur promet que les autorités seront alertées et qu’un autre navire viendra les chercher bientôt. Cette promesse ne fut jamais tenue. Ce n’est que quinze ans plus tard, le 29 novembre 1776, après une première tentative avortée, que le chevalier de Tromelin, commandant la corvette La Dauphine, récupérera huit esclaves survivants : sept femmes et un enfant de huit mois.



Oubliés sur cet îlot presque désertique devenu prison maritime, ils y ont écrit des années durant leur détresse. Une équipe d’historiens et d’archéologues a tenté de leur redonner la parole, restituant ainsi une page de l’histoire de l’humanité."
Une très belle exposition, claire, interactive sur le sujet, qui fait une large place à la BD de Sylvain Savoia, publiée en 2015 : Les esclaves oubliés de Tromelin, éditions Dupuis.



Marché aux esclaves, Zanzibar, Deuxième tiers du XIXème siècle


Au premier étage, l'exposition permanente du musée d’Aquitaine montre de manière détaillée les conditions du commerce et de la traite qui ont contribué à l’expansion et l’enrichissement de la ville. C'est tellement bien expliqué, que c'en est insoutenable. On se demande comment de tous temps l'homme en est arrivé à considérer ses "frères humains" comme des marchandises. 

Les esclaves oubliés de Tromelin, les horreurs de  l'histoire, c'est aussi l'occasion de considérer le présent. Penser à tous les esclaves du monde moderne, tous ces hommes, toutes ces femmes, exploités, encore, toujours. L’autre soir, le reportage d’Arte sur Dauladtia, une ville du Bangladesh où 1’500 femmes sont vendues, prostituées pour quelques centimes d’euros. Une ville de passage, avec des camions qui s'arrêtent, des hommes qui en descendent, qui se servent et repartent. L'exploitation. La misère. La nausée.

Avant de quitter ce magnifique musée, on ne peut pas manquer  La Déclaration des droits et devoirs de l'Homme et du citoyen, rédigée en l'an 3 de la République, texte reproduit dans sa version première. 

En parcourant les articles qui concernent les devoirs, mon attention est retenue par le septième : "Celui qui, sans enfreindre les lois, les élude par ruse ou adresse, blesse les intérêts de tous. Il se rend indigne de leur bienveillance et de leur estime." Une Déclaration plus que jamais percutante au regard de la vie sociale et politique actuelle.

2 commentaires:

  1. L'homme est un loup pour l'homme. Et encore, je pense que dans les meutes de loup, les membres sont toujours bien traités. Ce que tu relates est effarant et donne effectivement la mesure de ce que l'homme est capable envers ses frères de sang. C'est impensable. Et pourtant, cela se passe encore ainsi dans plein d'endroits de la terre. Quand il s'agit d'enfants, c'est encore plus insoutenable.
    Merci pour ce devoir de mémoire.

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  2. Oui, tu as raison de parler des enfants, c'est encore plus poignant. quand ils doivent travailler, quand ils voient leurs parents humiliés. Dans le reportage d'Arte, on voyait ces enfants sans avenir, sans soins, traîner dans les rues de cette ville sordide.
    chère Dédé, je t'envoie mes affectueux messages! D.

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