vendredi 30 novembre 2018

Vivre : la détermination


Portrait d'un homme effectuant des comptes / Barthel Beham / Kunsthistorischesmuseum / Wien

Je me suis réveillée l’œil vif, l'esprit clair.
Je lui ai annoncé ma décision de maigrir.
Il a dit ok.
(il a eu le bon goût de ne pas me rappeler
que je me décide ainsi plusieurs fois par année)

jeudi 29 novembre 2018

Vivre : le brouillard de novembre


Standing Woman looking into Mirror / George Segal / Gosh! Is it alive? /2016 / Arken  Museum / Danemark

Rien de plus difficile à vivre que ces instants où, 
prise dans un brouillard émotionnel, 
on cherche à débroussailler, dissiper pour enfin y voir clair. 
Rien de plus difficile que ce tracé à la machette 
à travers l'angoisse, pour parvenir à comprendre, enfin,
de quoi il en retourne et retrouver son chemin. 
Longues, les journées, longues, les heures,
longues les longues minutes ...

mercredi 28 novembre 2018

Lire : prendre ou laisser



J'avais beaucoup aimé Hiver à Sokcho. L'histoire d'une non histoire. L'histoire de quelque chose qui pourrait se passer, mais qui n'y parvient pas. Ou plutôt : l'histoire de ce qui se passe quand il semble que les choses n'aboutissent pas. A le lire, on en arrive à se demander si une bonne partie de notre vie n'est pas constituée de ces attentes que l'on porte et qui ne parviennent jamais à maturité, comme un gel au printemps, comme une pâte qui, pour d'obscures raisons, ne lève pas. Ces attentes, quand on se frôle et qu'on ne se rencontre pas. L'écriture en apesanteur esquissait ce qui se vit, entre ce qui se dit, ce qui se pressent et ce qui se produit. Le charme avait opéré. 

Ce ne fut pas le cas avec Les Billes du Pachinko... à la lecture interminable  (pourtant : à peine 140 pages). Suffit-il de savoir bien écrire et de tenir un sujet insolite pour réussir un bon livre ? Achète-t-on avec trop de confiance les seconds romans ? D'un bout à l'autre, je suis restée sur le seuil, comme durant ces soirées où l'on se demande ce qu'on fait là. On crispe ses doigts sur son verre, on lorgne vers la sortie.

Hier, j'ai racheté l'Hiver, prêté je ne sais où. Demain j'irai déposer Les Billes dans le bac devant la gare, en lui souhaitant de trouver un lecteur plus perméable que moi.

mardi 27 novembre 2018

Vivre : ici




Certains matins me voient rivée au paysage
obnubilée par les bandes de nuages.

lundi 26 novembre 2018

Voir : en cadence



Laetitia Carton a filmé, filmé et s'est retrouvée avec 200 heures de rushs. De ces 200 heures, elle avait tiré une version de sept heures (qui "tenait très bien la route"). Mais... il lui a fallu réduire encore pour adapter la longueur du film aux salles. Le résultat : une heure trente-neuf qui donnent envie de partir en juillet prochain passer quelques jours à Gennetines, petite commune de l'Allier où se tient depuis de nombreuses années le festival du Grand Bal de l'Europe. Des images tournoyantes et un commentaire léger, emportant ce bal dans le grand bal de la vie. 


Raconter les regards, les mouvements balbutiants,
l'agilité, la simplicité des expérimentés, 
les lâcher prise, les libertés que l'on prend,
la grande humanité qui défile
la folie douce
la joie qui monte sur les visages
les attentes sur les chaises
l'amour qui naît, la fatigue qui tombe
les liens qui se resserrent et qui font tenir debout
Raconter comment c'est différent
quand on ose enfin se toucher
quand on vit vraiment ensemble
quand on se regarde et que la vie pulse!


Un documentaire vivifiant qui invite à s'élancer.
Entrer dans la danse. Tout simplement.

dimanche 25 novembre 2018

Vivre : toucher le fond, atteindre le sommet **


Autoportrait / Cagnaccio di San Pietro / Ca' Pesaro / Venise


Samedi matin, un WA tombe.
 C'est Fred (cinquante ans;
 travailleuse sociale, sophrologue, coach 
et spécialiste en réinsertion professionnelle) :

(3 petits smileys)
Hello ! ça y est, c’est parti !!! A l’occasion du Black Friday, ainsi que du Cyber Monday,
 le lancement exceptionnel, en avant-première du site 
de ma toute nouvelle marque de vêtements et accessoires : "Up Up Up ".
(3 petits cochonnets)
"Up Up Up " est enfin disponible !!! Mais attention ! "Up Up Up " ne sera disponible que 
pendant ces 4 jours, alors viens vite les découvrir. 
Le lancement officiel de "Up Up Up " ce sera pour janvier 2019. 
(Adresse de site)
J’espère que mes petites abeilles te plairont. 
"Up Up Up " te souhaite une magnifique week-end !
(2 petits poussins, un cœur)


 Ah! 
(^^^) 
Il est vrai qu'on ne vit qu'une fois... et encore! **


** Courage, fuyons (film d'Yves Robert, dialogues de JL Dabadie)

samedi 24 novembre 2018

Vivre : courage fuyons!



Vitrine de décoration à Vevey / 1955 / Robert Studer / Kornhaus Bern 2018

Passant par hasard devant ce grand magasin, 
j'y suis entrée pour trois fois rien :
Juste un certain fil dentaire, celui que R. préfère.
Juste un paquet de riz noir pour ma recette du soir.
Dès le seuil franchi, horreur, enfer, damnation !
Sous bonne garde, l'endroit paraissait en pleine ébullition. 
 Une armada de clients se pressaient, se ruaient pour acheter.
Bijoux, sacs, parfums, c'était à qui consommerait le premier.
Avec mon minable sachet à deux francs soixante,
j'ai tenté de me glisser derrière une fiévreuse cliente,
qui réclamait sa réduction de façon pour le moins véhémente.
Ce faisant, je me vis fusillée du regard, 
par une dame tenant à la main dix bouteilles de shampoing, 
laquelle s'était sentie lésée, à qui j'aurais coupé la priorité.
Ah! Misère! Où avais-je la tête ? Comment avais-je pu oublier?
J'ai reposé mon sachet dare-dare en me jurant, mais un peu tard,
de marquer désormais le Black Friday d'une pierre noire...




vendredi 23 novembre 2018

Vivre : still life / 55



Quand Dom est rentrée en nous tendant un sac rempli de petits tambourins, 
j'ai pensé : que faire de ces affreux petits machins?
Ces souvenirs à deux sous auraient dû rester dans leur souk.
J'ai tendu la main vers celui qui me semblait le moins disgracieux.
Minuscule, la hauteur d'un doigt et fait main (par quelles petites mains?)
Une fois à la maison, je l'imaginais rejoindre la poubelle tambour battant.
Mais depuis mon retour, quand mon index fait toc! sur la peau tendue,
 mon pied se lève, j'inspire, puis mon pied se pose, tandis que j'expire. 
L'espace se remplit ainsi de toc!  toc!  toc!  tandis que j'en fais le tour.
Je médite à petits pas, la minuscule Taarija tout contre moi.


jeudi 22 novembre 2018

Vivre : comic strip


Portrait de François de Scepeaux, seigneur de Vieilleville / F. Clouet / MBAA / Besançon

Je l'ai rejoint, j'espérais ne pas l'avoir fait trop attendre.
Non, non, m'a-t-il dit, j'ai bouquiné au rayon des BD.
J'étais bien, dans ma bulle.

mercredi 21 novembre 2018

Vivre : mondes parallèles


Portrait famille Valmorana (détail) / GA Fasolo / Palazzo Chiericati /Vicenza

Ils se penchent, absorbés.
Ils se lovent dans un coin de silence.
Ils tournent d'un doigt, leurs paupières dansent.
Ils lèvent le regard, parfois, hagards, pour mieux le descendre.
A les observer, dans les wagons, sur les murets de l'attente,
attablés, concentrés, présents à une très belle absence,
on se dit que le monde serait sans doute bien meilleur
s’il comportait davantage de ces bibliorêveurs.

mardi 20 novembre 2018

Vivre : enfances


Affichage de rue / Florence / 2014

Deux femmes d'un certain âge (d'un âge certain)
penchées sur le rayon des pâtisseries industrielles, 
comparant les textures artificielles,
rieuses comme des gamines, 
se pourléchant d’avance les babines.
Pas pressées pour deux sous,
tout à leur affaire, citron, pistache ou les deux ? 
Dans le supermarché désert, 
deux femmes se sont choisi un dessert. 

lundi 19 novembre 2018

Vivre : l'air du temps



Dernières coquetteries des arbres dépouillés,
dernières danses larmoyantes, dernières boucles ambrées,
les feuilles tremblent, valsent comme des papillons affolés.

dimanche 18 novembre 2018

Regarder : vingt-quatre heures à Besançon

Intérieur du musée / Sainte-Cécile / Ecole bolonaise / MBAA

Vendredi matin, le périmètre était bouclé. Beaucoup de magasins n'ont pas vu leurs employés, ni leurs clients arriver : le président venait inaugurer.
Vendredi après-midi, on entendait des coiffeuses tout excitées, des serveuses se réjouir d'y retourner : on sentait dans les rues et dans les discussions la fébrilité monter. Tout le monde demandait : allait-on y aller?
Vendredi soir, il y avait quelque chose d'émouvant, d'éclatant à voir toute une ville vibrer pour son musée. Des concerts sur la place, une foule jeune (en moyenne très jeune), un public bigarré qui se pressait pour entrer. Sur la façade, les images de "murs mitoyens" annonçaient déjà la relation de proximité entre l'institution et les citoyens. A l'intérieur, l'enthousiasme et l'émerveillement des visiteurs faisait plaisir à voir. C'était la fête. Toute une communauté en liesse disant combien son patrimoine lui avait manqué pendant plus de quatre ans. Un élan populaire, où des gens de tous milieux étaient rassemblés.
Le lendemain matin, il avait fallu bien sûr revenir pour admirer les œuvres, le travail architectural, la muséographie, car la veille, toute l'attention était happée par le spectacle sans pareil des habitants aimantés. La veille, c'était la foule qui tenait la vedette, dans sa fierté et son attachement envers son musée, vivant, accueillant, bien-aimé.

samedi 17 novembre 2018

Regarder : deux portraits de Ginevra


Jeune femme vêtue en mode oriental / G. Cantofoli / Musei civici / Padova


Elle s'appelait Ginevra. Elle est née à Bologne en 1618 et y est décédée en 1672. Elle a appris la peinture dans l'atelier d'une autre femme peintre, Elisabetta Sirani, dont le cercle féminin était alors très réputé. On connaît son visage par un autoportrait où elle pose en allégorie de la peinture et qu'on peut admirer à Milan. On sait qu'elle s'était mariée (à l'âge de 35 ans) et avait eu deux enfants (elle avait prénommé son fils Michelange). 
Un esprit fin, un caractère tenace. Une femme terriblement douée, injustement ignorée.


Allégorie de la peinture / Pinacothèque de Brera / Milan

vendredi 16 novembre 2018

Vivre : des retrouvailles


Portrait d'un abbé / Ferdinand Voet / pinacothèque / Padoue

J'ai regardé la montre et j'ai pensé :
dans exactement trente-sept minutes pas une de plus
je vais pouvoir partir, je vais enfin pouvoir le reconduire ici.

jeudi 15 novembre 2018

Voyager : quand l'eau monte


Grand Canal / Venise

Nous connaissons depuis des années cet hôtel dédaigné par les agences touristiques, parce que trop petit, trop intime, dépourvu de bar, mal doté en matière de wifi et autres commodités. Le fidèle réceptionniste nous a remis nos clefs. Comme je m'étonnais de voir remonter vers les étages supérieurs tout un groupe armé de sacs à provisions, il a levé les yeux au ciel et prononcé d'un air peiné: airbnb... Il s'est ensuite épanché : la vieille dame du deuxième était décédée, en laissant des héritiers bien décidés à rentabiliser leurs avoirs. Puis, le propriétaire du dernier étage ayant vendu à des investisseurs étrangers, une bonne partie de ce magnifique palazzo du XVème siècle (donnant sur un adorable campo) venait d'être réaménagé en quatre immenses logements de vacances.

La ville entière, nous raconta-t-il, se transformait inexorablement en un vaste parc de locations airbnb. Lui-même avait galéré pour trouver un propriétaire au Lido disposé à lui louer un appartement à prix abordable. Il gagnait 1'300 euros par mois et son trois-pièces lui revenait à 1'000 euros. Il devait cumuler les petits boulots pour faire face. Tout le monde sait ici qu'en louant à la journée ou à la semaine, on gagne deux fois plus qu'avec un locataire fixe. 
A Marghera, a-t-il ajouté, avec la bénédiction des autorités, on a donné l'autorisation de rénover d'anciens bâtiments industriels. Les promoteurs ont conçu des hôtels où l'on loue non pas des chambres, mais des lits pour 30 euros la nuit. En prime, le touriste reçoit un ticket pour faire un trajet sur le Grand canal (valeur : 7,50 euros). 
Il relevait aussi que les touristes plus nombreux tendaient à être moins respectueux. Le mois précédent, assurant le service de nuit, il avait dû aller prier des jeunes hébergés dans les étages, de cesser leur raffut : ils avaient installé des amplis dehors sur le campo et, à trois heures du matin, diffusaient encore de la techno à toute berzingue.

(Oui, la ville change. Depuis mon enfance, j'y retourne régulièrement et bien sûr au fil du temps j'ai constaté des modifications progressives. Mais les changements semblent s'emballer depuis quelques années. Le turn over dans la gestion des commerces est impressionnant. Les magasins traditionnels ferment l'un après l'autre au profit de ceux qui proposent fast food et verroteries made in China. Ici, comme dans tant d'autres endroits du monde, les sauterelles ravageuses dévastent tout sur leur passage.)

Personne n'ose apparemment s'insurger contre les caprices du dieu tourisme en vertu de sa manne supposée (manne qui concerne en fait une minorité, puisque la plupart des jeunes familles locales sont expulsées vers les banlieues de l'entroterra). Depuis le vaporetto, un peu plus tard, nous avons découvert cette publicité recouvrant l'église de la Pietà, en réfection à deux pas de Saint-Marc. Dubai te laisse bouche bée, quel que soit ton point de vue. Je me suis demandé quel en était le sponsor, quel était l'auteur de ce message... somme toute assez malin... Et si une association de vieux et authentiques Vénitiens s'était cotisée pour parvenir à ses fins ?



mercredi 14 novembre 2018

Voyager : fiabilité moyenne


Allégorie de la Justice / Arsenal / Venise

Nous avons glissé deux-cent grammes de vêtements et un kilo de livres dans un sac.
Nous nous sommes acheminés vers la gare en pestant contre l'oubli de nos parapluies.
La météo avait annoncé du vent, des averses et des orages en fin de journée.
Trente minutes plus tard, devant la stazione Santa Lucia, nous attendaient le Grand Canal, 
des rayons primesautiers et un trafic intense : toute la ville semblait en pleine réfection.
A mesure que nous progressions, le soleil s'est fait plus insistant, les flots plus scintillants.
Nous nous sommes posés devant l'Arsenal, pour déguster des tramezzini au thon bien dodus.
L'air était doux, pur, les lions souriants et les pigeons autour de nous inutilement confiants. 
L'acqua alta avait fait des siennes durant les jours précédents - disons : un peu plus qu'à l'accoutumée -
fake news ou good news, les photographies de la ville inondée en avaient découragés plus d'un.
La Sérénissime se prélassait donc, calme, coquette, se refaisait une beauté entre deux invasions,
et, tandis que les restaurateurs se lamentaient en évoquant les nombreuses défections,
nous avons dirigé nos pas vers toutes sortes d'assemblages et de constructions.

mardi 13 novembre 2018

Regarder : les couleurs des sentiments


Retrouvailles de Joaquim et d'Anne / Giotto / Chapelle des Scrovegni / Padoue


La Visitation 

 Nativité

Déploration / chapelle des Scrovegni / Padoue

Déploration / chapelle des Scrovegni / Padoue

Giotto, immense créateur, génial innovateur de l'espace. 
Avec ses drapés, ses postures, ses tonalités, Giotto plein de grâce. 
Giotto, surtout, sensible peintre des émotions humaines :
l'empathie amicale, l'expression de la tendresse conjugale,
le visage candide d'une Marie éblouie par son nouveau-né,
le désespoir sans pareil d'une mère face à son fils assassiné.
Les joies attendrissent, embellissent les douces carnations.
Les douleurs marquent les traits, vieillissent les personnages.
Tout s'anime, vit et meurt dans ces fresques sans âge.


(La chapelle est étroite et les fresques du haut difficiles à capter. Donc...
Photos1,2,3,4, 5 tirées du livre : Giotto. La capella degli Scrovegni. A cura di Roberto Filippetti, 2017
Photo 6 : Dad)

lundi 12 novembre 2018

Voyager : vers l'Est


Padova / Torre dell'Orologio

Tu lo sai bene: non ti riesce qualcosa, sei stanco e non ce la fai più. E d'un tratto incontri nella folla lo sguardo di qualcuno - uno sguardo umano - ed è come se ti fossi accostato a un divino nascosto. E tutto diventa improvvisamente più semplice..
Tu le sais bien. Rien ne te réussit, tu es fatigué, à bout de forces. Et, tout à coup, tu rencontres un regard dans la foule, un regard humain, et alors c’est comme si tu t’étais approché d'un élément divin caché. Et tout devient soudainement plus simple. Andrei Tarkovski 




Sur l'autoroute, en direction de l'Est, les camions tanguaient dans le brouillard tandis que les voitures valsaient entre leurs roues détrempées. Soudain, bien après Vérone, au moment de bifurquer, le soleil a fait un miraculeux come back. Nous avons retrouvé la ville alanguie sous les pas de ses passants peu pressés. Le long de ruelles pavées, des étudiants en T-shirt devisaient, courbés sur leurs bicyclettes ou rassemblés sur des murets. Blotti contre le Palazzo, le marché offrait des montagnes de châtaignes piémontaises et de kakis lustrés, quantités de cime di rapa, de puntarelle et de radicchio artistiquement bouclé. Les maraîchères bâillaient, pressées d'achever leur journée. Quelques clients promenaient des regards hésitants sur les étals pourtant alléchants. 

Près du baptistère, le musée diocésain était en train de fermer ses portes. Le bénévole à l'entrée nous a invités à revenir le surlendemain et vanté les charmes de Arquà Patrarca et de Villa dei Vescovi. Il insistait : nous devions absolument nous y rendre et il a tenu à noter scrupuleusement les lieux sur un bout de papier. Sur une paroi, près de l'entrée, une citation tirée du film Andreï Roublev et, face à la porte, un accordéoniste roumain particulièrement inspiré.



La nuit était déjà tombée mais il était bien trop tôt pour entrer dans une osteria (juste l'heure de s'arrêter sous les arcades boire une dernière tasse ou un premier verre). Nous avons marché longuement, parmi les ombres pressées, les pierres illuminées, les vitrines colorées de panettone et de marrons glacés. Nous sommes entrés dans la librairie Pangea, ouverte sur toutes sortes de départs, déclinant toutes sortes d'invites vers des paysages inconnus. Puis, trop fatigués pour nous mettre en quête de haute gastronomie vénète, nous avons terminé la soirée devant une pizza qui n'avait de divin que le nom et un verre d'efficace Cabernet.



Pour rejoindre notre hôtel, nous avons longé la basilique, rassurés par sa présence tutélaire. Comme une portée de chatons, les coupoles couchées sous une nouvelle couverture de brouillard semblaient désireuses d'apparaître sur la dernière photographie de la journée. Alors... nous les avons immortalisées. 

dimanche 11 novembre 2018

Voyager : prêter attention


Padova / via San Francesco

Dans les villes de la plaine du Pô,
rester toujours sur ses gardes, car
le danger est souple, alerte et surtout : 
terriblement silencieux.

mardi 6 novembre 2018

Vivre : Still life / 54





Le contenu de cette boîte me sauve régulièrement la vie
 (et sinon la vie, du moins sa qualité)
La migraine s’invite toujours à l’aube après un voyage aller.
Jamais au retour, quelles que soient la fatigue et les difficultés.
A défaut de dissiper cet épais mystère,
les comprimés savent dissoudre mes céphalées.
Ibuprofène chéri, toujours blotti sous mon premier oreiller,
avec toi, les vacances peuvent vraiment commencer.



lundi 5 novembre 2018

Regarder : des rencontres enchantées


Visitation / Giotto / Chapelle des Scrovegni / Padoue

La Visitation désigne, dans l'iconographie chrétienne, la visite que rendit Marie, future mère du Christ, à sa cousine Elisabeth, enceinte de saint Jean le Baptiste. Extrait de l'Evangile de Saint-Luc : 

"En ces jours-là, Marie partit et se rendit en hâte vers le haut pays, dans une ville de Juda. Elle entra chez Zacharie et salua Élisabeth. Or, dès qu'Élisabeth eut entendu la salutation de Marie, l'enfant tressaillit dans son sein et Élisabeth fut remplie du Saint Esprit. Alors elle poussa un grand cri et dit : « Tu es bénie entre les femmes, et béni le fruit de son sein ! Et comment m'est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne à moi ? Car, vois-tu, dès l'instant où ta salutation a frappé mes oreilles, l'enfant a tressailli d'allégresse en mon sein. Oui, bienheureuse celle qui a cru en l'accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur !"

Ce thème a été beaucoup traité en peinture durant le Moyen Age et la Renaissance. Il y a comme un émerveillement à voir ces deux femmes tomber dans les bras l'une de l'autre dans un élan d'amour et de solidarité. La Visitation de Giotto est empreinte d'une grâce inouïe et représente parfaitement ce qu'est une Rencontre : deux regards, deux âmes et deux corps aimantés. 
Et puis, il y a la Visitation de Pontormo, si noble, si colorée, si vivante, inspirant Bill Viola, lorsqu'il a réalisé "The Greeting" en 1995 pour la Biennale de Venise. Le sujet actualisé, conçu comme une scène de rue. A chaque nouvelle Visitation, l'enchantement se renouvelle et c'est comme si Marie et Elisabeth se retrouvaient pour la première fois.




dimanche 4 novembre 2018

Lire : le projet bonheur




Curieusement, le moment de la rentrée littéraire n’est pas propice chez moi à de stupéfiantes découvertes et des coups de foudre. Dans le grand choix des librairies, il y a trop de choix. Souvent, dans ce large éventail je ne trouve rien qui m’aille. J'ai donc déniché avec bonheur l'autre jour ce bouquin sans prétention, mais léger, drôle et instructif tout à la fois.

Un couple de Britanniques s’en va passer une année dans le Jutland, au nord du Danemark. Il est engagé par la maison mère de Lego. Elle est journaliste et, pour franchir le pas, elle a démissionné d'un poste enviable dans la presse féminine (par la même occasion, elle s'est défaite d'une vie trop soumise au stress londonien, aux exigences de sa carrière et à des traitements pour la fertilité aussi pesants qu'infructueux).

Abandonnant l'effervescence d’une grande métropole, Helen Russel s'installe en pleine campagne, au bord de la mer. Elle se lance dans une activité en free-lance et se propose d'investiguer sur le bonheur, thème tendance s'il en est, dans ce pays réputé pour son haut BNB*.

Mois après mois, elle relate ses expériences d'expat et son intégration progressive au pays du design, des smorrebrod et l'égalitarisme forcené. On découvre les côtés enviables de la vie danoise (le hygge, la flexibilité du travail, les prestations sociales élevées, les budgets consacrés à l’éducation) et les côtés moins attractifs (un appel à la conformité assez marqué, le tri des déchets et le Dannebrog (drapeau national) faisant tous deux quasiment l'objet d'un culte, les statistiques de violences faites aux femmes étonnamment élevées).

H. R. est une journaliste aguerrie, qui fournit une enquête sociologique bien documentée et sait esquiver la plupart des clichés. Comme elle ne manque pas d’humour et d’autodérision, le livre se lit comme un roman. A la fin de chaque entretien, les Danois qu'elle interviewe sont invités à mesurer leur état de bonheur sur une échelle de 1 à 10. Les résultats sont - on s'en serait douté - très élevés. La moyenne est d'environ 9. Ce qu'il manque en général à ces gens hyper protégés en matière de santé et d'assurances sociales : trouver la ou le partenaire de vie idéal.

Comme toujours, la confrontation à une autre culture offre des pistes pour vivre de manière plus saine. L'accueil réservé aux enfants danois dans les garderies et les écoles a de quoi faire rêver. Tout est mis en place pour favoriser carrière et maternité. De plus, dans le milieu professionnel, les Danois ont un jugement très sain. Voici comment on considère là-bas les attitudes sacrificielles au boulot : "Ne tolère pas le présentéisme. Si quelqu'un joue les martyrs en restant tard au boulot ou en travaillant trop dur, il a des chances de trouver sur sa table une brochure sur l'efficacité ou la gestion du temps au travail plutôt que la compassion de la part de ses collègues."

J’adore le Danemark, mais à vrai dire, cette lecture ne m’a pas vraiment donné l’envie d'y résider. Un pays très normé où l'on risquerait facilement de s'ennuyer, me semble-t-il... En revanche, cela m’a fait réfléchir sur ce sujet du bonheur dont les médias aiment tellement s'emparer. Peut-on mesurer le bonheur ? De quel bonheur parle-t-on ? Qu'est-ce qui entre dans les paramètres quantifiés : les prestations accordées aux citoyens, le temps dévolu aux loisirs, un état d'esprit ouvert et décontracté ? La sécurité suffit-elle au bonheur ou en est-elle seulement une condition? Les recherches sur ce qui nous rend heureux ne seraient-elles pas destinées à nous faire davantage consommer ?

Le bonheur ne se définit pas aisément. Il comprend trop de paramètres subjectifs et personnels pour qu'il soit aisé de le cerner au moyen de concepts et de statistiques. Alors, en refermant le livre, m'est venue l’idée de réaliser un collage. Faire appel à tout plein d’images, d'expressions, de dessins pour symboliser cette notion volatile, passagère, impalpable que tout le monde cherche, dont tout le monde parle sans pouvoir vraiment affirmer l'avoir rencontré. 

Au fond, le bonheur pourrait-il être cet état silencieux et magique qui se tait obstinément au cœur de nos vies tandis qu'on s'agite pour le débusquer ?


* Bonheur National Brut

samedi 3 novembre 2018

Vivre : souvent, ciel varie







Ici, la météo dit bleu, dit éclaircie.
La météo dit pluie, dit nuit.
La météo se ravise, se contredit.

vendredi 2 novembre 2018

Vivre : la bonne conduite


ritratto di dama / pittore lombardo / musei civici / pavia

C'est quand un second automobiliste m'a fait à son tour un appel 
que j'ai enfin compris et que, levant la main, j'ai démarré,
soulagée qu'on ait saisi mon manque de visibilité.
Et l'homme vérifiant mes pneus, et les piétons souriants, et les conducteurs indulgents.
C'est pour ces minuscules détails qui font le sel de la vie que j'aime vivre ici.
Ici, c'est donnant donnant, gagnant gagnant, ici les gens ont tout compris.

jeudi 1 novembre 2018

Vivre : abécédaire


bildnis eines jungen Mannes / Francesco di Cristofano / Gemäldegalerie / Berlin

Il est mon alpha et mon omega (mais aussi parfois : mon gros bêta)