samedi 31 août 2019

Voyager : la belle et la bête

 Ferrare, le temps d'une halte.
S'asseoir à une terrasse.
Déguster une glace.
Observer les couples qui passent.


vendredi 30 août 2019

Voyager : entrée libre



 
Bien qu'on y dispose d'une offre intéressante,

 

Sabotez avec grâce.


je rechigne toujours 

 Désobéissez avec générosité // un baiser, un baiser ne tue pas
 toujours un peu, là-bas

Qui menace ta sécurité ? Journée mondiale du réfugié. 
à entrer dans un musée.

Bologne

jeudi 29 août 2019

Vivre : Still life / 77



A chaque retour, le besoin de prolonger le séjour est tel qu'on a besoin d'objets transitionnels.

lundi 26 août 2019

Lire : la vie, la mort, les saisons


Toscane / du côté de Pienza / il n'y a pas si longtemps

L'idée me vient que, si l'équinoxe marque le moment de l'année où jour et nuit sont d'égale durée, j'ai pour ma part dépassé le milieu de la vie. "Profite du jour qui reste!" semble dire le vent rouge soufflé par les amaryllis, dans un murmure plus optimiste que celui qu'entendit Issa un certain printemps : 
Prépare-toi à la mort
prépare-toi
bruissent les cerisiers en fleurs.*

A peine achevée, qu'il me faut recommencer sa lecture. Automne à Kyoto est un livre précieux et dense, qu'on parcourt en boucle et qu'on reprend. On vient de me le prêter en août, j'irai me le procurer en librairie début septembre. Je pourrai alors encore une fois refaire le chemin de cet automne merveilleux, que Corinne Atlan déroule comme une étoffe chatoyante sous nos yeux. L'auteure, traductrice du japonais, vivant depuis près de quarante ans dans l'ancienne capitale impériale, sait observer, percevoir, décrire, rédiger et citer. C'est un bonheur de la suivre à travers des parcours ouverts à tous les sens. Ces parcours sont géographiques (l'ouvrage pourrait être un guide pour voyageurs curieux). Ils sont aussi poétiques et philosophiques (des réflexions sur la permanence et l'éphémère dans la ronde du temps).
Le texte peut se lire et se relire en toute saison, car on y trouve pleine présence, attention minutieuse, lenteur et enchantement. On y constate que tout est cyclique et renaît indéfiniment. Un livre parfait pour des journées qui commencent l'oreille tendue au chant des peupliers immenses. Une lecture idéale pour des soirées où s'achèvent les itinéraires mouvementés de ceux qui n'aspirent qu'à s'apaiser.

* Issa Kobayashi, in : Haiku. Antologie du poème japonais, Gallimard, 2002. 
Automne à Kyoto, Corinne Atlan, Albin Michel, 2018. 

dimanche 25 août 2019

Vivre : un être à part


Tête d'arlequin / Pablo Picasso / Detroit Institute of Arts / USA

Il est grand et il porte beau. Il est un de ces cadeaux que la vie vous apporte parfois, sans que vous ayez jamais pensé y avoir droit. Il a sa vie et j'ai la mienne et je donnerais volontiers la mienne pour pouvoir sauver ne fût-ce qu'un dixième de la sienne. Je parle peu de lui. En règle générale, je parle peu de mes trésors (et je me verrais mal parler de lui en termes de réussite ou niveau de vie, je ne l'ai jamais conçu comme une carte de visite ou de crédit).
Il a l'élégance du cœur et du corps. Il est limpide et franc, pas une once de toc en lui, de l'or en barre. J'éprouve énormément d'estime pour cet être inestimable et j'aime lui choisir des livres qui s'entassent à son chevet parce qu'il pense que la lecture demande du temps, qu'il faut y pénétrer lentement et qu'il peine parfois à le trouver, ce temps à soi pour entrer dans ce monde en soi. Il est friand des recettes de Yottam Ottolenghi et apprécie les produits étonnants que je parviens à lui dénicher tout au fond de certaines épiceries. Autour de nos repas, que de mots essentiels partagés, comme si des papilles dépendait l'intimité. Enfant, à la piscine, il passait de longues après-midi sous un arbre à observer les fourmis.
Il est un soleil. Il est une terre fertile. Il est un ange gris souris. Quelle que soit l'heure, quel que soit le lieu, à savoir son cœur qui palpite, mon cœur marque un arrêt infime. Il m'a appris cette exigeante et contradictoire et impérative capacité : au nom du lien, savoir se détacher.

samedi 24 août 2019

Vivre : Still life / 76



C'est un panier en osier tout ce qu'il y a de plus classique. Pas de tressage coloré, pas de pompons, pas de design sophistiqué. Juste assez grand pour pouvoir faire mon marché, juste assez petit pour le porter rempli sans avoir le dos cassé. Cette forme évasée a quelque chose de simplement parfait : en marchant on ne reçoit jamais de coups dans les mollets.
C'est un panier léger, un panier d'été, vite embarqué, dans lequel on glisse tout ce qu'il faut et j'y glisse souvent ma besace quand celle-ci ne peut plus faire face, rejointe par un ou deux livres, un bouteille, un achat, le panier devient alors un sac à sacs, un compagnon d'escapades.
C'est un panier du Sud, qui rappelle le Mistral et les terrasses. Tous les objets rappellent les lieux où ils ont été achetés. Ils ont tous une histoire, ils ont tous un point de départ. Celui-ci me rappelle Arles, à deux pas du portail de Saint-Trophime, la rue Jean-Jaurès, petite et animée, l'éclat du soleil sur la devanture de Marie-Louise et les saveurs du Sud imprégnées dans la boutique.
Il vient aussi me rappeler, ce petit panier, qu'il n'y a de banalité que pour qui ne sait pas apprécier. 


vendredi 23 août 2019

Vivre : les intrusions


Madonna con bambino e santi (dett.) / Giovanni Bellini / Accademia / Venezia


C'est un principe basique de la théorie de la communication : on ne peut pas ne pas communiquer.
Ainsi, on ne peut pas ne pas répondre. Ne pas répondre est une réponse en soi.
Face à toutes sortes d'agaceries, à toute tentative d'effraction, le silence est roi.

jeudi 22 août 2019

Voyager : la petite distribution


L'Isle-sur-Sorgue
Ménerbes
Bordeaux
Split
Aix
A force de grandes enseignes, à force de grande distribution, à force de chaînes, à force de standardisation, à force de filiales et de points de vente, à force de voir la réussite suivie d'agrandissements et de diversifications, on est soulagés qu'elles soient encore là, les minuscules, les artisanales, les anciennes, les indépendantes, plaisirs des yeux, régals du cœur, fragiles rafiots destinés à prendre l'eau.



mercredi 21 août 2019

Vivre : la rentrée



Le chien frissonne. Les hirondelles s'affolent.
Les branches babillent. La lumière vacille.
Les voitures croisent les nuages pressés.
L'automne est arrivé.

mardi 20 août 2019

Habiter : les maisons


Studio Elemental / Alejandro Aravena

Il y a dans le village des maisons tristes et des maisons délaissées. 
Des maisons d'une banalité à pleurer et des maisons distinguées.
Des maisons pimpantes aux pelouses jonchées de cris d'enfants.
Des maisons à vendre dont la vente demande pas mal de temps.
Des maisons fleuries et bichonnées, et des maisons mal attifées. 
Des maisons entourées d'un gazon qu'on aurait peur de piétiner.
Des maisons forteresses, exilées par des haies et des digicodes,
un autocollant "voisins vigilants" bien en vue sur leurs palissades.
(mais de quelles invasions barbares faudrait-il tant se protéger?)
Il y a celles qui se murent dans le silence et celles qui babillent,
mais chacune reflète un univers, singulier, et esquisse une vie.
Et puis, en toute fin de balade, la boucle étant bouclée, il y a elle,
la maison limpide aux larges baies vitrées, caressée par la forêt,
 perchée sur la colline : une aigrette à deux doigts de s'envoler,
ni trop grande ni trop petite, souriant aux busards et aux voiliers,
elle, dont je m'étonne chaque jour que ma clef ouvre la serrure,
la cabane, le nid, la tour, l'île mystérieuse où j'aime me réfugier.

lundi 19 août 2019

dimanche 18 août 2019

Regarder : à hauteur d'enfant


La visite au grand-père (détail) / Julius Exner / SMK / Copenhague

En apparence, rien de particulier, ni d'exaltant dans ce tableau. Attaché à peindre des scènes de la vie quotidienne, Exner raconte un événement en apparence banal : dans un intérieur rural de la campagne danoise au milieu du XIXème siècle, une scène de vie familiale, une visite rendue à un vieux paysan. Il y a pourtant ce regard d'enfant, dans lequel on lit la timidité, l'inquiétude, le besoin d'être rassuré et apprivoisé. Et en le regardant, cet tout petit enfant (un petit garçon ? une petite fille?), on sent remonter en soi des souvenirs de craintes passées, quand le monde était si grand, peuplé de loups et de géants, et qu'on avait vraiment besoin d'une main à ses côtés pour oser s'avancer (à vrai dire : on serait plutôt allé se réfugier dans des jupons familiers).
On se dit que le peintre a fait de ce petit visage le véritable sujet de son tableau, celui vers qui convergent tous les regards, y compris celui du spectateur. Il a usé de tout son art pour dépeindre les émotions de l'enfant, jusqu'à cette menotte gauche, qui, dans l'ombre, se raccroche à un pan de son vêtement.
La qualité des œuvres, le talent de leur créateur tiennent à la palette, au sens de composition, au traitement des ciels, des drapés, des incarnats. Elle se confirme dans la grâce de certains détails, tout petits parfois.
Considérer toujours une toile en deux temps : à distance, appréciant l'ensemble, et puis de près, toujours plus près, comme si on suivait la main qui peignait. 

 Image tirée du site officiel du SMK / Copenhague

samedi 17 août 2019

Vivre : être ou avoir été


Portrait de Gertrud Hage / Jens Juel / SMK / Copenhague

Elle parle de plus en plus à l'imparfait et au passé composé. Elle dit : "j'ai été", "je faisais", "j'ai connu beaucoup de gens qui". Elle évoque sans cesse ses expériences. De projets, il n'est quasiment jamais question.
Elle sollicite constamment sa mémoire. Que ferait-elle sans rétroviseur ? Ses souvenirs sont devenus son fond de commerce. Ses mots viennent rafistoler un personnage qu'elle s'est jadis construit. Elle s'est figée sur ses acquis.
Elle vieillit.

vendredi 16 août 2019

Vivre : Still life / 75


Portrait de jeune femme / Antonio Pollaiuolo / 1470 / Gemälde Galerie / Berlin

 Elle partage mon intimité depuis des années, la belle dame du temps jadis qui règne sur ma salle de bain. Nous nous sommes rencontrées un jour à Berlin. Ce fut un coup de foudre, même si tout nous sépare : renommée, milieu, époque, physique et goûts vestimentaires (chevelure, habit de brocard, je me verrais mal passer tant d'heures à composer ma parure). Même notre attitude face à l'existence est diamétralement opposée : elle, si calme, si pondérée, paraissant toujours au-dessus de tout jusqu'à frôler l'indifférence, et moi, régulièrement agitée par mille pensées, impatiente de trouver des solutions à des problèmes qui finissent souvent par se résoudre spontanément.
J'aime ce face à face quotidien. Sa présence me rassure. Sa posture m'inspire. Par-delà les siècles, les différences sociales et les cultures, la belle dame me dit et me répète sans cesse que la vie glisse, que les sentiments s'usent, que la mort existe, que les broutilles tendent à occuper trop de place et que la vie peut être belle pour qui sait saisir l'instant doux qui passe.


jeudi 15 août 2019

Vivre : points de vue


Amore benda una giovane / Marco Liberi / Musei civici / Padova

L'amour: aveugle, vraiment ? Ne serait-il pas plutôt terriblement lucide: 
nous amenant à découvrir le diamant, le myosotis, l'espérance folle
qui sommeillent en chacun ?

mercredi 14 août 2019

Lire : on the road again



L'arrivée de la nuit instaure un sentiment plus profond d'intimité clanique. Je demande à Gary [Snyder] si, avant la fin de la soirée, il accepterait de lire un texte à voix haute et si Erin pourrait lui lire l'un des siens. D'habitude, Erin est imperturbable, et quand elle blêmit en entendant ma suggestion, je la vois réagir ainsi pour la première fois.
Gary ne manifeste nullement que cette demande serait inhabituelle. "Bien sûr, dit-il. J'ai quelque chose sur quoi je travaille depuis un moment, j'aimerais bien l'essayer avec vous."
Il n'y a aucun ego en lui. Je soupçonne que tous les grands sont capables de bannir l'ego pour acquérir la pureté enfantine, chauffée à blanc, du processus créateur. Invente quelque chose. je me rappelle Jim Harrison racontant que sa mère, à la fin de sa vie, lui disait : "Eh bien, Jimmy, tu n'as pas trop mal gagné ta vie avec tes calembredaines."
Je désire que ce soit un épisode mémorable pour Erin. C'est un bon exercice. Lire à voix haute apporte une conscience aiguë de chaque mot, contraint l'écriture à assumer sa  responsabilité pleine et entière de chaque pulsation, cadence, rythme et son; de tous les passages maladroits, bancals.

On sort de ce livre comme on rentre d'un long voyage, revigorée, oxygénée, imprégnée d'images et de saveurs, et surtout portant en soi une furieuse envie de lire, de partir et, pourquoi pas, somme toute, de s'essayer à écrire...
En prologue, l'auteur explique son projet : rendre hommage à ses héros d'écriture tant qu'ils sont en vie et permettre à quelques représentants de la génération émergente de les rencontrer. Transmettre, devenir un passeur, un créateur de ponts entre gens admirés et gens porteurs de promesses. Il se lance dans une aventure qui l'amènera en divers points des States, avec une incursion en Europe. Le principe est simple (la réalisation plus délicate) : il s'agira pour lui et pour ses jeunes coéquipiers d'arriver dans la cuisine de l'écrivain, avec armes et bagages (entendez : casseroles et nourriture) et de concocter un repas autour duquel il fera bon partager.

Quand il leur a écrit, un nombre certain de ses héros ont refusé l'expérience. Un certain nombre l'ont acceptée avec enthousiasme. Rick Bass comprend les réticences. L'entreprise était de part et d'autre risquée, si bien qu'il n'est pas étonnant qu'au final les chapitres soient consacrés principalement à des amis ou des connaissances de longue date.
Parallèlement à cette épopée, Rick Bass est en train de traverser une lancinante crise existentielle : il doit faire face à l'échec de son couple, qu'il avait cru inusable, ses filles adorées sont parties à l'université, et sa  maison l'attend, vide. Tout cela l'amène à s'interroger sur le sens de cette solitude nouvelle et la vocation des années qu'il lui reste à vivre.
J'ai déjà parlé de Rick Bass ici et ici. C'est un auteur qui sait décrire excellemment l'existence humaine vécue au cœur d'étendues immenses, une existence porteuse d'autant de failles, de dépressions et d'éclosions que les espaces où elle se déroule. Il est un observateur perspicace des phénomènes naturels, qu'ils appartiennent au monde végétal, minéral ou social, et sait s'apostropher avec pragmatisme :
L'inquiétude est une mauvaise habitude, un gâchis de sérotonine. Réserve-la entièrement pour la page écrite, me dis-je. Contrôle ce que tu peux contrôler. Le monde veillera au reste.
Avec ce livre, il nous permet de découvrir ou de mieux connaître certains grands écrivains américains (vivant pour la plupart à l'écart des grandes métropoles après une jeunesse pour le moins tumultueuse). On en vient à admirer et envier ces artistes chasseurs, pêcheurs, fermiers, activistes, éleveurs, qui se sont construit de merveilleux ateliers aux fenêtres s'ouvrant sur des paysages  de rêve. Les partages donnent lieu à des moments d'émotion intense et de solide fraternité (certains héros sont âgés, ou malades, on sent que le temps leur est compté). Ils invitent à réfléchir sur ce qu'implique le métier d'écrire en matière de doutes, de rituels et d'énergie créatrice. Le livre est aussi ponctué de scène cocasses (passage de douane sanguinolent à Heathrow, découverte incongrue d'une prothèse et de couches au fond d'un sac à Genève, victuailles volant sur une autoroute, explosion d'une oie dans un jardin). Enfin, last but not least, il donne à découvrir en quoi consistent les repas étasuniens quand ils ne sont pas tout droit sortis de l'abominable grande distribution :
Nous coupons davantage de minces lamelles de gingembre, que nous intégrons à la viande hachée d'élan. Cette tâche est une vieille routine, le genre de chose qu'on peut presque faire les yeux fermés. Après le bruit et la fureur de la préparation du dîner pour Sedaris, il est agréable de goûter à cette frugalité, tandis que la lumière estivale entre par les fenêtres et tombe sur la salade multicolore d'Erin - le rouge foncé de la betterave, le bleu marbré, quelques raisins dorés et, une touche d'élégance  dont je suis fier, quelques violettes cueillies derrière chez moi le jour de mon départ et gardées sur la glace dans un sac de conservation. Pour le dessert, encore de la rhubarbe, pas une tarte cette fois-ci, mais un crumble avec de la crème fouettée.
Mmmm... Dans ce domaine, on fait pas mal de découvertes : une paella préparée avec du gingembre, un petit-déjeuner comprenant une tranche de pain perdu, un peu de bacon au sirop d'érable, une sauce au beurre roux et au cognac, des noix de macadamia, et du mascarpone pour couronner le tout... question de goût, sans doute, mais....il est possible que le plus savoureux de l'aventure ne se trouvait pas dans les assiettes.

lundi 12 août 2019

Vivre : entr'ouvrir


Ling Rinpoché / Monastère Drepung 1996 / Martine Franck / Elysée 2019


Ne laisse pas derrière ta porte quelqu'un qui a besoin de toi.
 

dimanche 11 août 2019

Vivre : appellation contrôlée


Portait d'Agnolo Doni / Raffaello Sanzio / Uffizi / Firenze

Il déteste l'expression et n'apprécie vraiment pas
quand la voisine du numéro 32 dit "vot' dame" en parlant de moi.
 

samedi 10 août 2019

Vivre : naturopathie


The Convalescent (détail) / James Tissot / Museums Sheffield

Mon plus efficace médicament, mon plus sûr allié : le sommeil.
 

vendredi 9 août 2019

Voyager : de marché en marché


Les effets du bon gouvernement (détail) / Ambrogio Lorenzetti / Palazzo communale / Siena

Les guides et les voyagistes proposent toujours des tours de ville et des visites de monuments, mais le moyen le plus fiable pour approcher une ville, son esprit et celui de ses habitants est de se mêler à la cohue de ses marchés. Des plus rugueux au plus huppés, ils disent la vie du lieu mieux que n'importe quel discours ou analyse affutée.
Où que l'on aille, quel que soit le coin de terre que l'on est amené à visiter, c'est parmi la foule grouillante, là où se tisse le social, qu'on apprend à connaître les habitants, leurs modes de vie, leurs besoins et leurs difficultés au quotidien. Observer leur manière de se rencontrer, de se connecter, de composer leurs phrases est un délice de voyageur.
Certains marchés sont marqués par l'arrivée massive de touristes, qui font faire des affaires, qui font monter les prix. Qui tendent à dénaturer aussi la véritable fonction des marchés locaux. Combien de marchés provençaux ont perdu leur caractère ces dernières années, devenus trop chers pour les habitants, proposant des produits adaptés à une clientèle touristique en mal d'authenticité. On n'y rencontre pratiquement plus de locaux, qui se voient refoulés vers les hyper, les inter et les super. Cet été, certains marchés du Lubéron où il s'est agi de payer trois euros pour pouvoir se parquer, où certains prix étaient indiqués en livre sterling, où les vendeurs s'adressaient à vous en anglais m'ont poussée à déguerpir vite fait. Le marché de la Boqueria à Barcelone est devenu une carte postale aux couleurs sursaturées. Quant à l'Albert Cuyp à Amsterdam, c'est désormais une attraction où se concentrent des étrangers du monde entier.
A Chieri, petite ville laborieuse au sud-est de Turin, les étals des petits producteurs de la région occupent une large place et les stands de produits non comestibles m'ont comme toujours aimantée. Lingerie, vêtements, nettoyage, outillage, hygiène, on trouve de tout, à bon prix. On parle chiens ou météo avec les ménagères du coin ou les retraités. On échange des recettes de cuisine ou des adresses avec ces habitués tout prêts à converser. Parmi tous les exposants, mes préférés sont les quincaillers. Un pur bonheur que d'avoir affaire à de véritables vendeurs, sachant écouter, conseiller, et soucieux de répondre de leur mieux aux multiples requêtes. Incroyable, la variété qu'ils peuvent proposer. C'est vers eux que l'on peut se tourner pour telle pièce défectueuse introuvable dans le commerce, ou tel ustensile précieux qu'on croyait à jamais disparu. Il n'est pas rare que le vendeur saisisse au bond votre question et vous dise : attendez, avant de disparaître au fond de son camion débusquer l'objet que vous recherchez. Ou alors, il vous répond qu'il peut le récupérer dans son entrepôt et sera en mesure de vous l'apporter le lendemain, au marché d'une bourgade voisine.
Quand il ne peut pas vous dépanner, le vendeur se montre désolé, vraiment peiné, ayant failli à sa mission. Il baisse les yeux, on dirait qu'il subit une défaite. Alors, vous vous penchez sur trois joints d'étanchéité pour une cafetière deux tasses ou sur un bouchon verseur d'huile d'olive ou un panier de récupération pour le lavabo de votre salle de bain, comme si vous en aviez le plus grand besoin. Vous lui souriez avec gratitude en lui tendant une pièce et le vendeur vous gratifie alors d'un regard serein, soulagé d'avoir retrouvé son utilité.

jeudi 8 août 2019

Voyager : intermède




Matin et soir, nous nous retrouvions dans la cage d'escalier où, l'espace d'un instant, le temps semblait s'être arrêté. Nous grimpions lentement les marches (ou les descendions), oublieux du monde qui, dehors, continuait de bruisser, de caqueter, de vociférer, oublieux de la vie active et de ses appels maints et variés. Nous émergions lentement de nos rêves (ou nous apprêtions à y entrer), illuminés, radieux et heureux de cet entre-deux.

mercredi 7 août 2019

Voyager : l'été en suspension


 Avigliana

Nous avons roulé pendant des kilomètres, traversant des localités aux rues désertes, aux devantures fermées. Partout, on se serait crus à Ghost city. Partout, des stores baissés sous la lumière violente de l'été. Partout, pas un chat, ou alors, un seul chat, perdu, désorienté. Partout, un oiseau muet, survolant un pré. On se demandait où les habitants avaient bien pu passer.
On les aurait retrouvés sans doute sur les routes, sur les plages, sur les aires d'autoroute, sillonnant des cols habituellement apaisés, faisant la queue aux distributeurs et aux guichets, se cherchant une place de parcage, et, le soir, agglutinés dans des pizzerias ou des bars. C'est comme ça en Italie, durant le mois d'août. Il faut absolument partir, il faut tout abandonner.
J'ai connu autrefois des voisins que le manque de moyens rendaient acerbes, qui se terraient chez eux durant ces quelques jours de l'année où tout le monde doit pouvoir dire qu'il y était.  Y ? A la mer, à la montagne, ailleurs, n'importe où, mais ailleurs, loin de chez soi, là où il y a des êtres agités et vociférants, du bruit, des sonneries.
Pendant ce temps, les lieux abandonnés à eux-mêmes révèlent leur sobre beauté, on entend comme jamais les ailes des insectes bruisser, on entraperçoit à son balcon une vieille femme munie d'un arrosoir, le regard s'exerce à observer tandis qu'une goutte de sueur vient le brouiller. 

Palazzo ducale / Sabbioneta

 Entrée château / Govone