Couronnement de la Vierge (détail anges) /Paolo Veneziano / Gallerie de l'Accademia / Venezia
Il y a quelques années, une amie s'interrogeait avec perplexité en lisant dans un journal la rubrique des rencontres : "Mais pourquoi donc tous ces gens si bien de leur personne, intelligents, parfaits ont-ils besoin d'établir des relations par de tels biais ?" Poserait-elle la même question aujourd'hui à propos de ces réseaux qu'on dit sociaux ? Sur la toile, tout le monde il sourit, tout le monde il est gentil, tout le monde il est un super ami. Dès lors, que va-t-on chercher ailleurs, très loin, qu'on ne trouve pas autour de soi ?
On dénonce beaucoup ces derniers temps les dérives que peuvent provoquer la fréquentation des différents sites. On en parle surtout à propos des jeunes et particulièrement des adolescents, que l'on présente comme les plus fragiles. On pointe l'addiction générée, et le besoin frénétique d'être approuvé, aimé, intégré. Avec tout ce qui s'ensuit : un conformisme effréné, une recherche de ressemblance à tout prix, le refus progressif de la différence à laquelle on pourrait naturellement être confronté.
Ai écouté l'autre jour en podcast GBVF qui consacrait une émission à la dépendance avérée aux smartphones et aux réseaux sociaux. Cette diffusion invitait à élargir le focus : les études révèlent que de plus en plus d'adultes sont concernés, qui passent jusqu'à 4 à 5 heures par jour à tapoter, guettant un message, une approbation, une notification, se désespérant quand rien ne vient ou quand les statistiques tendent à flancher. Tout cela engendrant des classifications, poussant à la comparaison, pouvant mener à l'effondrement. Affolant.
(A distinguer, bien entendu, l'usage pratique de l'appareil, en tant que fournisseur de prestations telles que téléphone, informations utiles, agenda, plate-formes de travail, etc).
"Le smartphone, doudou sans fil, affirmait un intervenant, est devenu l'objet qui permet de pallier à des absences. S'il y a une forme d'addiction, elle peut être à l'autre. Le grand Autre." Affligeant.
"Chacun remet sa propre valeur sur la place publique." Derrière tout cela, quelle solitude expérimentée ? Quel peur d'être abandonné ? Quel besoin d'appartenance ? Ce sont les autres, dans toute leur virtualité, qui décident ce que nous valons par leurs likes et leurs classements, lesquels procurent des pâtisseries à nos neurones, en manque de dopamine et autres sucreries. Sans que nous soyons forcément déséquilibrés ou narcissiques, notre cerveau serait en passe de devenir diabétique. Inquiétant.
Nul besoin de rappeler les phénomènes de groupe bien actifs sur la toile, et d'autant plus qu'un semblant d'anonymat y est assuré. Sans aller jusqu'à des extrêmes tels que des appels à la haine et au harcèlement, on peut y trouver toutes sortes de manifestations déplaisantes, telles que la rivalité ou des agressions plus ou moins masquées. Derrière tout cela : un besoin de cohésion. Désireux de conformité, les gens se rassemblent en cercles et y ajustent leurs opinions, rassurés par le consensus clanique. Pathétique.
Durant toute l'émission, les intervenants ont fait largement usage du "nous", invitant tout un chacun à balayer devant sa porte pour évaluer ses besoins et ses usages quotidiens. En conclusion, ils invitaient à nous tourner plus souvent vers notre entourage et à lui prêter attention. Eh oui : pourquoi ne pas partir en balade de proximité, pour y dénicher notre insuline sociale en rencontrant d'autres humains, des arbres, des chiens ? (et si l'on vit à la campagne, pourquoi ne pas aller observer les ovidés paissant dans les prés, sympathiques et paisibles grégaires, agneaux, brebis, présentent l'énorme avantage avec leur bienveillante placidité de contribuer à notre survie) ?