dimanche 31 juillet 2022

Vivre : il y a dans l'été

 
Abbaye de Silvacane / 2018
 
Il y a dans l'été ce sentiment de vide qui s'invite soudainement, des places de parcage miraculeusement libres, des commerçants somnolents, des librairies désertes et des mises en attente qui durent trop longtemps. Il y a sur les étals des fruits qui n'en finissent pas de se languir et des cageots qui désespèrent de trouver preneur.
Il y a dans l'été un besoin subit d'accélérer le temps (un besoin qu'on méprise habituellement, qu'on rejette absolument). Une envie folle d'aller rejoindre autre chose, quelque part, ailleurs. Une incitation à aller boire d'autres verres sur d'autres terrasses, devant d'autres paysages, d'autres silhouettes, d'autres babillages.
(quels nécessités à assouvir ? quelles réalités à fuir?)
Il y a aussi dans l'été une invite à se recentrer, se retrouver, se réinventer. Il y a des crayons qui attendent de larges feuilles qui sauront leur rendre le goût d'esquisser, il y a des formes et des couleurs - des verts très turquoise, des grenats très framboise - qui ne demandent qu'à se faire remarquer. Il y a une urgence de l'été, entre vigueur et repli, une aspiration à être une multitude de choses en même temps. L'été : la saison des infinis tiraillements. 

samedi 30 juillet 2022

Vivre : vénéneuses emmerdeuses

 
Keith Haring / Affiche du Montreux Jazz Festival 1983
 
Impudentes bourdonnantes, exaspérantes gourmandes, 
touche-à-tout, passe-partout, risque-tout,
jamais invitées, jamais rassasiées, mais toujours attablées, 
éternelles pique-assiettes, malhonnêtes trouble-fête 
exécrées, mais obstinées : les guêpes.

vendredi 29 juillet 2022

Ecouter / Lire : un jour d'acqua alta

 
 
Ces jours-ci, pour faire durer le plaisir, je lis au compte-gouttes le dernier ouvrage de Chantal Thomas, Journal de la nage, un journal qu'elle a tenu très exactement du 6 juin au 29 août 2021 au sortir du confinement : elle y consigne avec un regard impressionniste tout ce qui a trait à ses baignades tant attendues, effectuées ou parfois annulées au large de Nice, les rencontres qu'elles occasionnent, les associations que son érudition lui permet d'invoquer, des réflexions qui remontent à flot. 
La mer n'a pas d'âge. Elle ne procède pas, à l'image des montagnes, par strates successives datables. L'effacement est son principe. Chaque vague annule la précédente. Être propulsé dans l'intemporel constitue un élément de la joie de nager. La mer n'a pas d'âge, le nageur non plus.[p.115-116]
Durant l'été - et surtout en cet été caniculaire - j'aime en guise de sieste réécouter des podcasts de mes émissions préférées. Je me retrouve en errance, dans des lieux attirants où je ne voudrais surtout pas me trouver en ce moment, à Athènes ou à Tanger. Ou comme hier à Venise, retrouvant l'écrivaine éprise de natation et sa journée particulière

Si j'aime tant réécouter les interviews de ces invités radiophoniques, écrivains, artistes, acteurs, des êtres que je ne rencontrerai jamais, c'est que, par-delà les territoires et les années, à les entendre je me sens reliée à eux par toutes sortes d'affinités, des points communs qui se révèlent des miroirs, ne sont pas sans rappeler les coups de foudre de l'amitié.

Chantal Thomas est un personnage étonnant : elle est comme personne. Spécialiste du XVIIIe siècle, du marquis de Sade en particulier, elle appartient totalement à son temps. Reconnue et encensée, elle semble prendre le succès avec une certaine distance, non dénuée d'ironie. Nomade dans l'âme et dans ses relations, elle aime flotter dans un monde de légèreté et d'impermanence.

Sa journée particulière est une journée d'acqua alta à Venise, vécue au printemps 1997, le soir-même où elle débarque dans la ville. L'académicienne raconte un appartement loué dans le Ghetto, son émerveillement à rentrer chez elle les pieds déchaussés, établissant un pacte avec la Cité des Doges, enveloppée d'eau et d'obscurité. Elle évoque sa rencontre avec Ugo Pratt, son plaisir d'écouter Patti Smith, sa passion pour l'élément aquatique, pour Casanova et pour les départs. 
 
Où qu'elle se trouve, elle aime prendre son temps, glaner impressions et images, ramasser des coquillages (dont elle garde les plus jolis). Elle aime musarder dans les villes, dans Venise en particulier dont les ciels lui rappellent Tiepolo, poser sur tout ce qui l'entoure un regard attentif et sensitif. L'écrivaine parle avec lenteur, elle prend tout son temps pour se raconter. Et c'est sa diction prudente, presque hésitante, qui fait qu'on a très envie de l'entendre. A un certain moment, on tend l'oreille, car elle confie :
Quand j'arrive dans une ville, que je m'installe dans un hôtel ou dans un appartement, j'aime beaucoup me l'approprier et le meubler d'objets, ténus souvent, achetés sur place, de petites tasses, ou un vase, et le fleurir, et comme j'aime les cartes postales, je les dispose et je continue de vivre avec des tableaux et des paysages que j'ai admiré pendant la journée. C'est un monde léger qui me satisfait absolument.
C'est rare, une personne qui, alors qu'elle est en voyage, s'aménage une chambre, s'approprie un lieu, même pour seulement quelques jours,  histoire de se créer un territoire personnel éphémère, un peu comme quand, enfants, on se créait une cabane et cet espace devenait notre monde le temps d'une longue après-midi. Dans un univers léger et transitoire, se construire des bulles provisoires, qui satisfont absolument notre esprit nomade et inconstant. Ah, cet esprit et cette personne, comme on les comprend!
 

jeudi 28 juillet 2022

Vivre : prendre ou pas


Questine / Claude Garrache / Granet XX / Aix-en-Pce
 
 La flatterie : mettre à nu cette fausse amie
Le compliment : croire à son encouragement
 

mercredi 27 juillet 2022

Vivre : plonger

 
Acrobate provenant de Cnossos/ musée archéologique / Heraklion

Nager : un des plaisirs de l'été et, par temps de canicule, ce plaisir se fait impérieuse nécessité. A Berne, la rivière Aar décrit une boucle autour de la vieille ville. C'est un beau cours d'eau qui charrie depuis les Alpes des flots clairs, non contaminés (un tantinet fougueux, il faut bien l'avouer).
La ville propose plusieurs piscines gratuites, généreusement ouvertes à un large public. Mais surtout, elle offre un long trajet bien balisé aux nageurs désireux de se la couler douce en admirant le paysage, le Palais fédéral ou la cathédrale.
Plonger dans cette eau ne signifie pas forcément nager : il suffit de se laisser porter. Ne rien faire, juste lâcher prise. Au cours de la descente, on discerne des gens assis dans l'herbe qui prennent leur petit-déjeuner, là, un jeune homme figé dans une posture de yoga, ici, deux amies en tendre confidence, une main confiée négligemment au courant, plus loin, des merles sautillent en se désaltérant. Un touriste tend son smartphone au-dessus des flots et hurle dans sa langue : regarde, regarde comme l'eau est transparente. Certains, craintifs, hésitent, l'index pointé sur leur lèvre inférieure, observent les têtes qui flottent comme des ballons colorés. On les sent à deux doigts de se lancer.
Dans cet univers émeraude, le temps, curieusement, semble s'être arrêté, ou du moins distendu, toute notion en est perdue. Crawlant sur le dos pour ralentir la course, on aperçoit la lumière qui danse entre les vastes branches des arbres inclinés. L'instant est de tout beauté. On se croirait de retour au temps d'avant le temps, bien avant la naissance, un monde irréel hors d'atteinte de toutes sortes de contingences.
Le bonheur se niche là, dans ces scintillements que l'on perçoit, dans cette valse des feuillages effleurant les baigneurs, lesquels ne sont plus rien que des billes mouvantes, brindilles emportées par le courant. Métaphore de la vie, temps aboli qui s'enfuit, passage inexorable et impermanence, ce n'est jamais la même rivière, jamais la même expérience. Derrière soi on entend des rires et des cris :  des bulles de joie descendent l'Aar elles aussi.

Un billet reportage : ICI 
 

mardi 26 juillet 2022

Vivre : versatiles, ils s'envolent

 


Tête en l'air, admirons ces indociles espaces... puisque tout passe...

Puisque tout passe, faisons
La mélodie passagère;
Celle qui nous désaltère,
Aura de nous raison .

Chantons ce qui nous quitte
Avec amour et art ;
Soyons plus vite
Que le rapide départ.
 
La mélodie passagère / n° 36 /Rainer Maria Rilke, in : Vergers, recueils de poèmes en français.


lundi 25 juillet 2022

Vivre : aborder sans se saborder

 
Pietà (détail saints ) / G.B. Cima da Conegliano / Galleria Accademia / Venise
 
Les conflits... est-on tous les jours, en chaque heure apte à les affronter de la même manière ? Certes non : si l'Autre est autre et donc susceptible d'avoir une vision différente de la nôtre, d'entretenir des intérêts divergents, et par conséquent est potentiellement en mesure de nous contrer, la manière avec laquelle nous lui faisons face peut varier selon notre humeur, notre présence, notre degré d'ouverture. 
Nous pouvons sourire et même rire. Choisir de garder le silence ou assurer notre défense. Tourner les talons. Le désarçonner en le prenant à contrepied. Nous pouvons le regarder droit dans les yeux et lui parler avec ce ton calme et pondéré qui a la force de l'acier. Chercher à recueillir des informations et temporiser.
Nous avons le choix et, sûrs de notre liberté d'action, nous décidons : combien d'énergies sommes-nous prêts à utiliser (ou à gâcher) pour gérer cette situation ?  
Quels que soient les jours, quelles que soient les heures, c'est toujours notre propre confiance qui est sollicitée. Notre confiance en nous, en la vie, en notre étonnante liberté d'interagir en société.

dimanche 24 juillet 2022

Manger / Vivre : fais ce qu'il te plait

 
Retour de chasse (détail) / attr. Barthelémi Hopfer / Musée historique / Strasbourg
 
En préparant les felafels exactement comme il ne faut pas (c'est-à-dire avec œuf et farine et un chouia de levure) s'interroger une nouvelle fois sur les indications à suivre (ou pas). Les recettes sont utiles pour inspirer, pour donner des idées, mais il faut avouer qu'originales, elles peuvent manquer d'originalité. Les astuces, c'est évident, on prend, mais les figures imposées, non. Comme tous les références, elles ont besoin d'être rectifiées, apprivoisées, on doit pouvoir se les approprier, faute de quoi la vie manquerait de saveur et de créativité. Dès lors, le seul véritable défi est de se lancer, accepter de se tromper, se laisser surprendre et surtout ne jamais hésiter à retenter.
 

samedi 23 juillet 2022

Vivre : mais l'éclair scie l'orage...

 

... mais l'éclair scie l'orage, écrivait Prévert.
Pas ici : sons infinis de cette longue nuit,
où la pluie dégouline, où il tonne en sourdine
sur les taurillons blasés sur les feuillages hébétés 
n'osant se croire délivrés des pesanteurs de l'été.

vendredi 22 juillet 2022

Vivre : let it be / 24

 
Giovanni Bellini / Santa Maria Gloriosa dei Frari / Venezia
 
Calamité entre toutes : il ne suffisait pas d'entendre auparavant certains brailler à nos oreilles, dans un train ou dans une ruelle, lancer des "t'es où ?", des "et Mireille, qu'est-ce qu'elle dit Mireille ?" et des "où as-tu laissé l'enveloppe ?", toutes sortes de questions impérieuses  qui se devaient de retentir dans des lieux qu'on aurait souhaités paisibles et bien fréquentés, mais à présent, sans doute épuisés par le fait de devoir tenir à portée de leur canal auditif leur appareil, voici que ces locuteurs recourent à la magie du haut-parleur. On a alors la chance de percevoir au cœur d'un joli village de pierre, dans un wagon ou face à une douce fontaine, les inévitables "j'attends l'autobus", " elle dit la même chose que toi" et "sur la table de la cuisine", toutes ces indispensable réponses que notre insatiable curiosité n'osait espérer...
 

jeudi 21 juillet 2022

Vivre : un instant très présent

 
L'annonciation (détail ange Gabriel) / Bartolomeo Caporali / Petit-Palais / Avignon
 
Fascination extrême : ces quelques secondes - peut-être moins, peut-être même une seule, une seule fraction de seconde - dont on dispose pour décider ce qu'il convient de faire dans l'instant opportun. Une fois ce temps passé, un peu comme on laisse passer sa chance, il se pourrait bien qu'on mette des heures, ou des jours, ou des semaines, et parfois toute une vie à récupérer de notre absence, de notre incapacité à la présence.

mercredi 20 juillet 2022

Vivre : expirer

 

Saint-Antoine-L'Abbaye / nef  centrale
 
se lover pleinement dans la solitude
(non, pas l'isolement : la solitude)
 

mardi 19 juillet 2022

Vivre : tout ce qu'il reste à découvrir

 
Madone avec saints et donateurs (détail) / Bernardino Luini / Pinacoteca / Padova
 
L'homme s'emballait ("jé sé, jé sé, je sé"), haussant le ton et le menton.
Bienheureux ceux qui ont la science infuse, songeait-on.
On repensait à ces prix Nobel qui avouent tranquillement, en souriant,
l'étendue de leur ignorance et savent détailler leurs lacunes avec conviction...

lundi 18 juillet 2022

Voyager : à quelle sainte se vouer

 
Madone entourée de saints (détail de sainte ) /Vincenzo Foppa / Castello Pinacoteca / Pavia
 
Je rentre très souvent dans des églises (nettement plus que la moyenne des gens, je crois) non par foi, mais par curiosité envers tout ce qu'elles peuvent receler en matière d'art et d'architecture. Vivement intéressée, par conséquent, mais pas du tout, vraiment pas du tout croyante. Cependant, je ne peux m'empêcher de me réjouir quand je me retrouve face à une sculpture de Saint-Antoine illuminée par des bougies (je ne cesse de perdre des choses que je cherche désespérément à retrouver, et le bon Saint-Antoine arrive toujours à point nommé). Je suis encore plus heureuse quand j'aperçois la figure de Sainte-Rita (bien que ses représentations méritent la médaille du kitsch toutes catégories). Cette sainte de l'impossible m'impressionne et me ravit (on me traitera d'opportuniste, on aura bien raison, mais j'ai régulièrement une cause désespérée à lui exposer). Dernièrement, l'apercevant dans la cathédrale de Forcalquier, j'ai senti une demande pressante émerger qu'elle seule était en mesure d'entendre. Sainte-Rita, je t'en prie, Sainte-Rita, fais en sorte que... Eh bien, dans la semaine, le problème s'est dénoué. Comme par magie. Sainte-Rita devrait être remboursée par les assurances-maladie.
Si je rentre dans des églises beaucoup plus fréquemment que la plupart des gens, je crois aussi que je dépense nettement plus que la moyenne des fidèles en cierges et lumignons. Mais bon... pour me délier d'un sacré poids, que ne ferais-je, ô Sainte-Rita !

dimanche 17 juillet 2022

Vivre : dompter son dragon

 
Saint-Georges et le dragon / fresques de la chapelle privée / château de Fénis / Val d'Aoste
 
L'épreuve : 
le plus difficile n'est sans doute pas de la traverser, 
mais de parvenir à la surmonter plus expérimentés, 
enrichis, et non définitivement ébranlés, diminués.

samedi 16 juillet 2022

Vivre : se raconter des histoires

 
chapiteau 19 / cloître Saint-Ours / Aoste / Réconciliation entre Jacob et Esau / détail du troupeau de Jacob
 
Dans la fraîcheur des pierres, silence de désert,
depuis des siècles se transmettent les histoires.
A les suivre pas à pas, se réconcilier avec soi.
Peu à peu, troupeau rassemblé, parvenir à polir, 
avant de repartir vers un monde fragmentaire.

 

vendredi 15 juillet 2022

Vivre : avec des fleurs

 
Flowers IV / 1990 / Keith Harring
 
Assise sur la terrasse, Mado m'a demandé : "c'est quoi pour toi, la gentillesse ?" (elle venait de me décrire une collègue particulièrement douceâtre et traitresse).
 
Je n'ai pas hésité longtemps. "Il y en a deux sortes: la première, authentique, se reconnaît à une réelle présence, condensé de douceur et d'attention, ne comporte pas de jeu ou d'affectation. La seconde, en toc, se décèle à une évidente exhibition, surjoue l'apparente bonté, dégouline d'opportuniste soumission. C'est simple : face à la première, on se sent pleinement accepté, en sécurité, face à la seconde, on a juste envie de décamper. Encore plus simple : la première est un bien rare et gratuit, sur lequel on peut compter. La seconde inonde le marché des relations comme nos trottoirs les imitations de Louis Vuitton. Tout y est calculé."
 
Mado a écouté. Puis elle a ajouté : "Ma définition est bien plus courte : la première, qui ne connaît pas l'hypocrisie, n'a pas besoin d'orner de "bisous" ses fourberies." Oh oui, j'ai dit.

jeudi 14 juillet 2022

Vivre : trente-six ans déjà

 

Amour reçu, amour donné : naturel et surnaturel, intemporel, quasi irréel comme ces lys déployés.
 

mercredi 13 juillet 2022

Vivre : still life / 118

 

Ce pullover en pure laine je l'avais payé  - je m'en souviens très précisément - cent francs il y a quarante ans avec mon premier salaire et il est encore comme neuf. Aucune mite n'a osé s'y casser les dents. Je me l'étais procuré  sur le marché de LCDF, au stand de la communauté Longo Maï.
Je voulais depuis longtemps retourner leur rendre visite dans leur ferme du Jura où ils élèvent toujours des moutons et des abeilles. Il se trouve que le fils d'une amie s'est installé là-bas avec sa jeune famille. L'occasion rêvée pour reprendre contact. Le site est magnifique - du moins par une journée resplendissante de juillet. Devant la maison, les personnes attablées étaient exactement comme je les imaginais. Une bande de bosseurs, pas forcément exubérants mais discutant rigoureusement de tous les points concernant leur vie quotidienne et laborieuse tout en caressant les chats qui venaient se lover entre les verres. Dress code de rigueur : vêtements noirs ou délavés, coupes de cheveux maison, attitudes décontractées et mots bien pesés. 
Avant de partir, R. m'avait demandé : tu veux t'habiller comment, pour aller les voir ? Je n'ai pas hésité un instant : pas question de me déguiser en soixante-huitarde attardée pour me rendre là-bas. J'ai enfilé mes vêtements de la veille, en l’occurrence un large chemisier rose pimpant, mes pantalons couleur moutarde et des baskets jaunes assorties. R. m'a dit que je détonais un peu, mais bon je n'y allais pas pour séduire des sectaires. Je voulais soutenir cette association, dont j'apprécie les produits et partage bon nombre de positions.
T.est responsable des ovins. Sa femme effectue un travail polyvalent. Ils ont pris le temps de répondre à nos  questions. J'ai apprécié de rencontrer des gens préoccupés par l'avenir de notre planète, œuvrant de manière solidaire, actifs dans le domaine de l'asile et promouvant un type d'échanges alternatif. Chez eux, pas de salaire. Les biens nécessaires circulent, mais pas l'argent.
Il m'a dit : "Plus tu consommes, et moins tu es libre." Une vérité qui me semblait couler de source (comme la fontaine sur leur chemin). Moins tu as de besoins, de quelque ordre qu'ils soient, et plus il te reste de temps et d'énergies à disposition pour vivre la vie qui te convient.
Je me suis renseignée sur leurs actions en Ukraine et leur ai acheté quelques pots de confiture et de chutney. Nous avions encore de la route à accomplir et des tâches les réclamaient. Nous leur avons fait un signe, tandis qu'ils s'acheminaient vers leur luxuriant potager.

mardi 12 juillet 2022

Vivre : occupations

 
Fondation Beyeler / salle avec "Spiegel" et "Nuages" de Gerhard Richter
 
Ces derniers temps, j'ai été constamment ramenée à des questions de place. Il y a eu ces réflexions sur le fait de faire place chez moi. : jusqu'où étais-je prête à partager l'ensemble de mes territoires ? Des questions telles que : quelle est ma place ? où est ma place ? Et aussi, la question essentielle : que signifie le fait d'être à sa juste place ? Enfin, il y a eu ce livre : "Être à sa place" avec ses multiples échos et, je pouvais m'en douter, quantités de problématiques ouvertes sur bien des réponses qui restaient à trouver. Toutes ces interrogations me ramenaient parfois à une vague de tristesse, sale Ritale rentre chez toi, des injonctions soufflées sur l'enfance, des humiliations subies, des strates de souffrance. Parler de place, c'est dire : chez moi, ce qui implique souvent : retourne d'où tu viens.
A Reillanne, un soir, une famille est arrivée qui ignorait manifestement les espaces et les délimitations. Les enfants hurlaient dans leur chambre, claquaient les portes, se coursaient sur la terrasse, jouaient dans le jardin, s'emparaient de ballons qui ne leur appartenaient pas. Ils ne se posaient pas de questions sur les limites autorisées, ils occupaient toutes les surfaces. Ils arrivaient d'un pays aux frontières floues, un pays envahi et ils envahissaient à leur tour sans se soucier de ménager les domaines personnels auxquels ils étaient confrontés. Avant qu'ils n'arrivent, les lieux étaient calmes et ouverts. Après leur départ, ils ont retrouvé leur sérénité. Pendant leur présence il y a eu comme un repli, chacun se terrait, se retirait et attendait que ça passe. 
Mais la question de la place ne concerne pas que moi. Là-haut, quand je promène mon chien, je remarque que le paysan est excédé par les promeneurs qui abandonnent bouteilles et sachets, qui parquent sur l'herbe à fourrage. Il a disposé des bandes orange fluo pour indiquer les bordures de sa propriété. Je ne l'avais jamais vu réagir ainsi. Parfois, dans la rue ou les espaces publics des personnes expriment de l'irritabilité, on dirait qu'il arrivent à bout de leurs possibilités. Leur sensibilité face aux incivilités s'est épuisée.
Respecter et se faire respecter. Connaître ses propres limites, ménager le territoire de l'autre. Définir sa sphère privée pour trouver à s'y poser, à s'y développer, à s'y protéger. Traversée par ces intuitions, je regagne ma maison et m'empare d'un livre de Georges Perec, un de mes fondamentaux, dont jamais je ne me lasse et dont j'avais déjà parlé ICI.
 

lundi 11 juillet 2022

Vivre : l'envol

 
La vie (détail) / Pablo Picasso / The Cleveland Museum of Art / Cleveland / USA
 
Objectif atteint : A. et T. se sont vus attribuer un studio dans une ville, un nœud ferroviaire mettant les principales destinations du pays et toutes les chances de trouver du travail à leur portée. Ils ont emmené une pile de linges et de draps et plusieurs recettes de pâtes simples et efficaces. Ils auront passé un peu plus de trois semaines ici.
Parmi les articles consultés sur la toile, beaucoup sont consacrés aux familles qui ouvrent leur porte à des réfugiés. Certains soulignent l'aspect positif, enrichissant et humain de l'expérience, d'autres mettent en avant les difficultés de communication, l'abandon de la part des services officiels censés encadrer, les difficultés matérielles et le risque de burn out pour certaines personnes trop impliquées.
Que dire ? Tout est vrai. Rien n'est vrai. La réalité est sans doute flexible, oscille probablement autour d'une moyenne, un mélange d'efforts et de satisfactions, de profond découragement compensé par de lacérantes émotions.
Il est une chose qu'il s'agit de ne pas oublier : les réfugiés ne sont pas "des réfugiés". Être réfugié n'est pas une identité. Les gens arrivent avec leur histoire, leurs bagages, leurs capacités et leurs failles. Il en va de même pour les gens qui accueillent : ils le font avec leur propre histoire, leurs motivations et leurs élans, leurs faiblesses et leurs énergies. La rencontre entre ces personnalités fait partie intégrante de l'expérience, de sa réussite et de son potentiel enrichissement.
A. et T. avaient fui leur pays depuis le 26 février. Ils ont connu la vie dans un hôtel de Madrid, puis ils ont résidé à Nanterre pendant quelques semaines. Finalement, le dix juin, ils ont franchi la frontière suisse où ils ont été hébergés dans un centre pour requérants en attendant qu'il soit décidé de leur attribution cantonale (presque tous les requérants sont aimantés par les villes de Zurich et de Genève, mais tous les cantons doivent participer solidairement à leur accueil). Tous les soirs, nous les entendions parler longuement avec leurs parents. Ces parents semblaient désireux de les savoir en sécurité, mais incapables de leur communiquer un autre message que : restez à l'abri. "Restez à l'abri" est un conseil infiniment sage quand on est soumis aux bombes et à l'insécurité. "Restez à l'abri" est une injonction qui ne sert à rien, quand il s'agit de trouver sa place dans une nouvelle langue, un nouveau pays, une nouvelle société. 
A. et T. devront donc apprendre à nager, évoluer entre leurs anciens rêves et une imparfaite réalité. Électrons libres pendant de longues semaines, ils devront atterrir sur la planète Exil, après avoir longuement attendu, redouté et tenté de maintenir à flot leur espérances bouleversées.
Quant à nous, il semblerait que les autorités aient prévu un défraiement de 140 euros pour cette expérience. Le moment venu, je me réjouis de les ajouter au mandat mensuel en faveur de "Save the children", une institution qui accomplit des miracles à la frontière polonaise, ouvrant des classes de fortune, soutenant l'enfance abandonnée.

dimanche 10 juillet 2022

Vivre : la grande invasion

 

 Des flots de vacanciers ont débarqué dans la région.
Chaque matin je mesure la valeur de l'expression :
le monde appartient à ceux qui se lèvent (très) tôt. 
Un être noble et altier partage cette opinion : le héron. 

samedi 9 juillet 2022

Regarder : extraordinaires images ordinaires

 
Spilimbergo / 2008 / Bernard Plossu / précédé Fresson
 
Cordonata du château de Corchiano / François-Marius Granet / lavis et rehauts d'encre brune
 

 
Au musée Granet, se tient l'exposition Italia discreta. Trois salles en enfilade sont consacrées au travail du photographe Bernard Plossu, des clichés provenant de divers périples à travers la péninsule, mis en regard avec une soixantaine d'esquisses que le peintre aixois François-Marius Granet a réalisées durant ses voyages en Italie entre 1802 et 1824.
Les œuvres exposées permettent d'identifier les liens entre leurs parcours effectués à presque deux siècles de distance et mettent en lumière leurs regards respectifs, soutenus par des techniques très diverses (tirage selon la méthode Fresson** pour le premier, lavis et aquarelle pour le second).

Au cours de la visite, je me suis sentie très vite happée par les clichés tirés au charbon. J'ai été frappée par le pouvoir d'évocation de ces images et leur capacité d'envoûtement. Dans la pénombre feutrée, des brassées de souvenirs, des bribes de conversations, des frissonnements ont surgi de manière inattendue.


 Isola della Capraia / 2014
 
Une nouvelle fois, cette réalité très simple s'est imposée : les photographies n'ont guère besoin d'être précises, ni franchement esthétiques ni parfaitement cadrées pour entrer en dialogue avec leur récepteur. La perfection en photographie peut souvent confiner à l'ennui le plus profond. Les couleurs un brin ternies, des échappées sur une place ordinaire, d'apparentes maladresses peuvent, par le lien direct entre l’œil et le cerveau, solliciter directement la mémoire, inviter à quantités d'associations. L'émotion émerge. Les réminiscences affleurent. Peu à peu, le mental laisse place au corps et à une infinités de perceptions. 

 Lucca, 2009

J'ai quitté à pas lents les lieux silencieux, des lieux qui m'avaient ramenée à toutes sortes de passés, enfance souveraine, genoux écorchés, grandes espérances, retrouvailles exaltées, évasions de vacances et séparations déchirantes en fin de saison.
 
 
  
 
 
** Bernard Plossu, photographe de voyage, célèbre pour ses clichés utilisant de façon quasi exclusive le noir et blanc, a également expérimenté la couleur au gré de ses recherches à travers ce procédé pigmentaire particulier, le tirage Fresson, découvert en 1967.
Ces tirages mats au charbon, mis au point en 1952, donnent un rendu délavé, granuleux, doux et presque onirique à ses photographies. L’exposition présente une vingtaine de tirages Fresson, quasiment inédits.

 

vendredi 8 juillet 2022

Vivre : remonter en enfance

 
L'étude des artistes allemands à Rome (détail) / Wilhelm von Kaulbach / Neue Pinakothek / Münich
 
L'autre jour, attablée dans une vaste salle, je tentais de résoudre un épineux problème avec une interlocutrice très impliquée. Soudain, presque à mon insu, j'ai évoqué un détail de mon enfance, oublié depuis fort longtemps (ou alors mis de côté parce que trop évident). J'ai craint un instant d'avoir fait dévier la discussion avec un élément importun, mais soudain dans cet espace aux chaises dépareillées, grosses bouteilles à disposition et verres en carton, il m'est apparu que la question que je tentais de régler était directement liée à l'enfant que j'avais été et qui manifestement avait grand besoin d'être reconnu, entendu et soulagé. D'un coup, la solution s'est imposée. 

jeudi 7 juillet 2022

Vivre : en terrasse

 
détail sainte / il maestro di San Martino Alfieri ? / Pinacothèque / Palazzo Mazzetti / Asti
 
Lundi de vacances et de soldes au centre de L. Terrasse ombragée d'où l'on pouvait contempler la foule placide qui promenait ses sacs dotés de logos ou ses chiens ornés de colliers à nonos. Déjà, pas mal de touristes, des plans de ville et des guides poussivement consultés, des langues étrangères qui voltigeaient dans la touffeur qui caractérise ce nouvel été.
A la table d'à côté, un couple s'est approché. Elle marchait avec précaution, se tenait maladroite aux dossiers, s'aidait d'une mince canne noire qui tremblait. Difficile de lui donner un âge, avec cette minceur extrême et ce sourire adolescent. Peut-être pas loin de la cinquantaine ? Elle avait l'air ravie, elle s'exprimait avec une candeur de petite fille dont c'est la première sortie depuis longtemps. Elle paraissait s'extasier de tout : le soleil badinant avec l'ombre du platane, les enfants, la vie qui se déroulait dans toute sa banalité, splendidement, et la carte qui proposait quelques douceurs. Soudain, elle a lancé : "Oh, oui, une tartine. C'est fou ce que j'aime le goût du beurre, et celui de la confiture." Elle a ajouté : "elle est si bonne, la confiture de fraises!"
Elle paraissait être une miraculée. Elle irradiait l'étonnement et la naïveté. Autour d'elle, des gens blasés trouvaient cette chaude après-midi totalement ordinaire, courraient pour aller faire de bonnes affaires, répondaient à des appels importants. Mais elle, lumineuse inconnue, qui passait inaperçue dans toute son apparente insignifiance, était la perle rare qui savait rendre à la journée tout son éclat.

mercredi 6 juillet 2022

Vivre : Still life / 117

 


Donner. De mille manières : de l'attention, du temps, des présents.
Besoin d'offrir. Plaisir de faire plaisir et de se faire plaisir en offrant.
Écoute attentive, esprit d'ouverture, quelques fleurs, tresse au beurre.
Dans le fond, la dépense n'a guère d'importance, peu importe la valeur.
L'influence réside dans l'énergie : quelque chose de soi qu'on éparpille,
qui ajoute du liant au liant dans un monde de plus en plus charivarique.
Chaotique. 

mardi 5 juillet 2022

Lire : la vie des autres

 
Les Sarcleuses, Camille Pisarro, collection privée
 
La Suisse est un pays doté de quatre langues officielles : l'allemand (parlé par 65% de la population), le français (25%), l'italien (8%) et le romanche (une sympathique langue ladine parlée par une toute petite minorité dans les Grisons).
Compte tenu de ces données, nous sommes tous tenus de parler (ou du moins de comprendre) une autre langue que la nôtre. Quand R. assistait à des colloques nationaux, souvent il était plus simple pour les représentants des quatre communautés de s'entendre en anglais, une cinquième langue en train de s'imposer, surtout dans les grandes places d'affaires.
Berne, notre capitale, à 40 kilomètres d'ici, est une ville germanophone et je m'y rends régulièrement. Comme j'y demande mon kilo de carottes en français et qu'on me rend la monnaie en allemand, j'essaie de tenir plus ou moins à jour mes connaissances de la langue de Goethe. Pour rafraîchir mon vocabulaire courant, le moyen le plus simple consiste à suivre quelques blogs sans prises de tête.
J'ai donc cherché il y a quelques années des sites allemands traitant de vie quotidienne et suis tombée par hasard sur un réseau de blogueuses s'adonnant à divers bricolages, dessin, couture, photographie, des personnes en activité professionnelle, mais pas seulement. Il est amusant de constater à quel point les membres de ces blogo-réseaux s'en tiennent toutes aux mêmes patterns (pour parler en bon français). Elles publient en fin de semaines et rendent toutes compte de :
1/ ce qu'elles ont mangé, avec photographies de petits-déjeuners et déjeuners 2/ des balades qu'elles ont faites (avec images d'arbres, de fleurs et d'attendrissants moutons) 3/ des goûters qu'elles ont pris en ville ou en excursion avec une amie dans des coffee shops décontractés 4/ de leurs activités créatrices (pullovers, peintures, poteries ou couvertures en tissus bariolés) 5/ occasionnellement de lectures appréciées. Il y a dans le groupe des personnes extrêmement douées, d'autres qui s'efforcent de les imiter.

Pour les participantes, il s'agit d'écrire leurs billets en s'alignant le plus possibles sur des règles implicites. Les thèmes traités, ainsi que les modalités de présentation sont étrangement similaires (sans doute en va-t-il ainsi de toute appartenance à un groupe humain). L'autre jour, une femme s'est permis d'émettre un avis sur la politique de son gouvernement en matière de soutien à l'OTAN. Elle se disait ulcérée par l'attitude de celui qu'elle nommait "le tsar W." Le jour même elle s'est vue commentée de manière légèrement réprobatrice : on ne parle pas de politique sur ces réseaux (les balades et les écharpes, les ânes et les arcs-en-ciels, quoi qu'il arrive s'en tenir à du consensuel).

Ainsi, il arrive souvent en parcourant ces blogs de se retrouver face à des séries de photos qui paraissent dupliquées : des cappuccinos accompagnés de tranches de gâteau, des chaussettes habilement ajourées, des vélos prêts pour une randonnée, rosiers en pot, bols de céréales saupoudrés de myrtilles. Des tranches de vie arrivées tout droit de Bavière, du Brandebourg ou de Rhénanie.
 
Quant à moi, lire deux ou trois de ces blogs tous les samedis matin avant de partir pour la Suisse alémanique faire une virée me repose et me fait voyager. Enrichir mon lexique est devenu un phénomène distrayant, bien éloigné des fastidieux cours d'allemand, avec leurs genres, leurs déclinaisons de verbes barbants et toutes sortes de cas déconcertants.

lundi 4 juillet 2022

Vivre : trocs

 

Échanger quelques mots avec les maîtres d'un bel épagneul et obtenir des tuyaux pour aller acheter au bord de la nationale des cageots d'abricots à cinq euros. Trouver sur un petit escalier à Simiane-la-Rotonde un bouquin avec la mention "je serais heureux de partir avec vous", l'emporter, le commencer et puis finalement le négocier contre un exemplaire de "Kafka sur le rivage" qu'on avait emprunté dans la grande maison sans avoir eu le temps de le terminer. Donner le bonjour à un menuisier loquace entre les murs du vieux Banon, papoter, rigoler et finir par recevoir un pot de graines de roses trémières rouge grenat (des graines qu'on avait cherchées ici en vain depuis des mois). Déposer un sac d'affaires sur un trottoir et se choisir un bibelot qui patientait là. Ramasser du plastique qui traînait sur la plage et, dans le lot, dénicher une barquette qui fera une parfaite écuelle de voyage. Un service rendu contre un pot de confiture. Un large sourire contre un rab de pommes de terre.
Et ainsi de suite, voltiger de troc en troc, et puis... déposer quelque chose pour quelqu'un, un billet, une pièce, un livre, un linge, déposer non pas pour échanger, mais pour que ça parte plus loin, pour que ça s'envole, que ça serve, que ça dépanne, que ça circule, donner sans rien attendre et laisser les objets s'élancer, vivre leur destinée.

dimanche 3 juillet 2022

Vivre : questions d'espaces

 

Pendant dix jours, nous avons déménagé, réaménagé, arrangé, organisé, accompagné, expliqué, expliqué encore, traduit, dessiné, cherché, téléphoné, contacté, nettoyé, expliqué une nouvelle fois, fourni des repères, posé des limites, effectué des démarches, réparé la plomberie de la cuisine qui s'était bouchée, adapté nos horaires, lavé, orienté. Bref, nous qui n'avions accueilli ici que des invités pour un maximum de trois jours, des personnes dont l'amitié nous faisait chaud au cœur durant les longues soirées passées à deviser, avons tenté de mettre en place une cohabitation avec de parfaits étrangers, parlant des langues étrangères et dont tout nous séparait, âges, formations, rythmes et intérêts.

 
Au bout de dix jours, il faut bien l'admettre, on était épuisés. Une fatigue qui n'était peut-être pas tant physique que mentale et psychique : nous avions essayé de nous sentir encore chez nous tout en permettant à d'autres de se sentir un peu chez eux. 
 
 
C'est alors que nous sommes partis, trouver refuge sous les grands marronniers. La maison carrée, ample, nous a ouvert les bras. Nous nous sommes sentis accueillis, hébergés, et, face aux vallonnements jaunes et mauves de la Haute-Provence, nous nous sommes assoupis, rassérénés.