dimanche 31 août 2025

Voyager/Regarder : visions du réel

 

Tony Albert (Kuku Yalanji), David Charles Collins et Kieran Lawson.
Super-héros de Warakurna #1, série Super-héros de Warakurna, 2017.
Avec l’aimable autorisation des artistes / Sullivan+Strumpf.
Tiré du catalogue des Rencontres 2025. 


Quelques jours ailleurs, partir à l'autre bout de la terre, voir regarder découvrir,
les yeux curieux et grand ouverts, revenir avec des images salutaires et,
tant pis pour le pire, revenir avec le désir aguerri d'aller vers un monde meilleur  
 

samedi 30 août 2025

Vivre : la force des arbres

 
Le chêne de Flagey / Gustave Courbet / Musée Courbet / Ornans
 
 ...je ne sais pas m'adresser aux sépultures. J'ai perdu le langage qu'on apprend au catéchisme et qu'on pratique dans les églises. Je suis discourtois avec le ciel, maladroit avec ses intercesseurs. Rien de ce qui est trop élevé ne m'attire - j'aime le monde à hauteur d'homme et que le sacré s'accomplisse sur la terre, dans un geste simple, une offrande discrète, la beauté d'une lumière de velours adoucissant la pierre. [...] Mes morts vivent en moi. Ils me tiennent compagnie. Ils voyagent et respirent à mon rythme. 

  Olivier / Jérôme Garcin / Folio / p.19

 
C'est surtout en ces belles journées de récolte que je pense à toi : en 1976, pressée de venir te mettre à l'abri, après le séisme qui t'avait d'un coup, peu après la perte de ton époux, enlevé ta maison, tes champs, tes superbes vaches nourricières, tu avais emporté dans tes bagages des plants de prunier destinés à prendre racine ici, en Suisse. 
 
C'est le jardin de mes parents qui les a accueillis. Puis, un jour que j'avais quitté la ville pour m'établir sur cette colline, ma mère m'a remis dans un sac en plastique deux minuscules arbrisseaux à transplanter. L'un paraissait vaillant, mais l'autre était si maigrelet qu'on ne se risquait pas à lui accorder plus d'une année : il ne passerait pas l'hiver, on le craignait.
 
Il l'a passé. Nous voici à présent inondés de pruneaux à chaque fin d'été. Cette année la récolte est fastueuse : c'est que l'ex-maigrichon, devenu un géant, s'est vraiment donné. Sous la lumière vive de l'automne, en faisant mes tartes et mes confitures, c'est à toi que je pense. Tu es plus vivante que jamais, puisque, par la générosité de ces arbres, tu continues à nous régaler. Grâce à un certain manteau, tu continues à me réchauffer. A travers tes mots que je n'oublierais jamais, tu continues à m'épauler. 
 
Je suis la chair de la chair de ta chair. Je te suis, tu es mon chemin, tu es ma lumière. Tu es mon axe dans ce monde désaxé, tu n'as jamais été si près, tu es dans tous les murmures des feuillages des forêts. Quel que soit le vent, tu es et tu resteras un socle en moi, ma nonna.

 

vendredi 29 août 2025

Habiter / Vivre : ces rêves qu'on faisait

 
Villa R / 1919 / Paul Klee / Kunstmuseum / Basel
 
 
Les maisons ressemblent aux personnes. Parfois on revoit quelqu'un que l'on a admiré, des années après, et on se dit : "qu'est-ce que j'ai bien pu lui trouver ?". Le temps a passé, l'autre a changé, notre regard a changé, les rapports se sont modifiés. La déception nous submerge. On mesure le chemin parcouru (on en vient même à se féliciter pour tout ce travail accompli que l'on n'a pas su reconnaître au fil de notre quotidien). Hier, la belle maison en Eternit, celle sur laquelle nous avions tant flashé - le rêve auquel on n'osait croire, un exemple d'innovation absolue, avec des architectes débordants de créativité, sa cour intérieure et son jardin japonais, sa présence unique dans un élégant quartier - la maison était devenue terne, mal entretenue, mal aimée, encerclée par des immeubles résidentiels d'une banalité à pleurer, une dame au charme décati, prématurément vieillie (du reste ses murs semblaient dégouliner de larmes et d'ennui)
C'est le cœur un peu lourd, comme à chaque fois qu'on perd une illusion, que nous avons repris la voiture pour revenir ici, nous étonner du lac et de son bleu électrique, écouter se chamailler les pies et continuer encore et encore de récolter nos fruits.
 

Voyager : écran total

 
 
Alba / Michele Catti / GAM / Palermo
 
En manque de mer, j'ai ouvert le lien que m'avait adressé la galeriste en deuil et j'en suis restée abasourdie : c'est là-bas que je voudrais être mais du travail m'attend encore aujourd'hui. Alors je regarde l'écran et je clique ICI.
 

jeudi 28 août 2025

Vivre : une raison de vivre

 
Vergine dell'Annunciazione /Antonello da Messina / Palazzo Abatellis / Palermo
 
Raison garder sans vouloir
à tout prix raison avoir : 
sacré défi en ces temps obscurs.  
 

mercredi 27 août 2025

Vivre : à livre ouvert

 

"La plage te rappellera que la vie est faite comme ça, qui qu'on soit et quoi qu'on fasse, il y a des marées hautes et des marées basses." (Max Ducos)

A l'arrivée, le paysage s'étend comme une page blanche, qui serait bleue, lisse, incontaminée. Silencieuse.
Ce n'est que deux ou trois minutes plus tard, après quelques brasses dans l'immense bassin, que la vue devient un grand livre pour enfants, quelque chose d'une marée haute, d'une marée basse, qui raconte l'histoire d'un lieu et de ses interactions. 
A chaque fois que la tête émerge dans un long inspir, les rives s'animent : un papa vaillant promenant poussette, labrador et enfant; deux amies vidant leur thermos en discutant à voix basse (tant de choses difficiles que seule l'autre sait entendre, tant d'amis, tant d'amours, tant d'emmerdes pour leurs cœurs palpitants); trois joggeurs blagueurs passant en coup de vent; une femme sortant de l'eau en tremblant et une autre tentant d'y entrer en frissonnant; une balle jaune sur l'herbe verte, un ballon orange sur les ondes célestes; des insultes canines et des excuses humaines; des exclamations américaines; des vociférations russes provoquant un vaste mouvement de désapprobation; des interpellations des conversations un changement de pampers; une dame comme il faut chignon et mocassins contemplant les couches avec dédain. Un coup de foudre soudain entre un élégant Beagle et un Bouvier australien. 
On referme le livre. On s'étend sur le dos On ouvre grand les bras et on ferme les yeux. Le ciel est une page blanche qui pourrait être bleue.
 

mardi 26 août 2025

Vivre : insensiblement, l'automne

 
 

 
Insensiblement
l'aube chargée d'étoiles
insensiblement 
là-haut des brisures de nuit
insensiblement 
un frouement un aboiement un cri
insensiblement 
la toile à l'horizon qui s'incendie 
insensiblement 
la certitude d'être en vie