vendredi 30 juin 2017

Voyager : en une phrase


La naissance de Vénus (détail) / Botticelli / Offices / Florence


Il y a des phrases qui peuvent vous emmener en voyage plus sûrement qu’un vol de ligne.

"Un vent chargé de lumière et de reflets, qui anime la mer de vagues fréquentes et riches d’écume, qui gorge nos rochers de couleurs, qui porte des semences de myrte et de romarin, qui mûrit les figues de Barbarie et les raisins, qui ensanglante de coquelicots les champs de blé, qui cuit le front et la nuque des pêcheurs, qui féconde la mer de nouveaux poissons… le vent de notre antique civilisation, sous lequel s’ouvrirent les voiles d’Ulysse et de Diomède, il souffle toujours sur nous, même si les millénaires on passé, même si la Grèce n’est plus que ruines. Nous continuerons de puiser dans le levante la chaleur et la vie."
 
Antonio Mallardi, une "âme homérique", a publié en 1956 Levantazzo. Ce livre évoque la vie des pécheurs des îles Tremiti, au large des Pouilles. Il n’a jamais été traduit. Mais Paolo Rumiz, dans son Le phare, voyage immobile, cite sa description du Levante, le vent d’est qui plonge sur l’Adriatique. Quand décrire un vent, c'est décrire un territoire, une culture,
des existences. Quand un souffle puissant modèle les âmes et la nature.

jeudi 29 juin 2017

Vivre : Still life / 25





C’était un vieux bateau de pêche.
en train d’être rafistolé
dans un petit port oublié.
Parmi la sciure, un bout de planche.
Sans valeur, mais avec expériences.
Si longtemps au-dessus des flots,

et maintenant en dessous de plat.  

mercredi 28 juin 2017

Voir : vivante, présente face au possible







Deux images de L'Avenir

Ecouter Mia Hansen Løve, dans sa vie d'artiste.
Ses films subtils sont pour moi des œuvres "re-",
celles qu'il me faut revoir, retrouver, relire.
A propos de  L’Avenir, un petit bijou,
où Isabelle Huppert incarne une femme
 dans la cinquantaine,
quittée par son mari, et qui traverse cette expérience de vie :

La question du dépouillement, du dénuement, l’idée de se dépouiller est une idée à laquelle je suis très attachée et qui est au cœur d’un film comme l’Avenir, où l’on voit les personnages perdre un peu tout, mais pour se trouver. Perdre tout, ce qui veut dire, pas au sens proprement littéral, matériel, mais on les voit faire des deuils. Parfois malgré eux. Il peut y avoir beaucoup de résistance par rapport à ça. Mais en tout cas on les voit se dépouiller de quelque chose et on voit comment c’est un passage qui leur permet d’accéder peut-être à une forme de plus grande liberté, à une plus grande plénitude qu’on ne pourrait pas soupçonner avant d’en faire l’expérience.
 Je me suis rendue compte en faisant le film que c’était un film sur le présent. Le sens du titre est là. Il y a une forme d’ironie dans le titre, L’Avenir, parce que ça sous-entend que la question est de savoir quel sera l’avenir de cette femme. C’est quand on se détache de cette question-là et qu’on se rend compte que la question de l’avenir n’a pas de sens, c’est à ce moment-là que le sens apparaît.
 C’est un film que j’ai fait un peu à tâtons, je ne savais pas trop où j’allais. C’est un film qui me faisait un peu peur, je trouvais le sujet un peu sombre. Il ne s’agissait pas de faire une fin heureuse pour une fin heureuse. Donc je suivais juste mon instinct. Je suivais cette femme et je ne savais pas trop où ça allait me mener. Et je ne voulais pas d’artifice, triste ou gai, dans un souci de répondre à une demande quelconque. Je voulais juste être dans une forme de vérité.
Mais après, surtout en le montant, le film, il m’est apparu que son sens est dans le rapport au présent, dans un présent retrouvé. Donc elle ne retrouve pas l’amour, le film ne la remet pas dans les bras d’un homme (ce qui ne veut pas dire qu’elle ne les retrouvera pas après). Mais ce n’est pas ça qu’il s’agit de trouver dans le film. Le sens du film est de se sentir vivante en étant dans le présent.

La vie d'artiste / 12.06.2017


mardi 27 juin 2017

Vivre : du balai!



Pavie / 2016


Le libraire de V.  a prononcé l'autre jour ces mots : « la ménagère de plus de cinquante ans ». 

Plus précisément, il a dit :
« la télévision fait des programmes pour la ménagère de plus de cinquante ans ». 
Dans sa bouche, ça sonnait  comme un mépris suprême.

Chargée de dédain autant que de naphtaline, 
cette expression issue du marketing m’a fait sursauter. 
Au vingt-et-unième siècle, comment peut-on encore utiliser des termes aussi déconnectés de la réalité ?
 Des contenants aussi vides de contenu ?


(c'est que j'ai vraiment un problème avec cette "ménagère",qui a un panier,
mais qui n'a jamais trouvé son alter ego, car le ménager, lui, ne fait pas le ménage, 
sans compter cet âge butoir de la cinquantaine qu'on nous balance à tout propos)
Promis, la prochaine fois que j'entends quelqu’un invoquer ce concept inepte,
 je lui demande de m’expliquer ce qu’il entend par là.  

En attendant, ce lieu commun, 
comme pour tout ce qui est usagé et non recyclable:
bon débarras et poubelle! 

lundi 26 juin 2017

Habiter : moins pour plus





 Aimer débarrasser.
Nettoyer, trier, donner, jeter.
Être inspirée davantage par le moins que par le plus.

Minimaliste. 
Pour générer espace et lumière.

dimanche 25 juin 2017

Vivre : petite scène de vie conjugale



Quelque part en Toscane

Je vois dans la rue cet homme encore jeune, le visage buriné, qui tend sa casquette à la sortie d’un grand magasin. Pourquoi ai-je envie – presque besoin – de lui donner quelque chose ? Sans doute parce que, dans sa demande, il garde  un air digne. Il se tient sobre et silencieux. Noble. Parce qu’il y a tous ces sacs, au moins cinq, six, suspendus à son vélo, appuyé contre la façade.


Je m'interroge, comme toujours: d’où vient-il, quelle est son histoire ? Mais, j'hésite. Je suis chargée de nos courses. Il fait chaud et lourd. Mon porte-monnaie est tout au fond de mon cabas. Je ne suis pas sure d’avoir suffisamment de piécettes, j’ai tout dépensé au marché. Et puis… il y a tellement de musiciens, de mendiants en ce samedi…non, finalement,  j’avance.
J’avance tout en regrettant d’avancer.

Je le dépasse. Je fais un pas, puis deux, puis trois.

Et j’entends R. à côté de moi me dire : attends, je veux juste aller lui donner une pièce, à l’homme, là, derrière sur le trottoir.

Plus tard, je demande à R. : pourquoi? A cause de son vélo. C’est un voyageur.

Certes, on aime les gens pour leurs qualités, leurs traits de caractère émouvants. Mais, des fois, je me dis qu’on les aime aussi pour de petits détails pas très saillants, pour une pièce de deux francs. 


samedi 24 juin 2017

Lire : aimer la forêt et le vol fou des geais





Pour mon anniversaire, j’ai reçu Cœur de bois.
Cœur de bois ou comment survivre à ses blessures d’enfance.
Comment être plus forte que le désespoir,
comment ne pas se laisser détruire par le mal subi.
Un texte court. Sobre. Efficace.
Une histoire qui peut trouver des échos en chacun/e.
L’histoire d’une victoire de la vie.
Une victoire qui a un prix 
(le dessin est sombre, il fait un peu peur,
il est comme trempé dans la mémoire). 
Mais une belle victoire quand même:

"Aujourd'hui vous êtes seul, et je ne le suis pas. 
Vous êtes malheureux, et je ne le suis pas.
Vous êtes fragile, et je ne le suis plus.
Vous m'avez dévorée hier. Je viens me promener avec vous aujourd'hui.
C'est que j'aime profondément la forêt, l'odeur du sous-bois,
le soupir des arbres, le vol fou des geais. 
Vous ne m'avez pas pris cela. J'ai des lendemains radieux."


Texte : H. Meunier / Illustrations : R. Lejonc / Editions notari


vendredi 23 juin 2017

Regarder : sur la route





Un petit tableau de Gauguin.
La route montante.
1884.
Peint dans les environs de Rouen.
Un petit tableau,
peu connu,
mais...
quand on s'approche...
et qu'on se penche...
allumée, la route
allumée, l'herbe.
Une explosion de couleurs.






Collection Bührle / exposé à la fondaton l'Hermitage

jeudi 22 juin 2017

Voyager : partir à la découverte




A chaque fois que j’entends
les accords de Veridis quo,
je me souviens, cette excursion à Mljet.
Le vent à l’aller, le vent au retour.
Le tangage incessant.
durant toute la traversée,
nos corps projetés en arrière en avant,
sautillant, oscillant à contretemps.
Dans cet univers bleu :
bleu, le bateau, bleu le ciel,
bleues les vagues, bleues les îles,
bleu, un linge, 
bleus, tes yeux,
le regard porté sur la mer,
scrutant le large,
la traversée comme une attente,
une longue tension, 
avec des variations bleues.



mercredi 21 juin 2017

Vivre : love story


En vitrine à Chania


Ce matou.
Noir. Blanc.
Fuyant.
Vivant dieu sait où.
Esquivant toute approche.
Farouche.
Passant son temps
à chasser et à prospecter
près des cerisiers.

Candide
(se croyant bien caché
quand il planque son museau
dans le pré)
Ce chat,
oui, ce chat un peu bête,
ce chat pas très liant, ce matou un peu filou,
un peu casse-cou,
je l’adore. 

mardi 20 juin 2017

Vivre : la traversée de l'hiver / 9


Léman depuis Ouchy

Ecouter la voix de la sagesse :

« Vous pouvez diriger la bonté aimante vers vos parents, qu’ils soient vivants ou morts, en leur voulant du bien, en souhaitant qu’ils ne se sentent pas seuls ou souffrants, en leur rendant hommage. Si vous vous en sentez capables et que cela vous semble bénéfique, et libérateur pour vous, faites une place dans votre cœur d’où vous leur pardonnerez leurs préjugés, leurs peurs, leurs mauvaises actions et le mal qu’ils vous ont fait. Souvenez-vous du vers de Yeats : «  Et comment pouvait-elle faire autrement, étant donné ce qu’elle est ? »

[…] En invoquant de semblables sentiments dans notre pratique, nous repoussons les limites de notre propre ignorance, tout comme dans le yoga nous étirons nos membres contre la résistance des muscles, des ligaments, et des tendons. Ainsi, dans cet étirement, aussi douloureux qu’il soit parfois, nous nous développons, nous grandissons, nous nous transformons, nous transformons le monde. » ***


Et, comme chaque semaine, prendre le train. 


*** Jon Kabat-Zinn, Où tu vas tu es.

lundi 19 juin 2017

Vivre : avec plus ou moins de style




Un écran bleu lacté.
Un croissant de lune tout pâle.
Des volutes d’hirondelles.
Un insecte non identifié.

Un ciel sillonné de part en part.
Un parapente rouge.
Une bande de nuages
(Comme des îles en grappe).

Des éclaboussures.
Une houle soudaine.
Un entraînement  au chronomètre.
Une tasse imprévue.

Un oiseau volant très haut.
Un avion volant très bas.
Une dernière île.
(Qui se dissout dans l'air).
Un dernier charter.
Un quadrilatère.

Et  à nouveau, du bleu, 
rien que du bleu lacté.
Un corps apaisé.
Des longueurs en dos crawlé.

dimanche 18 juin 2017

Regarder: le garçon songeur



Le garçon au gilet rouge (détail) /Paul Cézanne / coll. Bührle

Le parquet craque sous mes pas.
Nous sommes seuls,
le garçon et moi.
Face à face.
Admirer le travail de Paul.

Tout Cézanne dans un bras.




Fondation l'Hermitage
Chefs-d'oeuvre de la collection Bührle
07.04-29.10.2017

samedi 17 juin 2017

Vivre : Still life / 24





Si, bien que n’en portant jamais, je fais toujours montre de ponctualité,
c’est bien grâce à lui.
De l’aube au crépuscule, en bonne place,
il m’a continuellement à l’œil

(à moins que ce ne soit le contraire)

Un flic et un indic.
Un cadre et un repère.
Un manager et un harceleur.

 Il me met la pression,  use de mille tactiques, à chaque instant,
 pourtant…

Tellement important. 

vendredi 16 juin 2017

Vivre : des nouvelles d'Annie



Ruelle de Rovinj

Annie.
80 kilos de générosité, d’intelligence, de sagacité.
60 et quelques balais.
Annie courageuses face aux épreuves que la vie ne lui a pas épargnées.
Annie frondeuse.
Annie bosseuse.
Annie qui en avait marre et a décidé l’an dernier de quitter avant terme 
le rafiot pourri, mal gouverné où nous avions bataillé quelque temps ensemble.
Annie qui se traînait durant les derniers mois, 
qui n’en pouvait plus des flagorneurs et des procéduriers.

Annie, je viens d’apprendre qu’elle a passé une partie de l’année alitée.
Annie, seule dans son appartement perdu dans la campagne.
Annie, plus de mari, plus de chien, face à des journées trop longues.
Annie vient d’accepter de rempiler pour quelques mois.
Le retour au boulot comme une délivrance.
Retrouver les vieux rails plutôt que se sentir dérailler.

Annie et son contour si difficile à négocier. 

jeudi 15 juin 2017

Ecouter : quand Ernest parle de Pier Paolo


Ernest Pignon-Ernest / La pietà di Pasolini / oeuvre sur Spaccanapoli / 2015

On peut aimer par-delà les époques et par-delà les territoires.
On peut aimer des absents, des êtres qu’on n’a jamais croisés.
L’amour ne connaît aucune frontière, dans le temps ou l’espace.
Lui, je l’aime, je l’ai toujours aimé et je l’aimerai toujours. Intensément.

Nous avons en commun l’amour d’une langue vernaculaire, celle d’une terre au Nord-Est.
Et je l’admire pour ce courage qui était le sien, un courage quasiment effrayant.

Le plaisir d'entendre Ernest Pignon-Ernest parler de Pier Paolo en ces termes (ici):

Pour moi, c’est un repère, c’est une référence, cette façon qu’il a, si vous voulez, cette façon qu’il a d’affirmer une espèce de simultanéité du temps. Pour prendre l’exemple le plus évident : il s’affirme comme marxiste et il fait Médée, Œdipe, l’Evangile selon St-Mathieu.Il s’affirme dans les 2000 ans d’histoire qui fondent notre culture.Il a cette espèce d’approche très charnelle, très sensuelle des lieux, des gens, des choses. Et, paradoxalement, c’est cette façon charnelle qui fait apparaître le sacré de chacun. Et on le sent beaucoup : cette façon de se saisir de la vie d’un petit voyou de Rome. Et cette façon de faire résonner Virgile et Dante, en parlant d’Accatone, d’un petit voyou.
Pour moi, sa démarche est un exemple permanent. Il incarne les contradictions de notre temps.
Il était tiraillé entre Marx et Jésus, il avait cette exigence de raison, d’analyse permanente, politique, et, en même temps, il était passionné.
Vous voyez comme ses contradictions, il était déchiré tout le temps.Ses propositions sont très savantes, toujours chargées de références picturales, Piero della Francesca, Pontormo. Et en même temps c’est très populaire. Vous voyez, il y a toujours ces espèces d’oxymores. Il était il est comme ça, lui-même. 

Lors de la même émission, on entend la voix de Pier Paolo, et Ernest traduit :

"Maintenant, contrairement au régime fasciste, nous avons un régime démocratique. Mais ce culturicide, cette uniformisation, que le fascisme-même n’avait jamais réussi à obtenir, le pouvoir d’aujourd’hui, celui de la société de consommation, a réussi à l’obtenir parfaitement. En détruisant les différentes réalités particulières. En enlevant du réel aux différents êtres humains que l’Italie a produit historiquement de manière très différenciée. Donc ce culturicide est en train de détruire l’Italie, et l’on peut dire sans hésitation que le vrai fascisme, c’est le pouvoir de cette société de consommation. Elle est arrivée si rapidement qu’on ne s’en est même pas rendu compte, ces 5, 6, 7,10 dernières années.
Ça a été comme un cauchemar, dans lequel on a vu l’Italie se détruire jusqu’à disparaître.
Et maintenant, en se réveillant, on se regarde autour et on se rend compte qu’il n’y a plus rien à faire." (Archive non identifée / 
l'Heure Bleue / diffusé le 27.04.2017)

Voilà ce qu'il disait il y a plus de 40 ans, Pier Paolo...
Lucide, dans la cible.

mercredi 14 juin 2017

Vivre : à qui appartient le monde




Bulle Jérome : Bonjour, Madame Rose. 
Bulle Mme Rose : Monsieur Bloche, vous êtes bien matinal.
Bulle Jérome : Eh ! Ne dit-on pas que le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt ?!
Bulle Mme Rose : Allons bon ! Qui a pu sortir une ânerie pareille ?
Bulle Jérome : Euh… je ne sais pas. C’est ce qu’on appelle un adage, je crois. 
Bulle Mme Rose : Ah oui ! Eh bien, vous direz à votre adage que quand on se lève tôt, on est plus vite fatigué le soir et que moi ça fait trente ans que je n’ai pas vu la fin d’un film à la télévision.***

Plein de sagesse.
Tout jour qui se lève porte sa part de magie.
Mais...
Heureusement que je peux compter sur les touches « enregistrer » et sur les podcasts.
Parce qu’à l’heure de connaître l'assassin,
et de savoir s'ils se retrouvent enfin,
à l'heure du mot de la fin,
je dors depuis longtemps comme un bambin.



***Post mortem, Jérome K.Jérome Bloche, Dodier, Dupuis, 2012

mardi 13 juin 2017

Vivre : petites séparations entre amis


Mondo novo / Giandomenico Tiepolo / Ca'Rezzonico / Venezia

Savoir dire au revoir.
Toute une histoire.
Arriver, dire bonjour, entamer la relation :
c’est bon. Ça va.

Mais le moment de quitter, quand il s’est passé quelque chose.
Quand on se sépare après s’être attaché, même très peu, même très brièvement.
Cette émotion qui me saisit, cette agitation, ce malaise.

Instinctivement, j’aimerais quitter très vite, partir en catimini, m’en aller à la sauvette.
Pratiquer encore et toujours l'art de l'esquive.
Mais : apprendre à faire face. 
Dire au revoir en étant vraiment là.
Tendre la main.
Dire deux mots.
Surmonter la douleur des au revoir.

lundi 12 juin 2017

Vivre : ce matin-là


Façade sud / cathédrale St-Laurent / Trogir


La gratitude :
prier
sans
rien demander.

dimanche 11 juin 2017

Voyager : les fils de la terre


Archipel des Kornati


Alpes

A chaque retour,
vivre intensément cette phrase de K. Gibran :
Entre les rivages des océans et le sommet de la plus haute montagne
est tracée une route secrète que vous devez absolument parcourir
avant de ne faire qu'un avec les fils de la Terre.

samedi 10 juin 2017

Voyager : amor de lonh


front de mer à Korcula

Leur vue me rassure. Leur présence est gage de pureté. Me baigner dans des eaux rocheuses où ils ne seraient pas présents m'inquiéterait fortement. Ce qui n’est pas bon pour eux ne l’est certainement pas pour moi. J'aime donc les découvrir, les observer. 


De loin. Si possible.


Il y a deux ans, juste avant de partir prendre l’avion, toute à ma joie de pouvoir me baigner une dernière fois dans les eaux fraîches et turquoises, j’avais étourdiment crawlé sur le dos un peu trop près du rivage.


Mon épaule avait alors heurté un rocher.


Sur lequel barbotaient deux créatures innocentes, mais néanmoins porteuses de tous les attributs de leur espèce.


La neige avait déjà commencé de tomber, que j’avais senti une dernière fois sous mon ongle comme une résistance, tiré d’un coup sec et tenu entre mes doigts un ultime petit bout d’Adriatique (deux millimètres de fin tronçon noir).


C’est curieux, la mémoire : il ne reste aucun souvenir douloureux de cette expérience. Juste ce sentiment d’avoir porté longtemps des infimes parties de Méditerranée en moi.


Les oursins m'inspirent la même tendresse que les ours : menacés, à protéger. 

De loin. Si possible.


vendredi 9 juin 2017

Habiter : la maison centenaire



Nous louons la maison de la grand-mère.
Jasna, notre logeuse,
qui nous régale de poisson frais, d’œufs et de beignets,
semble la déprécier : she’s old, she’s old !
Mais ainsi, striée de beige et de gris,
vieille dame grimée et respectable,
dominant les vignobles, ouverte sur la mer,
elle a sa petite dignité. 
Parmi ses nombreuses compétences :
Sait protéger de la chaleur et attirer la brise du Nord, 
les chants d’oiseaux, la lumière tamisée.
A nuit tombée, laisse affleurer l’air du large qui invite à rêver des rêves insolites.
A aussi un cachet extraordinaire, mais, 
c’est bien connu:
Nul n’est prophète sur son île.

Jasna vient régulièrement faire causette sur la petite terrasse.
R. la trouve un brin intrusive. Mais je crois qu’elle s’ennuie :
ses quatre enfants à Zagreb (no work here, nothing, no future),
un voisinage taiseux, une vie sociale qui se réduit à son mari pécheur et à son portable,
des cheveux qui repoussent gris sous sa teinture cuivrée,
elle doit haïr le temps qui passe, ne lui apporte plus de réel horizon.
Alors, elle projette de rénover la vieille maison 
et parle de mettre à jour ses pierres de taille.
La maison se tait et se tient droite, 
face aux champs, aux clochers, à la mer.
Elle en a vu d’autres.

Elle a sa petite dignité.

jeudi 8 juin 2017

Voyager: le petit monastère



Photo tirée du net

Dehors :
cinquante enfants excités comme des puces à la perspective d'un long été de liberté,
courant de ça de là sur la terrasse,
au grand dam des serveurs prétendument stylés
du restaurant fort peu inspiré.

Dedans :
les chants grégoriens, quelque chose de solennel gravé dans la pénombre
et le tronc ignoré, mais pas résigné, 
armé de patience : un modèle de persévérance.