Elle était au fond de ma poche. Où je l’avais
perdue, je ne saurais le dire.
Toujours est-il que, après avoir entendu Madame la Consul honoraire me dire qu’elle ne pouvait malheureusement rien
faire pour moi, pas plus que ses collègues de l’ambassade à La Haye d’ailleurs,
et précisé que la compagnie que j’avais choisie se montrait très très sévère et
que, même munie d’un constat de police, elle doutait qu’elle me laissât quitter
le territoire à bord d’un de ses appareils, qu'il me faudrait alors probablement
essayer de me procurer un billet auprès d’une compagnie plus compréhensive, ou rentrer
par le train, qu’éventuellement je pouvais tenter de les appeler en leur expliquant
en détail les raisons impératives pour lesquelles il me fallait repartir, je me
suis retrouvée à sillonner la ville, à pied, en tram, en autobus pour aller
quérir un banal rapport policier.
Ce faisant, je
constatais que cette métropole avait très peu de commissariats et que ses habitants
semblaient fort peu les connaître. Je me souviens de leur regard stupéfait
quand je m’adressais à eux : something happened ? demandaient-ils tout en me
regardant d’un air mi-consterné, mi-apitoyé.
Ce jour-là, au fil de ma recherche, j’ai
découvert des quartiers inconnus, résidentiels ou populaires, et demandé mon chemin à toute sortes de gens,
tous très gentils et attentionnés : des bibliothécaires, des réceptionnistes d'hôtel, des épiciers
indiens, des retraités, des mères de famille, des balayeurs de rue, des
policiers (en train de déménager), d’autres policiers (occupés à emménager et
par conséquent les uns et les autres inaptes à me délivrer mon malheureux papier).
Ils m’ont tous indiqué le chemin (un tortueux chemin, qu’ils montraient tous sur
la carte en précisant basically it’s in this direction, it’s at twenty
minutes walking) en se disant sincèrement désolés.
Au bout de trois heures, après qu’enfin, dans un ultime poste, une
policière avenante m’eut tendu le
document tant espéré, je décidais de faire la seule chose sensée qui
s’imposait : plus question de démarches, téléphoniques ou bureaucratiques,
je suis entrée péremptoirement dans la boutique d’un marchand chinois et j’ai
choisi avec soin un porte-bonheur apte à me prêter main-forte. J’ai décidé que
ce serait lui et lui seul qui saurait me faire passer la frontière.
Eh bien… quelques heures plus tard, ça a parfaitement fonctionné (n’en
déplaise à Mme la Consul honoraire, que j'imaginais alors fort occupée à se
goinfrer de petits fours dans une quelconque réception officielle).
En repensant à cette matinée ubuesque, je me
dis qu’elle m’a appris bien plus sur la ville, ses rythmes et ses gens que les promenades
en bateaux-mouches ou les visites guidées, les tours à vélo ou en pédalo. Elle m'avait fourni l'occasion de découvrir Amsterdam, destination touristique s'il en est, vraiment vraiment autrement.