jeudi 30 novembre 2017

Vivre : tout vient à point




Parmi les deux ou trois choses essentielles que j'ai fini par intégrer:
la sagesse de savoir ne pas insister.
Quand quelque chose résiste, ne pas m’y opposer.
Surtout, ne rien chercher à forcer.
Ce qui doit se faire se fera. Accepter ce qui ne sera pas.
J’ai aussi appris que les jours où je sais lâcher-prise
sont des jours de moisson et de sérénité.
Les solutions, alors, finissent miraculeusement par arriver. 

mercredi 29 novembre 2017

Vivre : la sacra conversazione


La sacra conversazione / Lorenzo Lotto / KHM / Vienne


Parfois, me sentir en proie à une irrépressible timidité.
Parfois, ne pas savoir quoi dire et alors trop parler.
Parfois, rougir, et m’en vouloir de rougir ainsi sans raison.
Parfois, n’avoir aucune, mais aucune envie de faire la conversation.
Parfois, ne vraiment pas souhaiter voir cette personne-là.
Parfois, attendre et attendre un sourire en retour qui ne vient pas.
Parfois, patauger, m’empêtrer, ne pas trouver les mots.
Parfois, certains jours, préférer le silence à tout ce qui sonne faux.

*******
La sacra conversazione, traduit de l'italien au français par « conversation sacrée », est un thème artistique religieux chrétien qui s'épanouit à partir du xve siècle dans l'Italie du nord et en Flandre, au moment de la Renaissance et qui perdure durant deux siècles avant d'inspirer une peinture de genre à caractère profane.
Contrairement aux autres thèmes religieux chrétiens comme le baptême ou la circoncision de Jésus, la Cène ou l'Annonciation, il n'est pas relié aux textes bibliques, mais consiste en une extrapolation qui incorpore un thème prévalant, celui de la Vierge en majesté ou de la Vierge à l'Enfant : ici, la Madone est entourée de plusieurs personnages, généralement des saints, avec parfois, plus bas et de moindre dimension, la représentation des donateurs ou commanditaires de l'œuvre. [Wikipedia]


mardi 28 novembre 2017

Vivre : les "non"


Rijksmuseum / Amsterdam




La période des « non » est arrivée.

Il me semble qu’elle a commencé en avance cette année.

A fin octobre, j’ai décidé de donner intégralement le montant d’un prix qui m’avait été attribué à une association s’occupant de sans-abris et de migrants. C’est le choix de cette année : un seul don, substantiel, au bénéfice d'une seule association.

Ce choix a impliqué de dire « non » aux autres demandes. Et dieu sait s’il y en a : par courrier, dans la rue, sur des affiches. Des mains tendues, des tons gémissants, des images glaçantes, des sourires reconnaissants.

Dire « non » en cette période de fragilités, de cœurs blessés, de souvenirs remués, de certitudes ébranlées, dire « non » est chose particulièrement sensible (et c’est sans doute un peu pour cela que les sollicitations pleuvent en ce moment de l'année).

Dire « non », c’est  le prix à payer pour dire « oui » par ailleurs : « oui » à ses convictions, « oui » à ses motivations profondes, « oui »  à la petite voix à l'intérieur de soi. On ne peut jamais dire « oui » à quelque chose sans dire « non » à d’autres. 
C’est le prix du choix, c'est le prix de la liberté.



lundi 27 novembre 2017

Lire : Marguerite, Yasmina et le silence




Jeanne Moreau et Lucia Bosè sur le tournage de Nathalie Granger / M. Duras


L'autre soir, Yasmina Reza était interviewée à l'Heure Bleue. A un certain moment, Laure Adler a diffusé une archive où l'on entendait s'exprimer Marguerite Duras et a demandé à l'auteure de Conversations après un enterrement ce qu'elle pensait de cette femme, qui comme elle, avait écrit pour le théâtre, le cinéma et la littérature.

C’est étrange, Marguerite Duras, parce que…je la mets pas du tout dans mes écrivains préférés, objectivement.[…] J’ai beaucoup de respect pour elle. Et surtout pour une chose très particulière. Là où je pense qu’elle a été très grande, et où je lui dois, c’est que, selon moi, elle a introduit une forme de silence en littérature. Et le silence qu’elle a introduit, elle, et que moi j’ai trouvé avec ses livres, même si je ne les aimais pas sur le plan du sens, du fond, de l’histoire autant que ça, ça m’a permis à moi, ça m’a autorisée, non pas à la copier, mais à m’en inspirer, donc c’est très fort quand quelqu’un est un guide, même technique, et moi je mets la technique très très haut.

Et quand je l’entends parler, c’est drôle, je trouve qu’elle parle mieux qu’elle n’écrit presque. Elle a une sorte de poésie de la parole très très grande. 

En écoutant ces propos, je me suis alors souvenue que la question du silence m'avait aussi frappée chez Marguerite Duras. Dans cet extrait de La vie matérielle, il y avait sa manière particulière d'évoquer le silence de l'absence 


A Neauphle, souvent, je faisais de la cuisine  au début de l’après-midi.
Ça se produisait quand les gens n’étaient pas là, qu’ils étaient au travail,
ou en promenade dans les Etangs de Hollande, ou qu’ils dormaient dans les chambres.
Alors j’avais à moi tout le rez-de-chaussée de la maison et le parc.
C’était à ces moments-là de ma vie que je voyais que je les aimais et que je voulais leur bien.
La sorte de silence qui suivait leur départ je l’ai en mémoire. 
Rentrer dans ce silence c’était comme entrer dans la mer. 
C’était à la fois un bonheur et un état très précis d’abandon à une pensée en devenir,
c’était une façon de penser ou de non-penser peut-être, – ce n’est pas loin – et déjà, d’écrire.


L'Heure bleue / France Inter / 22 novembre 2017

dimanche 26 novembre 2017

Lire : à l'heure de l'assassin




Il fait déjà nuit.
Un gros « ploc » sur Agatha Christie.
Goutte rouge sur roman noir.
Examine le sujet, puis repart,

la coccinelle du soir.

samedi 25 novembre 2017

Voyager : les routes du Jura



La route serpentait de forêt domaniale en forêt domaniale. Il y avait quelque chose de rassurant dans le fait de voir tant d’arbres rassemblés. Aussi loin que portât le regard, il ne trouvait que la verdure des sapins, parfois un cheval parcourant un champ à pas lents, parfois des rapaces tournoyant au-dessus des cimes. Aucune trace humaine, si ce n’est au travers de troncs allongés, débités. De là-haut, il semblait impossible d’imaginer que la pollution, les fumées toxiques, les abus en tous genres pussent exister. Impossible de savoir combien de temps le trajet avait duré. Protégés par ces vertes présences, rassurés, nous roulions comme dans un rêve. Dans le plus grand silence. 

vendredi 24 novembre 2017

Voyager : à travers le Haut-Doubs




Le trajet a duré près de deux heures.
Le vent s’était levé et faisait danser les arbres.
Sur la chaussée, illuminées par les phares,
les feuilles voltigeaient et travaillaient des pointes.
On aurait dit des petits rats devant Degas.


jeudi 23 novembre 2017

Vivre : avant la lettre


Piccolo teatro / Castello / Fontanellato

Il y en a des grandes et de toutes petites.
Il y en a de magnifiques.
Il y a des mamans et des bébés.
Il y a les élégantes et les attendrissantes.
Il y a les plus vraies que vraies.
Il y en a de souriantes et des qui font la moue.
Il y en a pour tous les goûts.
A tourner et retourner les pages du catalogue illustré,
je me surprends à rêver, comme à six ans, comme à huit ans,
quand pour Noël, je voulais tant une poupée.

mercredi 22 novembre 2017

Lire : lire et relire



Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l'archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.
 
On devrait lire et relire les classiques. On croit les connaître parce qu'on nous les a imposés dans des programmes scolaires ou académiques. On devrait y revenir, régulièrement, pour retrouver leur pureté, leur évidence, leur élégance. Leur actualité sociale et politique aussi.
Comment, mieux que Baudelaire, dire l'absolue impossibilité de déployer ses ailes, de se réaliser dans un univers social inapproprié? Comment mieux dire les difficultés à trouver sa place dans un monde qui n'est pas le sien? Comment mieux dire l'exil, la souffrance de la différence?

mardi 21 novembre 2017

Vivre : l'aube, l'hiver


Oak Room / Andy Goldsworthy / Chateau Lacoste

Au lever, l’oiseau de nuit pousse ses derniers cris.
L’autoroute tout au loin égraine son rosaire
Les maisons forment des grappes de lumignons.
C’est l’heure de l’attente, en points de suspension,

l’attente immobile d’un premier rayon.

lundi 20 novembre 2017

Vivre : still life / 34




Préparer un calendrier de l’Avent, c’est prendre du bon temps.
C’est d’abord s’aventurer dans les rayons où on ne met jamais les pieds.
C’est dénicher, c’est débusquer, c’est ouvrir des yeux écarquillés.
C’est écrire, c’est dessiner, c’est inventer, c’est colorier.
Et puis c’est emballer tous les petits paquets.
Et partir dans la forêt : où est-elle, la branche rêvée ?
C’est penser, durant tout ce temps, à la personne qui ouvrira ces présents.
Elle qui redoute les cruautés de décembre, et le froid et l’obscurité,
trouvera des citations éclairées et des bonbons acidulés,
un ourson à croquer, des petits jeux démodés,
un dessin bleu turquoise, et des chupa chups framboise,
des pastilles contre la toux et un chien en caoutchouc,
quelques exercices rigolos, des gommes jaune fluo et du beurre de cacao.
J'emballe, je numérote, je suspends, je m'amuse comme un enfant.


dimanche 19 novembre 2017

Regarder : ailleurs




Ce musée mal conçu, mal insonorisé, ne m'a jamais emballée.
Des locaux surchargés, peu de place pour le recul et l'émotion.
L'autre jour, venue pour y rencontrer Paul et Henri,
j'y ai trouvé un car entier de charmants bambins appelés à se cultiver,
ainsi qu'une multitude de visiteurs désireux de profiter entre amis.
Difficile de se concentrer, d'admirer avec tout ce brouhaha.
Des gens très polis ne cessaient de prononcer "je vous en prie" et "excusez-moi".
Dès lors, pardon, Paul, pardon, Henri,
je suis mise à observer les minots, leur vitalité, leur cris,
les "chuuuuut" répétés, les invitations à être sages
d'accompagnateurs soucieux de respecter les lieux et les usages.
Je crois que les peintures de Paul étaient splendides,
et qu'Henri avait fait des portraits saisissants
de Giacometti avec sa mère, de Picasso avec son facteur.
 Mais je garderai surtout en mémoire les échos du bonheur
des enfants joyeux maniant leurs crayons de couleur. 

samedi 18 novembre 2017

Vivre : Dendrocopos major


Anish Kapoor / monumenta 2011 (détail) / Paris

Cette flamme rouge dans la forêt
Qui s’en vient qui s’en va
Et qui toque et qui pioche

Le pic-épeiche serait donc à nouveau là ?

vendredi 17 novembre 2017

Habiter : la désolation




La maison, banale, tristounette, se tient coite.
Pas une fleur, pas une décoration.
Pas un signe de vie, de fantaisie, d’agitation.
On y accède par un petit chemin de campagne, comme il y en a tant au village.
Sur la boîte aux lettres, cependant, deux messages :
De côté, un gros autocollant rouge, avec un chien barré au centre.
Et sur la face, un avertissement :
« Interdiction de déposer vos déchets, ici n’est pas un dépotoir »
Étonnant. Les rares clébards en balade dans ce coin 
iraient donc expressément se soulager dans ce jardin ?
Question dépravations, en dix ans, le maximum que nous ayons eu à connaître
c’était une canette déposée contre notre escalier une nuit de festivités villageoises.
La vie est si bienveillante ici. Les sourires si spontanés, si fréquents.
De quoi se consoler, de quoi se réjouir.
Dès lors, qui sont donc ces malheureuses personnes occupant la maison soumise ?

Un mystère plane sur leur malheur, sur leur douleur…

jeudi 16 novembre 2017

Regarder : les larmes d'une femme


The Kitchen V / Carrying the Milk,/ Marina Abramovic


C’est par le roman de Claudie Gallay, La beauté des jours, que j’ai appris à connaître l’artiste Marina Abramovic. Dans le roman, comme dans la plupart des œuvres de Claudie Gallay, l’héroïne est au départ quelqu’un de plutôt banal, menant une existence ordinaire. Dans ce livre, la narratrice est une employée des postes qui admire l'artiste depuis longtemps. Tout en décrivant les événements qui viennent bouleverser son quotidien, elle raconte aussi  son intérêt pour Marina, son parcours, son œuvre, ses performances. Pendant un moment, je me suis demandé si ce personnage d'artiste avait été inventée par Claudie Gallay. Je ne parvenais pas à y croire. Mais si : Marina Abramovic existe bel et bien. C’est une créatrice mondialement connue, qui n’hésite pas à se mettre en danger, à aller au bout de ses limites pour mettre en place des projets risqués. On peut trouver sur internet des comptes-rendus photographiques et des extraits de ses happenings.

A Naples, en 1974, sa performance Rhythm 0 était saisissante. L'artiste a dit à ce propos: "ce travail révèle quelque chose d'effroyable sur l'humanité. [...] cela montre combien il est facile de déshumaniser une personne qui ne lutte pas, qui ne se défend pas."
A Alba, on diffuse en ce moment la vidéo Carrying the Milk, où on la voit en longue robe noire porter pendant douze minutes un pot de lait, lequel, rempli à ras bord, finit par trembler et déborder au fil du temps qui s’égrène. Cette image, ce pot, ce lait renversé, ont eu le don de me bouleverser. C'est comme si la fragilité d'un individu, tout ce qu'habituellement il est tenté de cacher aux autres, était révélée par les gouttes blanches tombant sur la robe, tombant au sol.

Au MOMA, en 2010, Marina a accompli pendant trois mois la performance The Artist is present. Elle se tenait assise à une table, pendant de longues heures, et soutenait le regard de toute personne se portant volontaire pour venir s’asseoir pendant une minute en face d’elle. Elle échangeait ainsi en silence, avec une suite d’inconnus.

Il y a une vidéo extraite de cette expérience qui devenue célèbre : on y voit Marina levant les yeux sur un nouvel interlocuteur visuel et s'apercevant qu'il s'agit d'Ulay, l’artiste allemand qui a été son compagnon pendant de longues années et avec lequel elle a mené maintes expériences artistiques. La vidéo fixée sur son visage révèle leur échange de regards, le trouble de Marina, sa surprise après tant d’années, son émotion intense, et enfin ses larmes. Le tout pendant soixante secondes.
Un journal a intitulé la scène : Marina Abramovic craque pendant une performance artistique. J’ai trouvé ce titre étrange : en quoi le fait de pleurer, de laisser son émotion s’exprimer serait-il un signe d'effondrement ?  En quoi le fait de se montrer humain serait-il un signe de faiblesse ? En quoi le fait d'être serait-il moins valeureux que de paraître? 

(je n’en ai pas fini avec MA, j’en raconterai plus une autre fois)


mercredi 15 novembre 2017

Vivre : les vérités essentielles


Portrait de la famille Valmarana  (détail) /  G A Fasano / palazzo Chiericati / Vicenza



Le plaisir inégalable de mordre dans un simple fruit
La compagnie réconfortante de quelques amis
L’émerveillement de pouvoir disposer d'une salle de bain
L'aptitude à s'occuper avec trois fois rien
La joie de savoir restreindre ses besoins.

Cette capacité d'être comblée sans excès,
elle s'appelle "Lagom" en suédois.
C'est en librairie qu'on apprend ça : 
L'art de la modération, c'est top tendance et nous arrive tout droit de là-bas.
Ah! Il nous fallait bien un nouveau concept pour comprendre cette vérité-là!

mardi 14 novembre 2017

Vivre : qui cherche trouve


Bordeaux / CAPC / Affiche de l'expo "le corps décide" / 2015 

L’heure des pointes était arrivée. Elles commençaient à être desséchées.
J’ai demandé à la serveuse du bar. Elle m’a indiqué le salon où allait sa mère, mais il était  exceptionnellement fermé. L’autre serveuse a évoqué un as de la coiffure, qui s’est révélé surbooké.
J’ai demandé à une passante, laquelle m’a fourni une adresse toute proche, mais quand je me suis présentée,
 la dame a  soupiré et a jeté sur ma chevelure un regard fatigué.
J’ai enfin demandé à une sympathique fleuriste, qui m’a désigné du menton l’immeuble d’à-côté. Je suis allée sonner. Au premier étage, une jeune femme enjouée m’a accueillie. Elle terminait sa dernière journée et partait le lendemain en Tanzanie. Elle exhibait des mèches rose bonbon, elle avait peur de prendre l’avion. Nous avons parlé respiration. Elle coupait avec assurance en m'enjoignant, non sans autorité, de ne pas croiser les jambes. Vingt minutes plus tard, je dévalais l'escalier ravie et bouclée. Tandis qu'elle voguait déjà, balai en main, vers ses congés bien mérités.


lundi 13 novembre 2017

Habiter : celle qu'on préfère




Longtemps, durant des années et des années, j'ai passé devant la Favorita, sur la route qui menait à Alba, ou en rentrant chez moi. Je jetais un regard curieux et je longeais le portail, toujours cadenassé. J’apercevais au fond du jardin  la grande maison en briques rouges, qui me semblait entourée d’un épais mystère, un mystère que j’ai maintes fois tenté de percer, en voulant réserver une chambre pour des invités. Mais la villa Liberty affichait toujours complet. Et le portail restait toujours fermé, et le mystère entier.

Finalement, il y a quelques jours, j’ai pu pénétrer dans la propriété. Inutile de préciser que j'avais les yeux grands ouverts, émerveillés, car à la Favorita, il y a : une orangerie faisant office d'art-gallery ; plusieurs terrasses superposées, où l’on peut se reposer et même buller; une petite fille qui s’appelle Sophie dont la joie de vivre n’a d’égale que l’énergie ; un plafond jaune où serpentent les chemins de la Langa  et une mangeoire dans la salle à manger (cela va de soi) ; des portes ouvertes, des portes fermées, des portes entrebâillées qu’on voudrait bien pousser, sans avoir l'air trop effrontée; une multitude d’objets chinés, des CD d'amis captés au fond du jardin, des coins et des recoins, l'écho de quelques chiens au loin; à la tombée du jour, des verres et des notes, la pluie qui pianote au rythme de la grappa ; au petit-déjeuner, des mandarines pressées, parfumées au gingembre, et des litres de café, des gâteaux aux noisettes et des yogourts au kaki, du salami local et des fromages exquis; et puis, tout en haut d’un escalier, une chambre d’or et de grenat, qui vous enveloppe dans son monde enchanté et vous invite à de doux rêves moirés.

La nuit, depuis le balcon, on aperçoit les lumières de la ville comme mille bougies. On ferme un instant les yeux. On fait un vœu et, le matin, au réveil, les Alpes sont toutes là. Le Mont-Blanc vous sourit et rosit. Évaporée, la pluie! Et tout cela, tout cela, ce mélange curieux de surprises et de mélancolie, c'est la magie de la Favorita.

dimanche 12 novembre 2017

Regarder : la vie d'artiste


Alberto Giacometti / Henri Cartier-Bresson

C'est une photographie prise par Cartier-Bresson un jour de 1961, rue d'Alésia.
J’adore cette image en noir et blanc, avec, au centre,
cet homme traversant la chaussée déserte,
protégé tant bien que mal par son imper.
Rentre-t-il d'une pause ? S'en va-t-il boire un café quelque part?
La photo dit les difficultés de la création, le revers de la médaille.
Elle dit le travail obstiné, malgré la pluie et la grisaille.
Elle montre la vérité d'une œuvre. 
Elle montre un homme seul qui marche.

samedi 11 novembre 2017

Lire : la marche en avant



Ne brise pas la chaîne de l'évolution : lis!

En sortant de la librairie, tenant sous le bras mon roman d'amour, avec sa racoleuse couverture rouge, dans son sachet en plastique assorti, je me suis demandé si mon activité de la soirée contribuerait vraiment à l'évolution de l'espèce... mais ... qui sait ?


vendredi 10 novembre 2017

Vivre : les habitués de l'Einstein café











La terrasse de l'Einstein café est toujours très fréquentée.
On s'y rencontre, on échange entre familiers.
La limonade au gingembre a mes faveurs.
D'autres raffolent des croissants au beurre.

jeudi 9 novembre 2017

Vivre : sans transition



D'un coup.
Les rafales. Le vent. Le silence glacial.
Les feuilles à terre.
D'un coup, l'hiver.

mercredi 8 novembre 2017

Lire : JKJB




"Babette, j'ai une bonne et une mauvais nouvelle :  
la bonne, c'est qu'on peut se faire rembourser nos réservations pour Venise".


L'univers de Jérôme K. Jérome Bloche.
Les réparties de JKJB.
Les dessins de JKJB.
Les canaris, les bergers des Pyrénées, les deux-chevaux.
Les chocolats chauds, les couteaux perdus, les fillettes en cavale.
Les secrets de famille et les carbonades flamandes. 
A chaque sortie d'un nouveau JKJB, 
le mystère est destiné à se dissiper
(car JKJB est un doux qui n'est jamais dupe)
mais le plaisir demeure entier.



Dodier / T. 26 / Editions Dupuis

mardi 7 novembre 2017

Vivre : la traversée de l'hiver / 15




Il a beau avoir près de trente ans, son métier a beau l’amener à voir régulièrement la vie sous ses aspects les moins reluisants, quand il est arrivé dans cet hôpital gris au fond de la campagne, après un long trajet tortueux, l’infinie désolation du lieu l’a saisi à la gorge.

A l'intérieur, il n’a trouvé aucune place pour l’intimité, la chaleur, l’échange. Il s’est retrouvé dans une salle nue, au mobilier strict et froid, où trois patients au visage émacié, étaient tournés vers un écran plat qui diffusait un vague documentaire animalier. Deux autres personnes étaient assises là, les yeux fixés dans le vide. C'était l’une d’elles qu'il était venu voir. Il s’est assis à côté de cette vieille femme au regard absent. Elle s’est mise alors à lui parler dans une langue incompréhensible. Elle évoquait une réalité hors du temps, hors de tout repère. Et elle ne manifestait aucun signe de reconnaissance à son égard. Elle ne le reconnaissait pas.

Lui-même a eu de la peine à la reconnaître. Où était passée sa grand-mère, celle qui lui avait appris jadis à monter sur un vélo ? Celle qui savait lui préparer le poulet croustillant et les frites qu’il adorait? Celle qui l’accueillait comme un petit prince et lui offrait un amour inconditionnel? Celle qui, avec le temps, le laissait gagner aux cartes de plus en plus souvent? Celle qui lui avait souri la dernière fois depuis son lit?

Il a ressenti un sentiment d’étrangeté. Il a eu tout à coup l’impression d’être face à un cadavre qui respirait encore. Autour d’eux, les regards étaient hostiles ou absents. Il émanait du lieu des odeurs d'excréments et de mort. Le personnel allait et venait, indifférent. Deux infirmiers tournaient le dos, occupés à saisir des données informatiques, indispensables signes du travail effectué, traçable et comptabilisé.

Il a tenu exactement vingt minutes. Il a déposé les gâteaux dont elle ne voulait pas sur la table de nuit. Il a murmuré au revoir, nonna. Il a esquissé une caresse. Il a remonté enfin le corridor comme on remonte d'une apnée.

Et puis, il est reparti. En larmes. Le cœur lacéré. Il était endeuillé. Il ressentait la noirceur du manque, le poids d'une absence. Mais comment exprimer cette perte? A qui et comment parler de cette mort avant la mort? Cette mort dans l'âme qu'on porte en soi et que personne ne voit?


lundi 6 novembre 2017

Voyager : loin de la foule déchaînée


d
Venise / palais des Doges / détail chapiteau


Hors du temps et des hordes barbares,
ils portent leur regard au loin,
souverains, stoïques témoins,
indifférents aux cris, aux flashes, aux débarquements.
Ils se tiennent là, fragiles et constants,
face à la mer qui monte, face à la mer qui descend.
.


dimanche 5 novembre 2017

Regarder : d'un pavillon à l'autre


Tremble tremble / Jesse Jones / Biennale 2017


A quoi sert l’art ?
Donner la beauté à voir.
Donner à réfléchir. 
Renverser des points de vue.
Amuser, étonner, ouvrir le regard.

(et puis il y a l’art consacré, l’art primé, l’art des marchés, l’art des élites, l’art des happy few, 
l’art des binoclards tout habillés de noir, l’art pour l’art et là, moi je pars, 
je pars m’asseoir au bar, parce qu'au bout d'un moment j'en ai marre du tintamarre)

samedi 4 novembre 2017

Voyager : d'où viens-tu?


WERKEN / Bernardo Oyarzùn / Biennale 2017



D’où viens-tu ? Où dors-tu ? Où sont tes amis tes parents ?

Une casquette tendue. Un regard luisant.
Il y en a sur les ponts, sur les marches. Il y en a tant.
Il est si facile de passer devant.
Sans prêter attention. Machinalement.
Mais, parfois, quelque chose m'arrête. Me cloue au pavé.
Me retient. M’oblige à farfouiller, à chercher la monnaie.
Me force à revenir sur mes pas.
Exige de remettre les pièces en bafouillant.
Trois fois rien, ces piécettes dénichées au fond d’une besace.
Et là, là, avoir droit à un sourire éclatant.
Recevoir une pépite de joie en guise de remerciement.

D’où viens-tu ? Où dors-tu ? Où sont tes amis tes parents ?

vendredi 3 novembre 2017

Voyager : plus près des étoiles


Maria Lai / Legarsi alla montagna / 1981 / Biennale 2017


J’en avais envie depuis très longtemps.
Je me souviens, certaines nuits d'été, à Sienne,
on voyait des vendeurs ambulants circuler parmi les enfants
pour leur proposer ces petites fusées en plastique.
Je les regardais rêveusement. J’aurais donné n’importe quoi pour jouer moi aussi.
(bien que, admettons-le, j’eusse passé l’âge depuis longtemps…)
Là, sur la piazza, je me suis enfin décidée.
Je me suis approchée d’un jeune bengalais et lui ai tendu un euro.
En prime, il m’a expliqué comment allumer le Led et lancer la fusée.
Mon premier essai fut plus que concluant :
La lumière bleue a tournoyé très haut en direction des étoiles,
avec des volutes de gitane intrépide,
avant d'aller finir sa trajectoire dans les cheveux d’une touriste un brin interloquée.

C’était beau. C’était superbe. C’était encore une première fois.