samedi 30 septembre 2023

Voyager : l'île et tout le reste...

 


L'île, la piscine, les brebis et leurs petits, les tortues et les perdrix, les gilets fluo des ouvriers débarquant de leurs utilitaires au bar des Poble, les conversations bobo des cols-blancs au bar Aromas,  les tartines plus ou moins anémiées, les jus plus ou moins  frelatés, les parfums sucrés, l'air salé, le chien léchant mes doigts à travers le grillage précisément sous l'écriteau ¡cuidado!, les flots ahurissants débarqués par milliers des barres aux dimensions insensées, les esquives et les fuites, le silence sans cesse perdu et retrouvé, la tendresse des pierres, les vagabondages sous mes paupières, les fantasques nuits d'orage, tout cela n'allait pas être quitté par un simple décollage. L'île et tout le reste ne se laisseraient pas oublier : comme la mer revient incessamment au rivage, insiste et continue de scander, la douceur bleue et rose des lieux, avec leurs lots de contradictions, d'exaltations et de stupéfactions, continueraient longtemps à m'habiter.



vendredi 29 septembre 2023

Vivre : la vie devant soi

 
Dans une ruelle de Palma

 
Des escaliers à monter.
Des portes à ouvrir.
Ou le contraire : à toi de choisir. 


jeudi 28 septembre 2023

Regarder : présences /absences

 
figuras en una casa / Antonio Lopez Garcia / fundacion March / Palma
 
C'est un tableau, à chacune de mes visites, je m'arrête longuement devant lui, tant il me captive. Le décrire est relativement simple : il s'agit d'une peinture à l'huile, de moyennes dimensions (85 par 124 centimètres) exécutée avec une palette plutôt terne, poussiéreuse, des teintes allant du brun foncé au beige. Elle a été réalisée en 1967, mais ses couleurs rappellent certaines photographies sépia et ce simple fait tendrait à évoquer des événements passés. Il n'y a ici aucun avenir à envisager.
 
Le contenu du tableau n'est vraiment complexe au prime abord. Il comporte peu de personnages, lesquels se tiennent dans un espace relativement restreint. Mais il recèle une grande part de mystère pour tout ce qu'il donne à voir (ou à comprendre). 
 
Le décor est constitué par le fond d'une pièce dans un logement plutôt vétuste dont on ne voit aucun mobilier. A droite, une porte est ouverte, très probablement celle du logement. Là se tiennent trois personnages : une femme et un homme, au regard grave et préoccupé, qu'on découvre éclairés, un autre homme, dans la pénombre, qu'on peut à peine discerner. Ils sont debout, derrière l'embrasure, observateurs, peut-être inquiets. Leurs yeux sont tournés vers l'intérieur de l'habitacle, mais ils ne paraissent nullement désireux d'y pénétrer. 
 
Le plus étrange, c'est qu'au premier plan, dans l'entrée, se tient un quatrième personnage, une femme, qui tourne son visage vers le spectateur, avec un regard absorbé, presque absent, comme si elle considérait une réalité au-delà. Elle regarde non seulement au-delà de la toile, mais également au-delà du spectateur qui est en train de l'observer. Elle semble ailleurs. Elle porte un manteau et un écharpe comme si elle s'apprêtait à s'en aller. Toutefois sa figure n'est pas entièrement exécutée. La femme pourrait être en train de s'effacer (ou d'apparaître selon les points de vues).
 
 

La question de l'éclairage est énigmatique : la lumière semble arriver d'un point à l'extérieur de la toile, qui pourrait être le lieu où se tient le spectateur. Cependant, à côté de la porte ouverte, est accroché un miroir, lequel reflète un couloir sombre, menant à d'autres espaces, au bout duquel une ampoule est allumée. Un fil électrique suspendu et venant d'on ne sait où l'alimente en courant. D'où provient donc la clarté ? Quelque chose cloche et donne un sentiment d'irréalité.
 
 

 
C'est une toile d'où émergent toutes sortes de questionnements. La force et l'originalité de l’œuvre tiennent à ce qui n'est pas montré, juste suggéré. La lumière, les lieux, les présences sont floutés. Les absences et les incertitudes qui émergent semblent appeler un travail de mémoire, ou solliciter l'imaginaire. 
 
Chaque visiteur quelque peu attentif se voit insensiblement changer de rôle. Interpelé par les images, il en vient à donner une version personnelle de ce qu'il perçoit. Au fur et à mesure que ses yeux parcourent de part en part le tableau, guettant détails et indices. Il passe ainsi de la position passive d'observateur à celle créative de narrateur. Comme dans une langue des signes, les divers éléments se transforment en mots et demandent à être interprétées.
 
Si l'on souhaite en savoir plus sur le peintre, Antonio Lopez Garcia, on n'est pas beaucoup plus avancé. Il est décrit comme appartenant au courant de l'hyperréalisme européen, mais ce n'est pas ce qu'on ressent face à cette œuvre particulière. Approfondissant, on apprend que cet artiste a exécuté en 1993 un portrait officiel de la famille royale : y sont représentés le roi Juan-Carlos 1er, la reine Sofia et leurs trois enfants. On s'interroge : le peintre formé à Madrid et fréquentant assidument le Prado depuis sa jeunesse se serait-il pris pour un nouveau Velázquez ou aurait-il été désigné comme tel? Ces informations lacunaires ne permettent guère d'approfondir la connaissance de cet artiste. Du moins pour l'instant.
 

 
On retourne donc au tableau, acceptant de composer avec ses énigmes et ses secrets. C'est ainsi qu'on en vient à écrire une histoire. L'histoire racontée est triste (mais sa tristesse n'est pas décourageante). C'est une histoire qui évoque des liens passés, qu'on ne peut se résoudre à avoir perdus, qui laissent vaguement sidérés et demandent encore et encore à être élaborés. Selon le récit qu'il s'est inventé, en écho à sa propre histoire, chaque visiteur quitte le tableau pensif, déconcerté ou profondément affligé.

mercredi 27 septembre 2023

Vivre : effet de miroir

 
Grup de ninfas y Mercuri / Jaume i Rafel Blanquer / Museu de Mallorca / Palma
 
 
 Devant ces deux pièces, je me suis attardée.
Comme si le sculpteur avait fait mon portrait.
Où avais-je la tête, mais où avais-je eu la tête
durant tout cet été ?
 
 

mardi 26 septembre 2023

Vivre : les bêlements, les appels, les aboiements

 

 
J'étais partie en choisissant une île. Et une piscine pour me délasser.
J'ai en fait trouvé une piscine. Que j'ai par moments quittée pour visiter. 
 
Fermant les yeux le plus souvent, je flairais l'air qui m'entourait.
De loin me parvenaient les parfums, senteurs de sel et de caroubier.
 
Des troupeaux d'oliviers remontaient des clochettes et des bêlements.
Les forêts d'amandiers renvoyaient des chants et des aboiements.
 
Parfois, un cri s'interposait dans le silence tout relatif des champs.
C'est là, à l'écart de tout, qu'ont eu lieu la plupart de mes déplacements.



lundi 25 septembre 2023

Voyager : La Seu

 
 
L'île n'était en fait qu'une cathédrale
 
 
protégeant, superbe, un coin de terre 
 
vue à travers un store depuis le Museu de Mallorca
 
jalousement encerclé par la mer.  Le reste : 


des foules - et des foules de choses-  somme toute banales.
 
 

mardi 19 septembre 2023

Vivre : sur le départ

 
 
Certains matins, le ciel se fait cajoleur, particulièrement séducteur.

Il n'hésite pas à m'en faire voir de toutes les couleurs.

Reste, me dit-il, pourquoi t'en aller sous d'autres cieux ?


Pour revenir, bien sûr, et t'aimer plus, et t'aimer mieux.

(Hier soir, ce film étrange, terriblement esthétique, fascinant, dérangeant et irritant aussi, rien à voir sans doute. Ou peut-être que si.)

lundi 18 septembre 2023

Vivre : constructions, recontructions

 
Cour du palais de Luppé / Arles
 
Étrange phénomène que celui de la mémoire.
Penchés on s'interroge, parfois en gris, parfois en noir.
On vacille. On doute. On reconstruit. On s'extasie.
Dans un jeu continuel entre ce qui fut et ce qui est ici.
 
 

dimanche 17 septembre 2023

Vivre : un certain courage

 
Atelier / Palais de Luppé / Arles
 
Ne sois pas lâche, ne fuis pas les conflits. Mais choisis. Retiens seulement ceux auxquels tu accordes du prix.

samedi 16 septembre 2023

Vivre : trente jours dans la lumière dorée

 
détail de Septembre / Ercole de 'Roberti / Palazzo Schiffanoia / Ferrara
 
 
Septembre : le mois de la plus grande générosité. Celui où il fait si bon se lever, si bon se coucher. 
Celui où l'on récolte les efforts de toute une année.Celui où l'on peut s'atteler aux prochains projets.
Le premier janvier est certes dédié aux résolutions (qu'on ne tiendra peut-être jamais pour de bon).
Mais c'est en septembre que nos désirs profonds ont le plus de chances de trouver à s'enraciner.

vendredi 15 septembre 2023

Vivre : rester chocolat (ou pas)

 
 Photo tirée du net

Nos voisins allemands nous ont offert un grand sachet de chocolats au massepain. Ils sont très gentils, mais nous n'apprécions pas les sucreries. Que faire quand on jette le moins possible ? Recycler. Faire circuler. Impossible de distribuer ce sachet dans le secteur. Je l'ai donc emporté à Berne ce matin, avec l'intention de le déposer à la boîte d'échange des livres. J'étais en train de traverser quand une femme se dirige vers moi en me demandant si j'avais un peu de monnaie. Elle était grande, souriante et s'exprimait avec un léger accent allemand dans un français châtié. "Hélas, non, tout ce que j'ai, c'est du chocolat, ça vous irait ?". Je lui ai tendu le sachet de 250 grammes. Elle l'a pris, ravie. Elle adorait le Marzipan. De plus en plus, je me dis que tout devrait circuler. Toujours. On devrait communiquer, donner, être prêt à se délester, à demander, à recevoir, à refuser, sans plus de manières. Les choses, les sourires, les caresses devraient trouver preneur. Rien ne devrait être gâché. Rien ne devrait rester sur les bas-côtés.

jeudi 14 septembre 2023

Vivre : en paix!

 
Détail de la Rencontre à la Porte dorée / Domenico Beccafumi / Santa Maria della Scala / Sienne
 
Elle affirme qu'elle veut la paix. Elle l'écrit en majuscule : elle défend LA PAIX. La guerre qui sévit n'est pas SA guerre. Elle n'en veut pas. Elle, ce qu'elle veut, c'est vivre dans sa maison du Sud et faire du yoga (activité pacifique s'il en est). A qui ose lui rétorquer que ce n'est peut-être pas si simple que cela, elle répond "Manipulation", "Enrichissement des marchands de canons", "Idéologie" (elle trouve irritants tous ces gens qui n'ont rien compris). Elle a fourbi ses armes et répond sans aménité à qui voudrait la contrarier. Puis elle part saluer le soleil et perfectionner en vue de photographie sa position de Virabhadrasana (la posture du guerrier).

mercredi 13 septembre 2023

Vivre : petits échanges et grandes activités

 
La récolte des fruits (Gémeau qui s'accroche au poirier) / Le maître des Mois / Museo della Cattedrale / Ferrara
 
Ces dernières semaines, mon vocabulaire s'est enrichi d'un verbe : pruneauter. Quand il me demande : qu'as-tu l'intention de faire aujourd'hui ? Je réponds un jour sur deux : je vais pruneauter. C'est devenu mon activité principale, ma plus grande préoccupation, mon objectif obstiné. Je pruneaute. Ce qui signifie : aller ramasser un max de pruneaux, toujours plus loin, toujours plus haut; rentrer et trier, entre ce qui peut être consommé, ce qui doit impérativement être congelé et ce qui peut finir en confiture (j'ai découvert les vertus de la badiane pour agrémenter sa saveur fruitée); sans compter ce qui peut être converti en gâteaux ou en tartes (mes préférées). Mais cela ne constitue qu'une partie du job : pruneauter implique aussi le fait de réseauter. Proposer un sac au livreur, un kilo au facteur, un panier à la minuscule voisine végane qui en fera son dîner. 
On pourrait trouver cette activité fort sympathique, mais elle comporte quelques effets pervers. Dans la ronde du réseautage, les gens concernés ont à cœur d'échanger. Ainsi, R. se retrouve un jour sur deux en alternance dans l'obligation de tomater. Une multitude de recettes à base de ce fruit se succèdent à notre table et il s'agit de les cuisiner. 
Une question à présent commence à me tarauder : qu'allons-nous faire quand cette saison sera terminée ? N'allons-nous pas nous sentir vides, privés de projets ? Pas forcément : la dog-sitter nous a remis l'autre jour une courge transgénique, aux dimensions insensées. Allons-nous devoir nous mettre bientôt à... courger ? Peut-être. Heureusement que ce n'est pas la saison, parce qu'une seule chose m'importunerait vraiment : j'aurais une sainte horreur de devoir poireauter. 

mardi 12 septembre 2023

Regarder : et tant d'objets volants à identifier...

 
Mes dessins ressemblent à des dessins d'humour. Mais ils ne sont pas faits pour faire rire. 
 
animation : Jean-Michel Folon / musique : Michel Colombier

Folon, pour moi, a représenté pendant longtemps ces images diffusées sur Antenne2 : les hommes-oiseaux en bleu qui arrivaient pour ouvrir les programmes et puis qui planaient et venaient vous dire en couleur au revoir, peut-être vous souhaiter une bonne nuit. André Jullian avait commandé ces deux bijoux en 1975 à l'artiste dessinateur lors de la création de la chaîne. Tous les téléspectateurs ont pu les voir jusqu'en 1983. Ah! Douce mélancolie charriée par ces moments-culte retrouvés...
 
 

Et puis, il a aussi eu ce film sorti en 1981, que je n'ai vu qu'une seule fois, mais que je n'ai jamais oublié, L'Amour nu, de Yannik Bellon, avec Marlène Jobert comme protagoniste et Folon qui lui donnait la réplique. Dans cette histoire racontant la sidération d'une jeune femme confrontée à l'annonce de son cancer, il campe un compagnon sensible et présent, rejeté dans un premier temps, mais prêt à faire la traversée avec elle. Il est parfait dans ce rôle d'océanographe fasciné par le chant des baleines, rêveur mais déterminé à garder sa main dans la sienne.



L'exposition sur Jean-Michel Folon présentée en ce moment à la Saline Royale, d'Arc-et-Senans, au premier étage de la maison du directeur, révèle bien plus que cela. Elle permet de découvrir ce créateur éclectique sous de multiples facettes : le dessinateur, l'antimilitariste, le militant engagé (en faveur d'Amnesty, de l'écologie, entre autres), le bricoleur, l'artiste admiré par Fellini et Woody Allen, l'intellectuel préoccupé par les effets du "progrès" sur nos existences (et ce dans les années 1960 déjà).
 

J'avais gardé le souvenir d'un univers de rêverie, de mondes flottants, d'invitations à la douceur et à la tendresse. Je n'avais pas imaginé un être aussi préoccupé par la politique, l'environnement, la solidarité et "le péril froid de notre devenir". Bref, l'exposition m'a frappée par son absolue modernité. Que pourrait-on dire de plus aujourd'hui ? Que pourrait-on dessiner d'autre ? Quel miroir différent proposer au genre humain ? 
 

 

Je ne suis ni contre la ville, ni contre la voiture, ni contre la télévision. 
Ce qui ne va pas c'est qu'on devienne prisonnier de nos inventions.
 
 
Les villes que j'invente ne seront heureusement jamais construites.
Elles sont le reflet de ma peur devant les villes de demain.

Quelques termes ont sans doute changé, l'IA, les GAFAM et les réseaux sociaux, la mondialisation, le télétravail, le burn out et les drames liés aux migrations, mais dans l'ensemble les problématiques restent fondamentalement les mêmes. Près d'un demi-siècle a passé, et le monde de Folon ne cesse d'interpeler.


Le monde de Folon / 05.05.2023 - 19.11.2023
(les citations en bleu font partie de l'exposition)


lundi 11 septembre 2023

Regarder : quand Agnès faisait son cinéma

 
Arles / Salle du Cloître Saint-Trophime
 
Dominant la salle, impassible sur le rebord de la haute fenêtre médiévale, l'oiseau se tenait immobile Il regardait la foule qui se pressait devant les images d'Agnès Varda, toutes les vues que la jeune photographe du Festival d'Avignon et du TNP avait prises avec l'intention de tourner son premier film La Pointe courte dans sa ville d'adoption, Sète (le titre fait référence à l'un des quartiers de la cité occitane).

L'exposition se proposait de montrer comment l'aspirante cinéaste s'y est prise pour réaliser ce premier long-métrage, en 1954 avec un budget très limité, sans formation particulière, mais avec beaucoup de culot, d'enthousiasme et un talent inné. Les deux acteurs professionnels engagés étaient Silvia Monfort et Philippe Noiret (de la compagnie du TNP) que l'on voit sur l'affiche :
 

La plupart des autres acteurs étaient des gens du coin, des "Pointus", des pêcheurs, des ménagères. Durant de longs mois de préparation, Agnès Varda a arpenté ce quartier populaire avec son Rolleiflex pour en saisir le monde simple et extraordinairement vivant qu'elle connaissait bien, puisque, adolescente, elle avait fui avec sa famille la Belgique en guerre pour trouver refuge sur un bateau à quai sur les rives de Sète. Par la suite, elle est régulièrement retournée dans ce lieu où elle avait laissé quelques solides amitiés et des atmosphères chéries.

Dans la salle de Saint-Trophime, on a exposé de nombreux tirages (la commissaire, Carole Sandrin,  a dû opérer un difficile tri parmi les quelques 800 vues qui ont servi de base au travail cinématographique). Les images sont admirables par leur captation du réel et leur sens du cadrage. Elles rendent compte de la vie de l'après-guerre dans ce quartier modeste et laborieux. On y voit la misère, l'humour, la chaleur. (Hélas, les reflets des cadres vitrés ne permettaient pas d'en saisir beaucoup. Cependant on trouvera ICI quelques belles sélections). A titre d'exemple, ce "chiot sur le quai du Mistral" pris en mars/avril 1953 lors des repérages :

 
A travers ces clichés et leurs sujets, c'est de la vie de l'époque qui est rendue dans ce qui apparaît comme un reportage sociologique. La jeune Agnès (à peine 25 ans) a photographié, entre autres sujets, la famille Birbe et ses sept enfants :




Ce qui est fascinant, c'est que la photographie est censée servir ici de support au scénario, aux futurs cadrages, aux atmosphères que le film devra restituer. Mais on peut également concevoir ces prises comme un corpus en tant que tel, une occasion de montrer les conditions de vies des habitants, leur quotidien, leurs joies, leurs fiertés.

A noter que cette première œuvre réalisée avec de tout petits moyens et montée par Alain Resnais sera fort remarquée et jouera un rôle primordial dans le cinéma d'avant-garde. Le film sera considéré comme précurseur de la Nouvelle-Vague par son attachement à la vie dans tout son réalisme. Plusieurs cinéastes et critiques renommés en ont fait l'éloge et s'en sont inspirés.
 
 

Arles / Salle du Cloître Saint-Trophime

Regarder ceux qui regardent est une prenante activité. Le pigeon semblait fasciné par les visiteurs fascinés. A la fin de notre visite, il n'avait pas bougé d'un pouce (ou plutôt d'une griffe). On eut dit qu'il veillait de là-haut sur tous les tirages suspendus, sur les souvenirs précieux de ce temps révolu, quand Agnès photographe se muait en cinéaste. Et, qui sait, il est permis de croire qu'Agnès, si elle l'avait aperçu, se serait essayée à lui tirer le portrait.
 
Rencontres d'Arles 2023 / du 3 juillet au 24 septembre :
Agnès Varda. La pointe courte. Des photographies au film.
 
A voirt aussi : LUMA / du 3 juillet 2023 au 30 avril 2024 :
 
 

dimanche 10 septembre 2023

Vivre : l'art de la diplomatie

 
Krauses Gekröse / Franz West / Luma / Arles
 
 
Dans un monde qui tourne de moins en moins rond - que de têtes faites au carré -
savoir arrondir certains angles devient une compétence de première nécessité. 
 

samedi 9 septembre 2023

Vivre : still life / 137



 
  Bookworm / StoryTiles
 
Les carreaux en faïence : indispensables dans la maison, comme sous-plats ou simple décoration. Celui-ci, trouvé à Amsterdam chez StoryTiles, me fait toujours marrer. Ce matin, il m'a fait penser à une ratte de bibliothèque (autoproclamée) à laquelle j'ai bien envie d'adresser un message : Ok, Madame. Vous vous dites blogueuse littéraire, vous ne cessez d'évoquer la fameuse PAL qui se trouve à vos côtés. Cette PAAAAAAAAAAAAL à vous entendre est un monument qui menace de s'écrouler. Je vous écris parce que l'autre jour en effectuant  des recherches, je suis tombée sur un livre que vous présentez et que vous êtes censée avoir lu. Votre billet, Madame, apparaît comme un patchwork de diverses provenances et contient quelques phrases brinquebalantes. Êtes-vous sûre d'avoir appris l'art du copié-collé ? Quant aux citations que vous présentez, pourquoi ne pas les introduire, voire les situer en précisant le chapitre, peut-être la page où vous les avez trouvées ? Et, si vous empruntez des photographies liées à l'autrice et aux lieux où elle a habité, il serait élégant - mieux : honnête - de préciser de quel site vous les avez tirées. Être blogueuse littéraire, Madame, est une utile et exigeante activité. Tout le monde ne peut pas se prétendre telle. Même sous pseudo, être pseudo se révèle un attrape-nigaud qui invite à (gentiment) rigoler. 

vendredi 8 septembre 2023

Vivre : se refuser à finir

 
Monumental Brooke with Beachball / Carole A. Feuermann / Biennale Venezia 2017
 
Avant-hier, K. m'a accueillie au bord du bassin, avec un "Profitons des derniers jours!". Elle a prononcé en souriant ces mots innocents, mais je l'ai soudain détestée. J'ai bougonné un vague "Quinze jours encore" avant de plonger. La fermeture de la piscine est chaque année une torture que je me refuse à anticiper. Quatre mois, c'est trop peu, c'est la crise assurée (inutile de m'imaginer aller barboter en hiver dans un espace clos, rempli d'échos, empestant le chlore et suintant l'ennui cadencé). Heureusement, aujourd'hui, je suis tombée par hasard sur le livre de Chantal Thomas, L'étreinte de l'eau, une série d'entretiens avec Fabrice Landreau, un régal que je me réjouis d'entamer. En le feuilletant, j'y ai découvert à la toute fin, une pépite apte à me consoler, un passage du livre de Julie Otsuka, Ligne de Nage :
  
C'est comme si on volait. Le plaisir pur d'être en mouvement. La disparition de tout besoin. Je suis libre. Soudain vous planez. A la dérive. Plongée dans l'extase. L'euphorie. Dans le bonheur qui nous ravit, telle une transe. Et si vous nagez assez longtemps, vous ne savez plus où finit votre corps et où commence l'eau, la frontière s'estompe entre vous et le monde. C'est le nirvana
 
Là, je me suis retrouvée dans mon univers. Julie Otsuka, quel bonheur de vous découvrir ! J'ai hâte de vous lire et ce qui est sûr, c'est que cette lecture m'aidera à traverser une des plus mauvaises passes de l'année.

jeudi 7 septembre 2023

Vivre : l'importance d'un fleuve

 

Le Rhône, le fleuve de mon enfance, ne m'a jamais vraiment passionnée. Quand on le suit le long de sa plaine, descendant des Alpes et de son glacier, il fait penser à un montagnard mal dégrossi, suivant l'unique opportunité que peut lui offrir la Suisse, se ménageant un passage entre deux montagnes. Le Rhône, avant de se jeter dans le Léman, se montre presque trapu et maladroit dans une vallée où s'agglutinent des zones industrielles et artisanales. Il y paraît à l'étroit, ce qui peut expliquer certains de ses débordements. Dépourvu de grâce et d'élégance, il semble chercher sa voie sans trop savoir quoi faire de son potentiel.


Cependant, 70 kilomètres plus loin, à l'autre bout du lac, juste après la rade sillonnée par les petites mouettes qui relient Genève de part en part, le fleuve commence à acquérir de la tenue et une certaine prestance. Il reçoit un rôle d'importance : rallier les rives formant la cité et leur fournir suffisamment de ponts pour se rassembler. Tous ces ponts ont chacun leur personnalité. Durant des années, je n'ai cessé de les traverser : le très entreprenant pont du Mont-Blanc, l'élégant et piéton pont des Bergues - qui mène à l'île Rousseau -, le pont de la Machine et celui de la Coulouvrenière. Et tant d'autres encore, tant de petits îlots, tant de passages reliant des vies entre elles, des milieux, des destinées. Une ville est faite de l'eau qui la traverse. Une vie aussi. Il m'arrive de me demander comment il est possible de vivre dans une cité privée d'un élément aquatique digne de ce nom, rivière, fleuve, lac ou mer.

Ces dernières années, c'est depuis la Provence que je me suis mise à observer ce fleuve et à m'y attacher. Quand on arrive à Avignon, ou à Arles, c'est un flux dans toute sa maturité qui s'offre aux yeux des visiteurs. Le Rhône, navigable depuis Lyon, prend alors toute son ampleur. Illuminé par les pierres blondes qui le bordent, il se révèle plein de noblesse. A le regarder je ressens à chaque fois ma gorge se nouer. Le désir me prend régulièrement de rouler jusque là-bas juste pour le voir, pour cette sensation d'émerveillement sans cesse renouvelé. C'est beau, c'est émouvant un fleuve qui se prépare à se jeter à l'eau, à prendre la mer - ou à laisser la mer le prendre. On peut aimer un fleuve, comme on aime un être. On peut aimer le voir grandir, s'éloigner vers sa destinée, parvenir à maturité, accomplir son destin.
 
Photo tirée de Arles Info / 2016
 
A Arles, depuis le musée Réattu, tandis que je lui faisais face depuis le premier étage, je me suis soudain souvenue d'une excursion faite dans son delta, il y a très très longtemps. Une énorme nostalgie s'est alors emparée de moi. J'ai compris pourquoi Claudio Magris, natif de Trieste et amoureux de la culture de la Mitteleuropa, avait ressenti le besoin de décrire "son" fleuve et de retracer une à une toutes les étapes du Danube. C'est ainsi que naissent les désirs de voyage : d'une aspiration profonde vers quelque chose de perdu, ou quelque chose qu'on n'a jamais connu mais qu'on aspire à récupérer. Je me suis juré que je partirai bientôt, dans ce triangle formé par le Petit-Rhône, le Grand-Rhône et la Méditerranée qu'on appelle la Camargue, pour observer en compagnie des flamands roses et des chevaux blancs ce seigneur partir se fondre dans la mer.

Depuis le premier étage du Musée Réattu / 2023
 
 

mercredi 6 septembre 2023

Vivre : prendre la rentrée avec philosophie

 
La Scuola di Atene / Raffaello Sanzio / Stanza della Segnatura / Musei Vaticani / © Stato Città del Vaticano
Au centre : Platon (en rouge) et Aristote (en bleu)
 
Ne pense point aux choses que tu n’as pas, comme si elles étaient plus agréables que celles que tu as ; fais plutôt le compte des biens les plus précieux que tu possèdes, et souviens-toi avec reconnaissance de ce qu’il aurait fallu faire pour les rechercher, si tu ne les avais pas. Prends garde en même temps, à force d’y trouver du plaisir, de t’habituer à les estimer au point d’être troublé si jamais ils venaient à te manquer.
 Marc-Aurèle / Pensées pour moi-même / 27 / Trad. A. Couat

Durant cet été quelque peu atypique, quelque peu bousculé, une émission m'a tenu lieu de boussole. Je l'attendais tous les jours. Tous les jours, j'étais comblée (Charles Pépin se bonifie d'année en année). Il m'arrivait d'en écouter certaines deux fois dans la journée. Il m'arrivait de retourner en écouter d'autres parce qu'une phrase, un raisonnement m'avaient particulièrement frappée. 
J'étais certaine que la rentrée me laisserait en manque, frustrée. Orpheline. Mais il n'en est rien, car cette semaine, j'ai pu découvrir ceci et cela. Inutile de dire que je ne vais pas en rester là.
Toutefois, je me suis surprise, moi qui n'avais jamais été fan de philo, qui ai toujours cru à une effroyable erreur quand j'ai obtenu une note excellente lors de l'examen de maturité, à inscrire sur une liste toutes sortes d'ouvrages : Pascal, Marc-Aurèle, Sénèque, Camus, à leur laisser déjà une petite place sur une étagère bien en vue. Comme quoi... tout finit par arriver. Et pas seulement la rentrée.


mardi 5 septembre 2023

Vivre : quoi de plus ?

 
La lune (détail) / Jacques Réattu / Musée Réattu / Arles
 
Une heureuse nouvelle vient de tomber qui met une jolie récompense à ma portée. De quoi m'élancer, m'offrir quelques plaisirs, oui, je vais pouvoir "me lâcher". Mais voilà... j'ai tout. Tout le nécessaire, tout ce qui correspond à mes besoins. Le déploiement merveilleux de cet automne, sa lumière vive, la générosité des pruniers, la présence de mon chien, tout est là. Des mots radiophoniques pleuvent comme des lucioles par centaines de milliers. Des livres s'annoncent qu'il me suffit de recevoir ou d'emprunter. Devant moi, la vie s'étale plantureuse. Je n'ai qu'à cueillir. Pourquoi demander la lune, alors qu'elle est déjà sur terre ? La vie que j'aime vivre est comme ces repas frugaux qui ont l'art de me délecter : une simple pomme de terre, du beurre, un morceau de gruyère. C'est ainsi que je veux vivre. Et que je suis comblée.

lundi 4 septembre 2023

Vivre : sur les sentiers de l'automne

 
L'atelier du sculpteur / Arles
 
Ne laisse pas des broutilles - leurs pauvres émissaires - s'interposer entre toi et la réalité.
 

dimanche 3 septembre 2023

Voyager : dans la chambre de Gaston

 

La chambre était vert citron. En conséquence, la lumière était acidulée. Le roi était de Navarre. Les arènes romaines. La douche italienne. La pendule détraquée. La cheminée d'époque (mais condamnée). Les sons étouffés. Et grands ouverts les bras de Morphée.

Tous les matins devant nos croissants et tous les soirs à pas feutrés nous nous retrouvions ébaubis, hallucinés de pouvoir basculer dans un monde où le rêve rejoignait si aisément la réalité. Nous plongions, heureux, dans un univers fantasque, totalement décalé.


Nos explorations avaient quelque chose de ludique et d'enfantin. Nous remontions le temps tandis que nous grimpions les escaliers. Nous aurions pu passer des heures à fomenter toutes sortes de contes, à écrire l'histoire des lieux et de ses divers occupants.


Hélas, à regret, après quelques nuitées, nous avons dû reprendre la route. Faire nos adieux. Espérer en des au revoir. Et longtemps ensuite, sur les aires d'autoroute, devant les étals des marchés, en comptant notre monnaie, nous avons cru avoir tout inventé.