vendredi 31 août 2018

Voyager : haute couture







Vêtements traditionnels / début XXe siècle / Musée ethnographique / Split


Dehors, la foule, compressée et dégoulinante,
agitait ses fanions, s'écoulait dans les ruelles,
s'arrêtait de grande enseigne en grande enseigne,
prête à se ruer sur du prêt-à-porter.
Dedans, trois ou quatre visiteurs emballés
évoluaient silencieusement de pièce en pièce.
Soudain, un craquement a ramené le souvenir d'étés anciens
quand, fière de mes six ans, fière comme Artaban,
j'allais dans ma robe du dimanche, dans ma robe cousue main.
Pavanes exquises de ces jours rieurs et festifs 
Merveilles inédites, des nobles mains, premières ou petites.

jeudi 30 août 2018

Voyager : sur le pouce


Algoritam Bookshop / Split


On s’est regardés : on avait dans les yeux un trop grand besoin de Sud. Alors, on a fait nos fonds de poche, on a cherché parmi nos différents nids (comment peut-il se créer tant de nids dans cette maison, encore et encore, malgré les rangements et les tris, je l’ignore).
Finalement, on a trouvé un peu d’euros, et des billets tout froissés. On a contacté Marija et dégoté une chambre. Bien sûr, en cette saison de migrations intensives, on craignait les invasions barbares, les excès en tous genres (nos projections allaient s’avérer par la suite bien en-dessous de la réalité). On s’est dit : fuir les sentiers battus, s’interdir tout guide papier ou virtuel, toute location tout taxi ou tout shuttle. Point de départ : la gare routière, interroger les ménagères, dénicher des coins à l’écart. Il y a eu un couac ou deux. Il y a eu des moments bénis. Il y a eu dans notre regard ces éclats, ces incroyables soulagements, qu'on n'avait pas connus depuis longtemps, à les voir arriver, tout jaunes, tout crasseux, tout déglingués, quand on n'osait plus les espérer, les autobus Promet. 

mercredi 29 août 2018

Voyager : le voyage immobile




A la terrasse du café Tri Volta
une brise légère entrait du Sud
par les fenêtres ouvertes sur le port.
L'air ardent des trois ventilateurs
rajoutait de la chaleur à la chaleur.
Penchée sur mon calepin 
j'aurais pu vivre là tout mon voyage :
manger, lire, boire, écrire
sentir mon souffle aller et venir
dans ce passage dioclétien.

mardi 28 août 2018

Vivre : Still life / 51




Certes, il y en a de plus belles, il y en a qui ont la classe 
(dont celle, au fond de mon armoire, qui se languit et voudrait tant voir du pays). 
Mais celle-ci a quelque chose qui la différencie : c'est une experte. 
Elle connaît toutes mes affaires (même les plus secrètes). 
En cas de nécessité, a plus d’un tour dans son sac.
Soute ou cabine, en toute occasion, sait où trouver sa place.
 Malmenée ou secouée, elle peut toujours faire face. 
Ne craint ni les passages à vide, ni les coups, ni les changements de cap 
(rentrant d'Amsterdam chargée de Gouda et d'Edam
a été détournée sur Moscou alors que je l'attendais à Berne). 
Oui, il y a eu quelques rendez-vous manqués, quelques tapis erronés,
mais plus touchantes ont été les retrouvailles.
Quelle que soit la mission, quels que soient les horaires
ne compte pas les heures supplémentaires.
Avec elle, ça marche comme sur des roulettes. 
Rigide, certes, mais avec juste ce qu’il faut de souplesse. 
Là, à peine rentrée, elle me susurre qu’elle est déjà prête.
Toujours partante, ouverte à toutes les découvertes : la compagne parfaite.

samedi 25 août 2018

Ecouter : une idée du bonheur



Les Héros grecs tirant au sort les captifs faits à Troie (détail) / Paulin Duqueylar / Musée Granet / Aix-en-Pce

On a souvent l’illusion que le bonheur ce serait que tout aille bien, que tout soit gentil. On souffre beaucoup de l’image qu’on nous présente du bonheur, qui serait d’être calme, apaisé.
On nous impose l’idée abstraite et niaise que le bonheur ce serait ça. Ces injonctions font que tout à coup on s’en veut de ne pas y parvenir. 
Ce dont il s’agit, c’est aussi de pouvoir rencontrer ce qui est blessé, ce qui est touché en nous. On se rend compte qu’en réalité on est heureux quand on pleure au cinéma, quand quelque chose d’important arrive.

Mais si vous n’êtes jamais en colère, si vous voyez quelqu’un se faire maltraiter et que ça ne vous fait rien, si des amis vous racontent leurs vacances à l'autre bout de la terre et que vous n’éprouvez pas une once de jalousie, c’est sans doute que vous n’êtes pas un être humain. 
Acceptons nos fragilités et nos faiblesses, qui sont aussi notre grandeur et notre beauté. Et peut-être qu’être heureux, c’est faire la paix avec ce que l’on est.  
Fabrice Midal / Une bonne tasse d'été / France inter /16.08.2018

Rien de très original. Mais ça fait toujours du bien de l'entendre dire. C'est pour ce genre d'énoncés, que j'aime l'écouter et le lire, F.M.

vendredi 24 août 2018

Habiter : note sur la mélodie de choses minimes






Un bruit que j'adore : celui qu'émettent les pneus le matin sur le gravier quand ils passent devant la maison. Je les perçois à la fraîche, dans le silence tout relatif de la journée qui, elle aussi, se met peu à peu en route. Dans leur craquement, les petits cailloux effleurés rendent un son feutré et croustillant. Au volant, il y a des personnes qui vaquent à leurs affaires, qui partent à leur travail le plus souvent (ce sont des personnes respectueuses, on est loin des crissements ou des vrombissements). Ces petits sons parfaits ont le pouvoir d'évoquer pour moi les départs, tous les départs, petits ou lointains. Ils véhiculent des souvenirs et des désirs. Ils invitent tout à la fois à rêver et à entrer dans la ronde de la journée. Des pépites à savourer avec la première gorgée de café.


Sinon, s’il n’y a pas une profonde douleur pour rendre les humains également silencieux, l’un entend plus, l’autre moins, de la puissante mélodie de l’arrière-fond. Beaucoup ne l’entendent plus du tout. Eux sont comme des arbres qui ont oublié leurs racines et qui croient à présent que leur force et leur vie, c’est le bruissement de leurs branches. Beaucoup n’ont pas le temps de l’écouter. Ils ne veulent pas d’heure autour d’eux. Ce sont des pauvres sans-patrie, qui ont perdu le sens de l’existence. Ils tapent sur les touches de jours et jouent toujours la même monotone note diminuée.
Notes sur la mélodie des choses, XXX, RM Rilke

jeudi 23 août 2018

Vivre : Still life / 50




Consultant l'emballage de la pâte à tarte au supermarché
impression de lire un chapitre de polar, plus noir que noir.
Sauf que là, on connaissait déjà l'assassin et ses fatals moyens. 
Et les victimes potentielles. On aurait dit un mauvais Agatha Christie.
Reposant l'objet du délit, je me suis dirigée vers une librairie.
Tant qu'à être dans le pétrin, autant que ce soit avec D. Sylvain.



mercredi 22 août 2018

Voyager : l'obsession de la ligne droite



Maître de Naumburg / env. 1250 / Cathédrale /Bamberg

Étonnant pays, où la voiture est reine : difficile de croiser une auto un brin rouillée, sale ou cabossée. Les grosses cylindrées sont légion. Ici, l'efficacité est un maître-mot. Aller d'un point à un autre signifie aller droit au but. Nous découvrons que les autoroutes sont gratuites. La vitesse autorisée est de 130 km/heure, cette limitation est levée sur certains tronçons. Elles fendent les champs voués à la monoculture ou parsemés d'éoliennes, paraissent creuser des tunnels à la machette à travers de larges forêts, évitant soigneusement les centres urbains. C'est à peine si, de loin en loin, on aperçoit quelques habitats.
Le message est clair : ici, l'objectif est prioritaire, il doit être atteint vite et bien. Je comprends mieux ces voisins qui se vantent d'avoir relié en neuf heures notre village à Berlin.

Nous aimerions découvrir la région, ses particularités. Nous tentons une ou deux échappées, mais notre GPS nous ramène inexorablement à la bretelle la plus proche. Nous regrettons de ne pas nous être munis d'une carte (peste soit ce raccourci mental qui nous ferait désormais croire que la navigation assistée est à même de remplacer une bonne vieille carte routière. Cette assistance à utilité limitée nous désoriente. Elle fait de nous des abrutis, des aliénés, des obligés, contraints de suivre ses ordres, sans plus pouvoir relier rien à rien.)

Pauvre système où l'on doit savoir avant d'être arrivé ce que l'on veut et ce l'on cherche. Dans tout périple, tout trajet, ce qui compte, n'est-ce pas le chemin, les essais, les erreurs, les heureuses surprises? Le temps gagné rétrécit nos perspectives et nous prive d'une chose essentielle : la part d'ouverture qui constitue l'essence même du voyage.

Étonnant pays, où nous rêvons de nous perdre, où nous éprouvons des envies d'école buissonnière. Nous délaissons le GPS, en nous disant que nous pourrons suivre les panneaux indicateurs. Que nenni ! Ceux-ci n'indiquent que des villages ou centres situés à moins de dix kilomètres. Inutile de tenter grâce à eux de joindre une bourgade ou une ville plus éloignée. Inutile aussi d'interroger des autochtones : ils n'indiqueront que l'entrée la plus proche permettant de galoper dans le grand boyau où se déversent tous ceux qui se rendent quelque part et veulent y arriver dare dare.

Étonnant pays, aux indications si précises, aux routes si fiables, aux lignes si droites qu'à l'arrivée il semble s'être perdus en chemin.


mardi 21 août 2018

Vivre : des relations difficiles


Spider (In structures of existence : the cells / L. Bourgeois / Louisiana Museum / 2017



J'aime l'araignée et j'aime l'ortie,
Parce qu'on les hait ;
Et que rien n'exauce et que tout châtie
Leur morne souhait ;

[...]

Pour peu qu'on leur jette un oeil moins superbe,
Tout bas, loin du jour,
La vilaine bête et la mauvaise herbe
Murmurent : Amour !

Les contemplations / livre III



Cher Victor, bien d'accord avec toi.
Je ne les crains, ne les écrase et ne les aspire pas.
Fondamentalement, j'aspire à vivre et à laisser vivre.
Mais, tout de même, deux morsures en cette saison
me rendent circonspecte quand à leur besoin d'affection.

lundi 20 août 2018

Voir : petite Anne, petite liane




Son père, pour meubler les silences au restaurant, lui dit : mange, tant que c'est chaud.
Sa mère, pour contenir d'alarmants émois, susurre : ce n'est pas de ton âge, crois-moi, je suis passée par là.
En quarante ans, malgré les accélérations technologiques et les réseaux sociaux, le film n'a pas pris une ride:
 touches subtiles, portraits vifs et courtes scènes, il dépeint l'adolescence comme personne.

dimanche 19 août 2018

Manger/Boire : le meilleur des rosés




Dans mes bagages, pas de provisions, mais une furieuse addiction : le jus de rhubarbe.
Dès le premier soir, dans la Gasthof, on m'a servi un Hausgemachter Rhabarbersaft. 
Depuis, ma soif est sans limites, avant, pendant et après l'apéro :
300 grammes de rhubarbe (épluchée ou pas) débitée en petits tronçons
6 décilitres d'eau
du sucre (pour moi : un demi-verre à thé)
Faire cuire cinq minutes et laisser reposer ensuite pendant une demi-heure.
Filtrer sans trop presser.
Ajouter le jus d'un demi citron et déguster, tiède ou glacé. 
Un brin de menthe ou une tranche de citron vert pour décorer.
(quant aux restes, ils peuvent être recyclés :
en compote, avec les céréales du petit-déjeuner)

samedi 18 août 2018

Vivre : la traversée





Un tortueux et éblouissant tunnel fait de valises ouvertes, de portes refermées, fait de courses, d'attentes, d'étapes et de contrariétés, de silences intenses et de plats allégés, de saccades, de ruptures, de solitude abyssale et de foules rassemblées, de bruits et de cris, d'expansions et de replis, d'habitudes bousculées, de routines générées, oui un tunnel, un engorgement, un chamboulement dans l'implacable fuite du temps : l'été.

vendredi 17 août 2018

Voyager : quand le présent se noie




Il y a quelques années, mon amie B. a effectué un périple à travers quelques capitales européennes. Elle a rapporté de son séjour berlinois qu’elle s’y était sentie étrangement oppressée. Elle évoquait certains bâtiments gris criblés de balles, la météo pluvieuse, elle ne savait trop à quoi rattacher le phénomène moral qui l'avait tenaillée. Pourtant, la ville était une destination très prisée. La scène artistique, les bars, les quartiers branchés lui assuraient plein succès et les propositions culturelles étaient alléchantes. B., à la personnalité solaire, restait songeuse.
Je pouvais la comprendre, ayant moi-même régulièrement éprouvé des moments de sourde angoisse lors de mes séjours là-bas. J'en suis souvent rentrée soit un peu malade, soit un peu déprimée (parfois les deux). Je me souviens d’avoir attrapé une grippe carabinée en plein mois d’août à Berlin, et, lors du séjour suivant, une gastrite sévère.
Dans cette ville hors normes, un passé douloureux se rappelle sans cesse à notre souvenir. Il est difficile de la considérer uniquement au présent (et, du reste, pourquoi le faudrait-il ?). Le visiteur attentif doit composer de son mieux avec cette constante dualité: un  présent stimulant et une Histoire effrayante.
A propos de Nuremberg, les guides invitaient avec force illustrations à aller découvrir l'imposant château médiéval et le centre historique. Ils évoquaient les « formidables opportunités de shopping ». On en aurait oublié un fait des plus marquants : la ville a été un haut-lieu du nazisme. C’est là qu'ont été promulguées les tristement célèbres lois, que se sont tenues de non moins célèbres parades nazies, et aussi, par voie de conséquence, les principaux procès des dirigeants du Troisième Reich. Nuremberg, ville symbole, a subi des dommages considérables, tant du point de vue des pertes humaines que matérielles. En frappant cette ville, il s’agissait pour les alliés de porter un coup fatal à l’arrogance et à la folie nazie.
Ça et là, dans les rues, on se retrouve face à des témoignages des exactions passées : une plaque à l’emplacement de l'ancienne grande synagogue, des allusions à des personnalités déportées. Et puis, naturellement, dans chaque monument ou église, les photographies de leurs décombres suite aux bombardements qui ont quasiment rasé la ville entre 1944 et début 1945. 
Là où naît un profond malaise, c’est que ces photographies exposées ne semblent pas l'être à des fins de mémoire contre les horreurs fascistes, mais plutôt pour mettre en évidence l’effort consenti afin de reconstruire à l’identique (effort réussi, car, de nos jours, il est difficile de considérer un monument historique en évaluant ce qu’il comporte de récent ou d’authentique).

Ces jours-ci, l'été bat son plein. Il fait chaud. On se balade dans les rues. On observe les bâtiments. De nombreuses constructions fonctionnelles (assez laides) témoignent de l'effort de redressement dans l'après-guerre. On voit passer les groupes de touristes, dûment guidés. On regarde les vitrines (assez quelconques) des grands magasins très fréquentés. 

On se dit que l’Histoire et le genre humain tendent vite à l'oubli. Le présent réclame obligatoirement la maîtrise du passé. Quelques plaques, un ou deux lieux de souvenir, un Centre de documentation pour assurer le devoir de mémoire (et son tourisme aussi) et la page pourrait être tournée... On sent monter en soi des mouvements de tristesse et d'anxiété. On se sent agité de questions : qu'est-ce qu'ont dû vivre ici 7'502 citoyens Juifs qui habitaient la ville en 1933? quels hurlements et mots terribles ont-ils été proférés dans ces rues? combien de personnes ont-elles pu échapper à cet enfer? combien de déportés? quelles ont été toutes ces trajectoires? 

On frissonne malgré la canicule. On ressent des picotements à travers tout son corps. On aurait envie de s'enfuir. On ne s'enfuit pas. On éprouve un trouble intense (peut-être le même que celui ressenti par B. à Berlin ? peut-être se souvient-on précisément de ses paroles en ces instants-ci?) On se tient présent, on photographie. On se sent respirer plus profondément quand arrive enfin le moment du départ.

*quand le passé refait surface, le présent se noie / Fababy

jeudi 16 août 2018

Voyager : besoin de Sud


Résidence / Escalier d'honneur / Plafond peint par JB Tiepolo / Wurtzburg / 1750

Se demander pourquoi, voulant rejoindre le Nord, il semble qu’on soit en train de le perdre.
S'interroger aussi sur le fait que, s’étant dirigé vers l’Est, ce soit un peu à l’ouest qu’on se sente.
Dresser et dresser encore la liste de toutes les découvertes superbes et intéressantes.
Se méfier de ces retours où, déposant nos sacs, on se dit que tout s’est finalement très bien passé.

mercredi 15 août 2018

Voyager : Uta, Reglindis, Gerburg, et les autres


Uta von Naumburg / le Maître de Naumburg / env. 1245

Là-bas, une concentration inhabituelle d’éoliennes décoraient le paysage.
Là-bas, tout semblait fonctionner plus difficultueusement (et aussi plus aimablement)
Les sonorités paraissaient plus claires, les devantures envahies par la poussière.
Là-bas, on était partis rencontrer Uta et on s’est retrouvés en ex-RDA.
Là-bas, le temps semblait s'être arrêté, par le fait de l'histoire, 
mais aussi figé par la magie de l'instant :
 pourrait-on croire ces nobles présences âgées de huit cent ans?

Ekkehart et Uta

Dietmar

Gerburg

Hermann et Reglindis

Konrad

Thimo

Wilhelm


mardi 14 août 2018

Voyager : à boire et à manger



A l'aller, nous avons croisé de prolifiques poiriers.
Au retour, une pièce d'un euro contre un panier :
la femme aux pruneaux était ravie et nous aussi.
Entre deux, rhubarbe, pommes, cerises,
toutes sortes de jus nous furent proposés.
(quant aux raisins, quels divins nectars
devant nos trop grosses assiettes le soir)
Ainsi, de fruit en fruit. on a découvert la Franconie.

jeudi 9 août 2018

Habiter : petit voisin


Madona con bambino e santi (détail) / Vincenzo Foppa / Musei civici / Pavia



Prends garde au petit matin
Prends garde à ton ombre derrière les vitrages
Prends garde à ton pas
Prends garde au moindre crissement
Prends garde à tes gestes
Veille à ne rien perdre
- citron prune boucle lettre -
Assume la légèreté de la lumière
N'épie que pour mieux ménager
Reste calme écoutant ton cœur palpiter
Le faon confiant couché à ta fenêtre
aurait tôt fait de disparaître.

mercredi 8 août 2018

Vivre : still life / 49



Avec ou sans trait d'union,
expression, adjectif ou nom,
qu'il traite de nourriture 
ou de déboires humains 
hors-sol est un terme chagrin.
L'ancrage est fondamental.
On se fout des calibrages.
Les doigts frétillent durant la cueillette.
On les a connues en fleur, on les retrouve dans l'assiette.
La pleine terre : quelle délectation ! 
Le kilomètre zéro : quelle révolution !


mardi 7 août 2018

Vivre : let it be / 16



Il y aurait tant à observer :
Prêter attention aux courants facétieux.
Admirer la ville et ses contours classieux.
Admirer le ciel, admirer les arbres.
Caresser leurs reflets portés par la rivière.
Vivre la contre-plongée après avoir plongé
la tête la première.
Il y aurait tant à voir.
Il y aurait de quoi se satisfaire.
Certains pourtant préfèrent la mise en scène de soi.
Ils se tendent la perche : me voici, me voilà,
là, dans les flots, le héros, c'est moi.
Il y en avait même un hier que sa compagne docile,
patientant sur les bords, était censée immortaliser
tandis qu'il exécutait sa noble chorégraphie.
Décidément, on n'arrête pas l'Aar du selfie.

lundi 6 août 2018

Regarder : un matin à la Croisière







Nadav Kander / Municipalité de  Chongquing / série Yangsé, la série du long fleuve / 2007

A la Croisière
ne sachant où donner du regard
happés par les contenants, par les contenus,
nous nous sommes laissés faire,
subjugués par l'atmosphère
qui en mettait plein la vue.

dimanche 5 août 2018

Regarder : élan vital


Raymond Depardon / Manhattan / 1981 / Arles 2018

J'adore la détermination qui émane de ce personnage féminin : droite, altière, digne. 
Qu'elle attende le bus ou qu'elle observe l'arrivée d'une manifestation, 
cette femme sait où elle va et ce qu'elle veut.

Raymond Depardon / 116ème rue / Harlem / 1981 / Arles 2018

Petite, la femme devait ressembler à ces fillettes débordantes d'énergie, 
sûres d'elles et de leurs corps toniques, confiantes dans leur avenir, 
conscientes du pouvoir de leur groupe complice.

samedi 4 août 2018

Vivre : l'eau l'aube



Au point du jour,
le lac se dévoile en pastel
se love de rive en rive
avec la candeur câline d'un faon
ramène à des douceurs d'enfance.


.

vendredi 3 août 2018

Vivre : quand les autres voyagent





Notre village compte environ un millier d’habitants. Durant les vacances estivales, ce chiffre quadruple. A mesure que la densification augmente, la langue change : des sonorités gutturales retentissent entre les rayons des supérettes, sur les pistes cyclables, le long des rives. Un nombre impressionnant de bagages se baladent sur les trottoirs. Autre particularité due aux estivants, citadins pour la plupart : on n’échange plus de saluts. Les gens passent, regardent droit devant eux. Oui. Les gens passent, défilent, un peu comme ces semaines, un rien tourneboulées, mais relativement brèves. 
Dans pas longtemps, avec les feuilles détrempées, les rues retrouveront leurs rites, leurs sonorités, leurs habitués.

jeudi 2 août 2018

Regarder : la microhistoire d'un photographe bernois


Naples / 1951

Réfugiés en Autriche / 1960

florence / 1951

 Trois minutes de silence suite à l'occupation de la Hongrie / Berne / 1956

ghetto de Varsovie / 1947


J'ai trop tardé à m'y rendre. La rétrospective consacrée à Walter Studer au Kornhausforum de Berne ferme le 5 août. Je ne pourrai pas y retourner autant de fois qu'elle le mérite. Ce photographe de presse, né en 1918, mort en 1986, a accompli un travail documentaire saisissant. Ses tirages témoignent de la vie quotidienne en Suisse dans les années 1950, mais également des ravages de l'après-guerre en Europe, de la situation au Chili à l'occasion d'un reportage sur la Coupe du monde en 1962.
Et tant d'autres sujets encore : l'embarquement de migrants vers l'Australie dans le port de Trieste, la plaine du Pô dévastée par une inondation, des manifestations véhémentes de paysans helvétiques sous-rémunérés; des personnalités de passage : Louis Armstrong, Audrey Hepburn, Grace de Monaco.

Rentrant d'Arles, je me demandais, en admirant le nombre et la qualité des clichés présentés gratuitement et dans une relative discrétion : Qu'est-ce qui fait qu'un photographe acquiert ou non de la notoriété ? Une affaire d'ambition personnelle ? Une question de territoire ? Faut-il se trouver au bon endroit au bon moment ? Quel est le prix à payer, quels sont les vecteurs de la réussite? Le succès est-il toujours mérité ?

Quoi qu'il en soit, la beauté et la force des images étaient au rendez-vous et ce fut un moment privilégié. Cette exposition a réveillé mon bon vieux fantasme, mon rêve de toujours : sillonner l'Europe et le monde dans les années 1950, 1960 et les découvrir avant les "progrès" (ou les ravages) des Trente glorieuses. Un rêve qui ne pourra hélas jamais se matérialiser, mais que j'ai vécu par la grâce de l'argentique.

mercredi 1 août 2018

Vivre : dire merci


Madone avec enfant et deux saintes (détail) / A. Lorenzetti / Pinacothèque / Sienne


La reconnaissance :
magistrale preuve de santé et de vitalité.