lundi 29 avril 2024

Vivre : se laisser emporter

 
Riposo durante la fuga d'Egitto / Santi di Tito / Museo civico / San Sepolcro

Elle passe bien vite cette caravane de notre vie
Ne perds rien des doux moments de notre vie
Ne pense pas au lendemain de cette nuit
Prends du vin, il faut saisir les doux moments de notre vie.
 
Extrait d'un rubaï d'Omar Khayyâm (XIIe siècle)
 
 
Quelle que soit l'époque, quelle que soit la saison,
ne pouvoir s'empêcher, comme le divin poète,
d'épuiser cette précieuse, cette folle envie de savourer
les présents de notre seule et terrible et extraordinaire vie.
 

dimanche 28 avril 2024

Vivre : commerces

 
Due figure femminili / Pier Francesco Mola / coll. Fassombroni / Museo civico / Arezzo
 
 
Rien de plus beau que la réciprocité quand elle concerne les bonnes manières. Donnant donnant devient forcément gagnant gagnant, un idéal arrangement. Mais face à la morgue et à l'arrogance, les choses se font moins évidentes. Faut-il traiter les gens comme ils nous traitent (oh! que c'est tentant!) ? Faut-il s'aligner sur leur conduite et par là-même les laisser nous dicter notre comportement ?  Ce faisant, ne serait-ce leur concéder une terrible importance ? Faut-il affronter ? Ou bien faudrait-il fuir ? Fight-or-flight ? Entrer dans leur danse ou prendre de la distance ? Chaque situation demande attention, chaque réponse devient un acte de création. L'essentiel : ne jamais perdre de vue l'incomparable plaisir de vivre avec soi en bonne intelligence.

 

samedi 27 avril 2024

Vivre : renoncer aux montagnes

 
La Madonna del Parto (détail visage de la Vierge) / Piero della Francesca / Monterchi
 
 
Submergée ? Oppose le rien au trop. Préfère le peu à l'infini. 
Lâche ton pinceau et suis des yeux le passage d'une fourmi.

 

vendredi 26 avril 2024

Vivre : association libre

 

c'est en sortant du château de Poppi, face au paysage ouvert et au ciel disert
- une merveille de limpidité, un instant percuté de lumière - 
que le petit tableau de Nicolas de Staël m'est revenu en mémoire. 

Ciel / peint sur le motif / 1952 / Nicolas de Stael / coll. particulière

jeudi 25 avril 2024

mercredi 24 avril 2024

Vivre : la patrone

 

 
Elle était petite, menue, elle agitait ses bras sans cesse pour mener son monde à la baguette, paraissait ne jamais pouvoir rester en place. A l'âge où d'autres revendiquent un repos mérité, elle tenait à être partout, à s'occuper de tout, dans les moindres détails. Il y avait l'immense domaine et sa cave qu'elle tenait à faire visiter en personne. Il y avait le restaurant qui accueillait à tour de bras des fêtes et des célébrations. Les pères et les mères reçus pour organiser baptêmes, mariages et communions. Et il y avait aussi quelques chambres, dont une qui nous a accueillis le temps d'une nuit. 
On entendait sa voix. On entendait ses pas. On entendait le personnel, le couple de Philippins disciplinés, le jeune malhabile qui débutait, l'étudiant qui faisait des extras, on les entendait tous répondre oui, oui, Letizia. Elle vociférait. Elle ordonnait. Grâce à elle, les décibels atteignaient des sommets. Elle tenait à tout contrôler. Les hôtes, les invités, les gens venus pour acheter ou pour réserver. Rien ne devait lui échapper. Même la commande d'un dessert devait lui être rapportée. A tout vouloir commander, tout finissait par se disperser. On a dû remplir deux, puis trois fois la fiche d'inscription pour la nuitée. Elle remplissait, puis elle oubliait, elle oubliait qu'elle avait déjà rempli et oublié, et les papiers voltigeaient, les notes s'envolaient. Elle se voulait indispensable et générait une pagaille sans pareil. 
Elle a demandé si on allait prendre le petit déjeuner le lendemain. J'ai pensé à la ville qui se réveillerait en douceur comme tous les dimanches, au son atténué de ses cloches, aux rayons dansant sur ses façades cuivrées. Je me suis souvenue d'une certaine pâtisserie, avec son incomparable odeur de café, ses habitués, avec leurs chiens choyés qui patientaient devant des déclinaisons de croissants dorés. J'ai pensé à ce mot : folie. Un mot qui ne veut rien dire sauf quand il évoque la fuite devant toutes sortes de barbaries. J'ai répondu sobrement : non, merci.




mardi 23 avril 2024

Vivre : la bonne cohabitation

 
Madonna della Misericordia / Piero della Francesca / Museo civico / Sansepolcro
 
 
 Tu peux être bonne. Tu peux être indulgente.
Tu peux être protectrice et patiente.
Mais n'oublie jamais d'être exigeante.  
 

lundi 22 avril 2024

Voyager : des oui et des non

 

 
Que dit-on quand on souhaite bon voyage à quelqu'un ? Se réfère-t-on au trajet qui va d'un point à un autre, souhaite-t-on qu'il se passe au mieux, sans encombres ni retards, sans rencontres inopportunes ni incidents déplaisants, parle-t-on d'un passage qui se termine exactement au moment de l'arrivée à bon port ?  
A chaque départ, je me souhaite un bon voyage (lequel inclut selon moi le moment du départ et le moment du retour et tout ce qui se passe d'un bout à l'autre de l'expérience) et il me semble que si cette aventure ne contient aucun apprentissage, aucun dérangement, s'il s'agit d'un simple dépaysement,  alors il n'y a pas eu de voyage. Il y a peut-être eu du repos, du divertissement, ailleurs, quelque part, loin, ou près, peu importe, mais point de réel voyage.
A chaque retour d'un bon voyage, je regarde les lieux qui me sont habituels avec des yeux neufs. Je fais un état de ces lieux. A chacun de ces retours, il m'arrive de dire fermement non à un certain nombre d'éléments, car mon regard se pose sur le superflu ou sur les inepties du quotidien. Il me faut alors absolument déblayer toute une série de choses pour permettre à d'autres de prendre place.
Je ramène dans mon sac de voyage bon nombre de refus et quelques ouvertures. Mon absence - ma présence à d'autres réalités - doit servir à opérer un reset, une réinitialisation de fonctionnements par trop évidents. Un voyage est par essence même une désorganisation. C'est pourquoi les voyages dits organisés me paraissent être de pures contradictions.

 

samedi 13 avril 2024

Voyager : partons vite et rentrons tard

 


quand les matins semblent se dupliquer, quand la vision se brouille et qu'on ne saisit plus les nuances, le moment est venu de prendre de la distance, se faire la malle et se diriger vers l'ailleurs, aller inspirer un air d'une autre intensité, partir s'exposer à d'autres soleils, tendre l'oreille à de nouvelles fréquences, en résumé : tourner à gauche en débouchant sur la nationale et prendre quelques jours de vacances.

vendredi 12 avril 2024

Vivre : vivement dimanche

 
La fille de Jephté /Jean-Hugues Fabisch / Musée Granet / Aix-en-Pce
 
le stress : arriver à ce point précis où un simple sourire peut faire toute la différence 

jeudi 11 avril 2024

Vivre : défaut de consistance

 
Nymphe / Groupe statuaire de la route de Beaucaire / Musée de la Romanité / Nîmes

On a le droit de se tromper.
Sur des situations, sur les personnes.
On a le droit d'aimer, d'admirer, même.
Et puis...tout bien considéré... de se dire 
que ça ne valait vraiment pas la peine.
On a le droit de s'en aller avec légèreté.

mercredi 10 avril 2024

Vivre : la consultation

 
Personnage avec flèches / Jean-Michel Folon / Salines royales / Arc-et-Senans / 2023
 
Elle s'assied. Elle soupire. Elle se sent débordée, épuisée, elle ne sait plus comment parvenir à récupérer. Elle a pris rendez-vous pour qu'il lui prescrive de quoi la vitaminer. Quelque chose doit manquer à son organisme pour qu'il refuse régulièrement d'avancer. Elle dit qu'elle vit avec son temps. Elle projette son futur, elle travaille sur son passé, elle est à fond dans son présent. Elle mène sa vie tambour battant. Elle se tient toujours au courant et, du reste, elle court, elle ne cesse de courir, elle enchaîne les interventions. Et puis, elle prend aussi soin de sa santé : elle marche, elle bouge, elle s'adonne au yoga, elle s'exerce à la méditation. Elle gagne bien sa vie, elle a des amis, un cercle social bien fourni. Elle ne cesse de mettre des coches dans toutes les listes de sa vie. Elle s'efforce sans arrêt de combler tous ses retards. Elle marque une pause. Elle hésite. Elle reprend : elle passe son temps à combler ses retards. Et elle y parvient... elle répète qu'elle a tout bon. Elle insiste : elle suit le rythme, tout est sous contrôle. Il y a juste que... elle vit tellement avec son temps, qu'elle ne comprend pas pourquoi son temps ne cesse de lui échapper... en fait, elle aurait besoin d'une semaine pour souffler.

mardi 9 avril 2024

Vivre : still life / 145

 

 
7'200 terminaisons nerveuses sous chaque pied. Impressionnante machine que ce corps où tout se retrouve connecté. Comment ferais-je sans cette balle géniale ? C'est elle qui m'aide à retrouver mon axe tous les matins, qui me permet de retrouver détente et verticalité en cours de journée. Apparemment grâce à ses picots la circulation sanguine se voit facilitée. En ce qui me concerne, m'empêchant de perdre la boule, elle me clarifie aussi les idées. Avec elle, pas question d'en avoir plein le dos ni de me forcer. Mes plantes l'adorent, mes orteils l'appellent, mes talons la réclament. Antidouleur sans ordonnance et sans effets secondaires, elle circule dans toute la maison, tantôt dans la salle de bain, tantôt dans les corridors. Magique, pratique et économique, elle roule pour ma santé et ça, c'est vraiment le pied!

lundi 8 avril 2024

Vivre : la TA

 
Femme assise jambes croisées / Pablo Picasso / 1906 / Národní galerie Praha / Prague
 
 
Le corps a ses raisons.
Le corps dit ses émotions.
Le corps est sous tension(s). 

dimanche 7 avril 2024

Habiter / Vivre : l'objet des tous mes désirs

 
Tokyo House / Unemori Architects
 
Longtemps, ce furent les catalogues de jouets. Couchée à plat ventre sur mon lit, les pieds croisés qui se dandinaient d'avant en arrière et le visage logé entre mes paumes, je me penchais pendant des heures sur les poupées Barbie, les mamans et les bébés. Et toutes leurs panoplies assorties. Un monde merveilleux s'étalait devant moi - évidemment hors de portée de mes économies - et Noël qui était toujours si loin, Noël qui se perdait dans un futur inaccessible... L'impossibilité de réaliser mes rêves laissait libre cours à mon imaginaire. En pâmoison, je tournais et retournais les pages.
Ensuite, ce furent les magazines qui montraient comment se maquiller, lip gloss, palettes d'ombres à paupières, mascara et eye-liner. Entre dix et treize ans, j'ai passé un temps fou devant tous ces fards tellement enviables que les adultes m'interdisaient. Le Graal s'appelait Yves Rocher, son Livre vert, je  le feuilletais jusqu'à l'usure (quand je pense qu'à présent, je ne sais comment me défaire de leur matraquage publicitaire...)
Tout cela est passé depuis longtemps. Maintenant, ce sont les reportages sur l'habitat qui stimulent mes pupilles, toutes les maisons du monde, pourvu qu'elles aient quelque originalité, qu'elles révèlent une manière nouvelle d'habiter, spécialement celles de dimensions réduites : les tiny houses, les cabanes au fond de forêts immenses, les chalets en bois lasuré dominant des paysages nordiques, les constructions inondées de lumière océanique, quel bonheur de les explorer ! Je me projette dans ces intérieurs, évaluant leur aptitude à m'accueillir en congé sabbatique de longue durée. J'explore d'autres vies possibles en parcourant revues et pages internet.
Même si je ne pourrais vivre dans aucune autre maison que la mienne, et si je ne peux concevoir que quelqu'un d'autre l'habite tant elle fait corps avec moi, j'adore m'infiltrer ailleurs par la pensée, émettre des propositions critiques, me projeter dans des espaces à conquérir. L'autre jour sur le site du Guardian ce reportage sur les logements urbains de petite taille mais aux larges perspectives m'a laissée songeuse. Comme autrefois, je me suis laissée aller à la noble activité de m'évader. Je me suis remise à explorer. Le bureau Unemori de Tokyo m'a littéralement scotchée. Spécialement la House Tokyo  un assemblage de boîtes où circule l'air en toute liberté, qui évoque une maison de poupées, une maison où l'on pourrait caser toutes celles qui autrefois me faisaient saliver.
 

samedi 6 avril 2024

Vivre : dents de scie

 

 
Jours d'avril, jours bizarres, 
où l'hiver semble faire ses au revoir
se ravise, revient en arrière,
en proie au démon de la blancheur,
 disparitions, retours et départs,
jours d'angoisses, sourdes menaces,
les ondées passent, les rives s'effacent.
Seules les Alpes se dressent, socles d'espoir.



vendredi 5 avril 2024

Vivre : être ou ne pas être

Palazzo della Ragione / Padova
 
 
S'y croire : croire avoir la place qu'on n'a pas. 
Pourquoi s'y croire ? Pourquoi ne pas simplement être ?
 

jeudi 4 avril 2024

Vivre : liste de choses insignifiantes

 
Casa Romei / Ferrara
 
 
La minuscule goutte annonçant l'averse et qui échoue au coin d'une lèvre.
L'imperceptible senteur d'une branche de cerisier en fleurs tombée à terre.
Les efforts du lombric asséché par le vent que la motte n'en finit pas d'attendre.
La dernière botte au fond de la caisse, ses tiges lasses de se montrer tendres.
La pousse qui se languit de la pluie et le ciel qui poursuit ailleurs ses acrobaties.

 

mercredi 3 avril 2024

Voir : exils du dehors et exils du dedans

 

Congé de Pâques avec une météo qui n'inspirait pas vraiment de départs sur les routes, mais invitait à de poignants voyages dans les salles du septième art. On n'a pas cédé au charme nostalgique des histoires d'amour, on leur a préféré des thèmes un peu plus forts. 


Chroniques de Téhéran est un film relativement court (77 minutes très exactement). Il contient neuf histoires et autant de personnages filmés en gros plan. Neufs manières de dire la vie aujourd'hui dans la capitale iranienne. Quatre hommes, quatre femmes, plus une petite fille aimant follement se trémousser, filmés dans un décor statique, se trouvent face à une présence hors-champs symbolisant le pouvoir, toutes les formes de pouvoir, avec ce qu'il peut comporter d'absurdité, d'humiliation et de bêtise crasse. Des historiettes qui en disent long sur l'asphyxie au quotidien et, même si les saynètes peuvent être cocasses, voire ridicules, elles refilent au spectateur un sentiment d'oppression croissant. Le résultat est saisissant de sobriété et d'efficacité. On est étonné de voir combien le cinéma peut exprimer de choses avec un minimum de moyens. Excellent.



Le lendemain, c'est à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie qu'un film bien plus long (près de trois heures) nous emmenait sur les pas d'une famille syrienne tentant désespérément de rejoindre la Suède. Le contexte, on s'en souvient : en 2021, avec la complicité de compagnies aériennes turques peu scrupuleuses, Alexander Lukashenko a orchestré une crise politique et humanitaire sans pareil en attirant à Minsk des milliers de migrants, provenant en majorité d'Afrique et du Moyen-Orient, avec la promesse de les conduire jusqu'à la frontière polonaise et de leur fournir une ouverture vers l'Europe. Un voyage qui commence pour chacun d'eux par un rêve et finit en cauchemar. Le résultat a été violent non seulement sur le plan géopolitique, avec de vives tensions entre les divers pays de l'UE tout comme au sein de la société polonaise, mais surtout pour les êtres humains concernés, enjeux de manipulations cyniques et traités comme du bétail d'un côté à l'autre des barbelés.

 

 
Green Border est un docudrame tourné en noir et blanc, dont le propos est d'ouvrir les yeux aux spectateurs, de les confronter aux réalités les plus crues. Le résultat ressemble à un reportage journalistique qui ne concède aucun moment de répit, le pendant réaliste des nouvelles qui déferlent incessamment sur nos écrans au point de finir par tomber dans l'indifférence quasi générale. A vrai dire, c'est passablement éprouvant, au point d'être par moments insoutenable. A travers ce film choral (chacun des nombreux personnages illustrant un point de vue sur la question migratoire), Agnieszka Holland, une cinéaste franco-polonaise âgée de 76 ans, a eu le cran de n'éviter aucune facette, aucune contradiction. Son travail obstiné, sans concessions lui a valu de nombreuses attaques et campagnes d'intimidation.
 
Ce cinéma engagé a été ovationné et primé à la dernière Mostra de Venise. Il décrit une réalité toujours plus pressante. La situation a très probablement empiré depuis ces trois dernières années. Elle ne concerne pas uniquement la zone géographique décrite, puisqu'elle se poursuit au quotidien sur tout le pourtour méditerranéen et dans les Balkans. 
Les dernières images du film évoquent l'accueil réservé par la Pologne aux réfugiés ukrainiens au printemps 2022, soit moins d'une année plus tard. Autre origine, autre religion. Avec une ironie féroce la cinéaste souligne combien les chiens et les canaris ukrainiens ont été davantage pris en compte que les êtres humains à la couleur de peau plus foncée qu'on renvoyait sans égards. De quoi faire réfléchir à la valeur accordée aux personnes, aux différents paliers de la solidarité, selon la provenance et la culture de qui vient frapper à notre porte en quête de sécurité. 

 

mardi 2 avril 2024

Vivre : fausses pistes

 
Sybille / Jean-Baptiste Camille Corot/ MET / New-York
 
Elle donne le change. Elle, que l'on a connue vive et enjouée, élégante et volubile, sociable et spirituelle, apparaît pâle sous les lunettes noires qu'elle tient à porter même quand la lumière semble manquer. Son teint est cireux, des sillons marquent son visage. Elle babille, elle donne le change, mais en échange de quoi ? Tient-elle à ce qu'on ne sache pas ? Veut-elle qu'on continue de la voir comme elle était autrefois ? On la perçoit si pathétique, si fragile, qu'on est tout prêts à lui donner tout ce qu'elle voudra. On lui sourit. On parle de météo et d'Italie. Et de quand les enfants étaient petits. En contrepartie de toute la peine qu'elle se donne on lui doit la politesse. On fait comme si. On lui rend ce qu'elle veut bien recevoir : une image crédible en miroir.
 

lundi 1 avril 2024

Vivre : still life / 143

 

Pourquoi, alors que la maison compte quantité de coupelles, héritées, reçues ou rapportées de divers voyages, pourquoi garder celle-ci, ébréchée, fissurée, même pas originale, de facture tout ce qu'il y a de plus industrielle, pourquoi ne pas la jeter, pourquoi l'employer en l'état, tous les jours, en faire le bol de loin le plus utilisé et ce sans même chercher à la réparer façon Kintsugi pour lui donner quelques lettres de noblesse ? Pourquoi donc lui être si attachée ?
Pourquoi ? D'abord, parce que c'est "la coupelle des œufs" et que son rebord brisé la rend idéale pour casser d'un coup sec les coques. Et aussi parce que tant qu'une chose est en état de fonctionner, elle a de la valeur. Elle est certes abîmée, mais c'est son entaille qui la rend indispensable, sa fêlure qui lui assure son originalité. Dès lors, pas question de la mettre au rebut : ce serait absurdement gaspiller.