se lamenter : une manière de blesser la vie et ses prodigalités
vendredi 12 décembre 2025
jeudi 11 décembre 2025
Regarder / Vivre : retrouver des traces
Precious Stonewall / JM Othoniel / Musée Lapidaire / Avignon
Le petit musée Lapidaire d'Avignon est un lieu enchanteur, abrité dans la chapelle des Jésuites. En plein centre ville, quels que soient la saison et le brouhaha des rues marchandes, il offre l'opportunité de se replier entre ses murs et d'y reprendre souffle. Une véritable île dans la ville.
L'autre jour, en fin d'après-midi, le ciel était chargé de menaces, noir de neige contenue. Une occasion idéale de venir dialoguer avec les pièces de l'Antiquité, de toutes périodes et de toutes provenances, qui y sont rassemblées.
Nous avons survolé les briques de verre d'Othoniel pour nous concentrer sur de petits coffrets rouges - quatre en tout, d'apparence très banale - disposés apparemment au hasard parmi les œuvres. Il fallait soulever le couvercle et ... un parfum venu tout droit de l'antiquité venait solliciter vos narines. Ce fut un voyage dans le temps tout à fait surprenant. J'ai réalisé que le lien au passé se faisait souvent par la vue (objets, lectures, sites) et tout à coup cette possibilité d'accéder aux sculptures par le biais olfactif les rapprochait d'une manière étonnante. J'ai particulièrement été transportée par les senteurs enivrantes du rhodinon, un parfum à la rose dont on nous explique que :
" ce célèbre parfum était essentiellement composé d'huile végétale et de pétales de rose, parfois adjoint de jonc appelé "rhodinon". Il était fabriqué, utilisé et apprécié dans dans l'ensemble du bassin méditerranéen. Le processus de fabrication était assez simple : Il s'agissait de faire macérer des pétales de roses à plusieurs reprises dans de l'huile préalablement chauffée. Différentes recettes, plus ou moins précises dans leur mise en application, ont été retranscrites par des auteurs antiques tels que Pline l'Ancien, ou Dioscoride, au premier siècle après Jésus-Christ. Le rhodinon était ensuite mis en flacon pour se parfumer ou à des fins médicales."
Cette découverte des fragrances antiques est très récente. Elle est due à des recherches fouillées menées par des archéologues du Collège de France en collaboration avec l'Institut de Chimie de l'université Côte-d'Azur. Lire ICI. Que ces chercheurs à l'origine de ce cadeau soient infiniment remerciés : tandis qu'une tempête déferlait sur la ville, nos sens enivrés, mis au parfum, dansaient et jubilaient autour de la Méditerranée.
mercredi 10 décembre 2025
Vivre : en toute équanimité
Statue de la Justice / entrée de l'Arsenal / Venise
Observer, décrire, évaluer : rendre justice
tout le contraire de juger
mardi 9 décembre 2025
Vivre : les matins (presque) rien
tu regardes le lac. tu regardes les hauteurs. tu ne vois que brouillards. tu espères la lumière.
sauras-tu attendre de voir en un instant tressaillir les pierres ?
lundi 8 décembre 2025
Vivre : droit devant
Ammon jeune et imberbe / Musée Lapidaire / Avignon
Faire face : Se trouver en face. S'opposer (sans hésiter).
Assumer (ses responsabilités). Pourvoir à des obligations.
Affronter, en somme, toutes sortes de situations.
Ne pas tourner le dos (à ce qui fait peur, aux difficultés.)
Faire face : locution verbale à adopter sans trembler.
dimanche 7 décembre 2025
Vivre : l'auguste joie au travail
Le Retour de la fête de la Madone de l’Arc, près de Naples / Léopold Robert / MAHN / Neuchâtel
On connaît des commerçants qui font bien leur métier. Des compétents qui savent conseiller. Des attentifs qui se rappellent de vos préférences. Des baratineurs qui savent vous détendre. Elle, elle a un je-ne-sais qui fait toute la différence. C'est plus qu'une amabilité de façade, ou un sourire de circonstance, elle irradie la bonne humeur, ou plutôt : une joie venue tout droit de l'enfance. Elle vend du pain - excellent par ailleurs - et toutes sortes de capiteuses pâtisseries, mais, en plus, elle distribue son amabilité sans compter (ajoutant aussi quelques tranches à part, histoire de vous faire goûter). En la regardant, on réalise qu'ils sont rares, les gens qui savent sourire. Vraiment. Et il faut croire qu'on est beaucoup à penser ça, parce que sa boutique de désemplit pas. Une fois sur le trottoir, à cent pas, on garde encore au fond de soi le souvenir de ses dents éclatantes, de ses mots divertissants, de cette énergie qui se dégage et qu'on a attrapée au vol en partant.
samedi 6 décembre 2025
Regarder : quelque chose d'irréel
Dans le Palais stoïque et majestueux à pas lents cheminer à travers les salles
Et in Arcadia ego / 2025 / Chapelle Saint-Jean
frôlant de ci de là quelques rares guides suivis par leurs troupes dociles
et les installations d'Othoniel comme d'immenses décorations de Noël
Constellations du zodiaque / Chambre du Parement
Les ombres ondoyaient et susurraient : bling bling ou artiste digne d'estime ?
Cependant, les lieux, leur paix, les reflets imposaient silence, balayaient les querelles inutiles
seul demeurait l'instant sublime, et nous, rêveurs, immobiles
Cosmos / 2025 / Grande Chapelle
emportés dans des songes irréels, pris dans des résonances essentielles,
happés, subjugués, tremblants, captant des sons subtils, nous voulions
seulement, sans bling bling et sans blabla : juste percevoir l'étincelle
vendredi 5 décembre 2025
Vivre : laisser partir
Laisser partir
Laisser les choses se défaire qui n'ont plus raison d'être
Laisser finir ce qui doit disparaître et enfin laisser naître
L'avenir
jeudi 4 décembre 2025
Vivre : newsletters
Portrait de Bernardo di Salla / Attribué à GF Caroto / Le Louvre / Paris
Était-ce un écorché vif ? Était-ce un manipulateur ? En quête de reconnaissance, certainement. Aimant se croire important, assurément. Ayant besoin de dominer, probablement. Mal aimé à l'école. Rejeté par ses collègues. Toujours un peu à l'écart, toujours rabaissé, feignant de croire que sa réussite apparente pouvait l'immuniser. Et constamment avec ce vide immense à combler.
Il cherchait dans les réseaux de quoi prendre sa revanche. Il voulait sa
cour et, vu le nombre de solitudes et de détresses à la ronde, sa cour, ses
admiratrices, ses disciples, il les trouvait. Il braconnait. Il harponnait. Il se donnait du mal, distribuait compliments et récompenses. Il connectait. Il écartait. Il écrivait tard dans la soirée. Se levait tôt pour commenter. Il se prenait pour le chef d'un orchestre savamment sélectionné.
Pensait-il bien faire ? S'estimait-il le plus fort ? Le mieux aimé ? Il voulait le croire. Était-il pitoyable ? Était-il manipulateur ? Comment le savoir ? Encore un avatar que la blogosphère avait généré.
mercredi 3 décembre 2025
Ecouter : loin des rêves de pacotille
Quand le Book Club diffuse Dans la bibliothèque de, je manque rarement un épisode. J'aime ces portraits de personnalités du monde de la culture - des portrait chinois en vérité -, même si je dois admettre qu'ils me touchent de manière différente, et même que certains parfois m'indiffèrent. A d'autres moments, je me sens en connexion totale. C'était le cas vendredi dernier avec Florence Loiret Caille, une actrice qui trace son chemin loin des paillettes et des flashes, que j'apprécie encore plus depuis que je la connais un peu en tant que lectrice.
Parmi les cinq œuvres qu'elle a choisi de présenter, il y avait Quelques messages personnels, de Pierre Clementi. Un recueil de textes écrits suite à l'emprisonnement de celui-ci à Rome entre 1971 et 1973. Un livre réédité en 2005, mais pas forcément facile à trouver en librairie. L'invitée introduit sa lecture en relevant combien sont rares les acteurs qui ne font pas de compromissions avec le système. "A vrai dire, je n'en connais pas." ajoute-t-elle en profitant d'évoquer ses valeurs de manière indirecte.
Avant de transcrire le passage lu par F. L.C., précisons que l'auteur de ce journal a été libéré au bout de 18 mois passés dans les prisons de Regina Coeli et Rebbibbia et expulsé d'Italie. Il avait été condamné pour détention de drogue - en quantité relativement faible - lors d'une perquisition à son domicile. Avec recul, il apparaît que le système judiciaire avait profité de ce procès très médiatisé afin qu'il ait fonction d'exemple. Libéré de cette expérience éprouvante pour insuffisance de preuves, Pierre Clementi n'a été innocenté que trois ans plus tard.
La plupart des acteurs qui percent n'y résistent pas. Ils pénètrent dans l'Olympe, ils prennent place au rang des demi-dieux, ils croient eux-mêmes aux mythes qui les déifient et qu'ils alimentent, qu'ils reconduisent par le spectacle de leur vie publicitaire.Ces idoles - je hais la chose et le mot - peuvent-elles susciter autre chose que des rêves de pacotille, des songes creux, désirs de luxe, d'ostentation, de vanité, de fric, qui intoxique les jeunes esprits bien plus clairement que toutes les drogues.Le voilà, le véritable opium qui détourne les énergies de la voie créatrice, qui assèche les cœurs, qui mobilise les forces vivantes vers l'objectif mesquin et négatif de la "réussite individuelle".Je crois qu'il est beaucoup plus important, pour celui qui est acteur, de devenir un homme véritablement, d'apprendre dans la simplicité de la vie quotidienne à communiquer avec ses frères, d'aider par son travail à mettre en lumière la part du monde qui est vérité et non celle qui est toc, préfabriquée, illusion.
L'acteur est le représentant de l'inconscient collectif. Son travail permet à chacun de prendre conscience de son bonheur ou de son malheur, de tenter de perpétuer l'un ou de faire cesser l'autre pour retrouver le sentier de la joie. L'acteur peut être l'étincelle qui donne naissance à un foyer où chacun pourra puiser un peu de chaleur ou d'énergie pour continuer son voyage.
Je pense que l'art doit être au service du peuple et c'est pourquoi il me semble qu'il est inconciliable avec le statut de l'idole, qui est au-dessus du peuple, qui le domine et qui l'humilie, qui se fait servir par lui.Je vois l'artiste comme un ouvrier parmi les autres. Il doit accomplir sa tâche quotidienne de représenter les joies et les souffrances avec sérieux et humilité. Il doit aussi ne pas cesser de chercher, de développer son expérience et ses connaissances et ne pas s'arrêter surtout aux buts et aux moyens que lui donnent le système. S'arrêter, c'est mourir.
(en tendant l'oreille, on perçoit les petits sons d'approbation de Marie Richeux, qui semble écouter avec délices le texte)
(on visualise aussi cette publicité horripilante, aux commentaires vains, matraquée ces dernières semaines, dans laquelle des acteurs hollywoodiens vantent la possession d'une montre à couronne dorée, une de ces montres sans laquelle, après cinquante ans, tu peux être sûr d'avoir gâché ta vie, ah, ah!)
Quelques messages personnels, Folio / Gallimard, Paris, 1973; 2005 (réédition)
mardi 2 décembre 2025
Vivre : les matins paparazzi
C'est après - bien après - que le ciel va s'assagir, rentrer dans les rangs, retrouver ses grisailles et ses nuages blancs. Pour l'instant, il se pomponne et se met sur son trente et un. Il croit pouvoir tout faire, tout essayer, il croit que personne n'est là pour regarder (Les coureurs fluo courent. Les livreurs se dépêchent d'aller livrer. Les écoliers se bousculent sur les escaliers. Les parents se dispersent pour aller travailler.) Alors le ciel se permet mille pitreries. Il se gonfle et se tortille. Il se déroule tout en acrobaties. Personne pour cafter, croit-il, et il se trémousse incognito. Seulement voilà : nous, on est là, P. qui lève la truffe, et moi subjuguée qui suis tous ses ébats, qui le découvre dans tous ses états. On est présents et le ciel déluré ne le sait pas. C'est tout le sel de ces moments-là.
lundi 1 décembre 2025
Lire : la densité des sentiments
Depuis que je suis ici, j'ai lu Battling, le ténébreux, d'Alexandre Vialatte et La Grande Peur dans la montagne de Charles-Ferdinand Ramuz. La bibliothécaire les a choisis pour moi; elle savait déjà que nous allions quitter le bourg. Je ne le lui avais pas dit, et Laurent non plus; nous ne parlons que des livres; elle est très timide. Mais ici, les gens racontent tout. Elle m'a dit : " Ce sont des livres à lire sur une île." Elle a raison. [p.17]
Un petit bouquin. A peine cent quarante pages. On se dit : une courte histoire. Peut-être fini en une après-midi. Et puis on est prise par l'écriture d'une densité rare et d'une beauté à couper le souffle. Tant de choses exprimées, et avec une telle économie de mots que cette sobriété en fait la force absolue. Pas question de lâcher la moindre ligne ou de perdre la moindre description. La narration est construite par le biais de plusieurs voix - à travers des discours, des lettres, des extraits de journaux - constituant chacune de brefs chapitres. A chacun sa focale, son histoire. Il s'agit pour les lecteurs de prêter attention, d'identifier le personnage qui est en train de s'exprimer et qui, en complétant le récit, ajoute à la trame quelque chose de sa propre histoire.
L'histoire ? Une histoire d'amour, intense et pure, simple en apparence, entre une fille trop belle et solitaire qui n'aime que lire et un garçon qui l'aime follement et l'accompagne au bibliobus les mardis en période scolaire. Dans une région reculée, leur maison isolée est simple, comme leur amour. Leur vie s'écoule indifférente aux ragots et aux mesquineries, aux héritages trop lourds.
L'après-midi, Marlène marchait. Elle remontait le cours de la rivière; elle allait au long des plateaux d'herbe rase. Cette marche hors les routes, hors les sentiers par tous les temps, pour rien, sans fusil, sans chien, seule, suffisait à la signaler à l'attention de tous, à l'isoler; plus encore que le reste, que l'extrême pâleur de la peau, le noir des vêtements, l'exubérance des cheveux fauve, l'appartenance à un lointain pays de bord de mer, et ma dévotion. [p.57]
Jusqu'au jour où ...
Un chien blessé. Un vétérinaire qui fait dans le "bétail utile" acceptant étrangement de soigner un si petit animal. Et voici qu'une autre histoire fait irruption avec une brutale évidence. La bascule s'accomplit en à peine deux ou trois pages, juste au milieu du roman. La douleur de la perte court sur le reste du récit. L'histoire d'une passion qui déchire un cœur taiseux.
J'ai quitté la maison. Je n'aurais pas pu sans elle. Je n'y suis retourné qu'une fois. Il ne reste rien. Les choses, les objets sont partis. Nous en avions peu, elle et moi. Elle n'accumulait rien. Elle n'avait pas ces désirs. La maison était vide, mais la lumière était là, et le silence aussi, et la grande vue sur les pays tondus, à bout de ciel. On ne peut rien contre ça. J'ai pleuré. Je n'y retournerai pas. [p.15]
L'épicière, les uns, les autres, les gens; ils parlent, faute de savoir. On ne l'aime pas ici, surtout les femmes. [p.114]
J'apprenais cette douleur de la privation sans la mort. [p.114]
L'auteure déploie un style bien à elle, à la fois sec et précis. Chaque écrivain a ses "tics". Ici, on apprécie la manière réitérée de Marie-Hélène Lafon de scander ses descriptions en une suite de quatre adjectifs ou séquences. Ainsi, la neige : Certains matins, la vraie neige d'hiver nous surprenait, puissante, immodeste, souveraine, silencieuse [p.72] Ou les battements sanguins : J'ai écouté le silence de mon sang qui cognait dans mes veines, continuait, tenace, obtus, épais, sombre. [p.117] Ou encore la description de la vie rurale : c'était trop de solitude et trop d'étendue, trop de vide et trop de vertige. [p.118]
Ce récit raconte-t-il une histoire banale ? La littérature, dans le fond, n'a que faire de la banalité. Il n'y a pas de sujet banal, il n'y a que des manières banales de les aborder. Le travail de la littérature consiste à polir toute réalité d'un éclat particulier. C'est ce que fait l'écrivaine avec cette histoire d'amour sans prestige et sans trop de paroles. Sur ces terres, on n'est pas dans un monde du verbal. On est dans un pays d'intériorité : on y vit, on aime, on désire, on meurt sans rien se dire d'essentiel, sans passer par les mots. Ou si peu. Pourtant on connait des vertiges, on souffre mais rien qui s'exprime vraiment au-dehors. La grande force du récit tient à toutes ces voix avec leurs différents points de vue. Dans ce mode de silence, de gestes furtifs, de manifestations retenues, la complexité des êtres est souterraine et va au delà de ce qu'ils donnent à voir ou à entendre.
La langue, c'est le pays que j'habite.
[Marie-Hélène Lafon / Émission La source / France Inter]
L'écrivaine vient de cette terre. Elle l'a quittée à dix-huit ans, dès qu'elle a pu, sans doute, elle a dû la fuir, probablement, mais on sent qu'elle ne s'en est jamais détachée. On a l'intuition qu'elle décrit tout à la fois ce qu'elle aime et ce qu'elle exècre de ce pays, qu'elle ne cesse de puiser à sa propre source en écrivant. Un court roman. Une grande histoire. Un livre marquant.
Pour écouter l'auteure, c'est ICI
dimanche 30 novembre 2025
Vivre : être un corps
En se souvenant du moment où l'on a pris congé, on se revoit en train de partir dans une sorte d'urgence, une impérative nécessité. Notre être était agité, nos sens nous enjoignaient de vite nous en aller. Ce n'est qu'après, avec recul, en remettant les pièces du puzzle en place, qu'on a réalisé les pouvoirs insoupçonnables du corps : avant, bien avant qu'on n'ait pu poser des mots et des pensées sur ce qui s'était passé, le corps avait compris qu'il était grand temps de se désengager.
samedi 29 novembre 2025
Vivre : comparaisons et déraisons
Photo tirée du net
C'est devant l'alignement impressionnant d'emballages le long des rayons
que j'ai compris pourquoi on nous proposait de gagner toujours plus de temps :
pour pouvoir se choisir une confiture ou des cornichons.
vendredi 28 novembre 2025
Vivre : mélancolies
Portrait de Berthe Morisot à la voilette / 1882 / Edouard Manet / Petit-Palais / Genève
Elle garde la maison. Elle tient à la garder quoi qu'il lui en coûte. Elle veut aussi montrer que sa belle SUV, devant la porte, elle a les moyens de se la payer. Alors, elle loue à ses voisins trois places, histoire d'avoir quelques rentrées (puis elle se fâche s'ils viennent se plaindre de les trouver occupées). Elle a ajusté ses tarifs, elle dit que tout a augmenté. Au magasin du village, elle réclame la réduction de 90 centimes comme indiqué sur la publicité.
Elle se débrouille pour avoir l'air de ne manquer de rien : tatouages, mèches, robot dans le jardin. Elle veut tout garder, même si lui, elle l'a perdu, surtout : parce que lui, elle l'a perdu. Elle tient dur comme fer à conserver tout ce qu'ils ont connu. Elle regarde autour d'elle et dit que c'est le chaos dans la société. Mais, le chaos qui s'empare parfois de sa tête, elle met toutes ses énergies à le cacher.
Debout, dehors, elle grelotte. Elle dit qu'il fait trop froid. Son manque au-dedans est si grand qu'elle n'arrive jamais à le réchauffer entièrement.
jeudi 27 novembre 2025
Vivre : et dansent les couleurs de l'eau
des heures et des heures de pure contemplation :
suivre les striures du lac jouant au gré du vent,
réverbérant les nuages et toutes leurs progressions,
frémir, de l'hiver souverain observer les expirations
mercredi 26 novembre 2025
Vivre : Still life / 183
Durant les humides journées de cette saison, sur la tablette le sel a fait sa réapparition. Eau salée, plutôt chaude, gargarismes et aspirations, selon une méthode éprouvée depuis des générations. Des produits de la pharma ? Des sprays décongestionnants ? Autant que possible : non. Rien qu'une pincée au fond de la tasse, pas d'agression. Juste donner au corps le moyen de se défendre contre les infections. De l'or, du soleil et du vent, un remède aux senteurs d'océan. Ah! si tout pouvait se soigner si naturellement!
mardi 25 novembre 2025
Vivre : Panurge, ô Panurge
Trop dépendre des autres ? Et pourquoi donc?
Prendre critiques, rejets et compliments
pour ce qu'ils sont : d'autrui la simple opinion
(éventuellement parfois, une avisée suggestion)
lundi 24 novembre 2025
Vivre : la course aux changements
Les petits magasins doivent survivre. Sauvons-les.
Nous avons parcouru dans le relatif silence d'une après-midi de novembre la petite ville où nous aimions pendant des années aller prendre un chocolat chaud ou acheter nos légumes sur le marché. Elle a beaucoup changé depuis lors. Elle change de plus en plus, de plus en plus vite. Des librairies et des magasins de bouche ferment, remplacés par des boutiques qui vendent du rien savamment emballé ou des spécialités "locales" à prix exagérés. Les boucheries se transforment en lieux high tech, proposant de la même manière téléphonie et steaks. Les façades et les appartements sont rénovés pour des locations saisonnières. De plus en plus de bars ouvrent leurs portes, pour disparaître au bout de quelques mois ou quelques années. Certains lieux pourtant, comme la librairie Milton, tentent de résister.
sortie libre entrée libératrice //
Nous informons notre clientèle que la météo, l'amour, la faim et la bicyclette
peuvent modifier les horaires d'ouverture et de fermeture de cette librairie //
lire est une fête qui ne se termine jamais
C.
vit à Berlin. Elle parle de tous les cafés et de tous les magasins
traditionnels de son quartier qui tendent à disparaître. C'est une
grande métropole européenne, mais dans le fond on réalise que ce
phénomène touche toutes les villes occidentales. Les boutiques
connaissent un turn over impressionnant, disparaissent au profit
de non magasins, vendant des non choses, de l'inutile, du vent. Des
objets voués à être très vite mal aimés, déconsidérés. Comme on n'a pas
considéré les gens qui les ont fabriqués, pas plus qu'on n'a d'égards
pour ceux qui les vendent et la clientèle qu'on cherche par tous les moyens à appâter (tous ces rabais sous condition de deux ou trois articles achetés).
Les vitrines de nos villes parlent de nous. Elles sont le miroir de nos valeurs et de nos pensées. Elles évoquent notre avenir en même temps qu'elles voudraient effacer notre passé. Heureusement qu'il y a encore des marchés hebdomadaires où les locaux peuvent se retrouver, où des liens se tissent autour d'essentiels échanges et de providentiels conseils. Et, heureusement, qu'on trouve, ça et là, quelques irréductibles librairies pour résister.
dimanche 23 novembre 2025
Regarder : retour en enfances
Endless Love / 2018 / 18 panneaux de jute
Au nom du père / 5 sculptures en vétrorésine, ciment et terre
A Alba, dans la très belle église de San Domenico, Valerio Berruti, un enfant du pays, présentait trois installations, faisant suite à l'exposition du printemps à la Fondazione Ferrero et à celle qui se tient encore pour quelques jours au Palazzo Reale de Milan.
Il s'agit des oeuvres : En silence // Endless love // Au nom du père. L'artiste revient souvent sur des thèmes qui lui sont chers : l'enfance, et ce qu'elle peut nous révéler sur notre humanité au sens large, l'avenir de notre planète, la place laissée à tous les êtres qui l'occupent, le sort réservé aux migrants.
Le soir, tandis que nous dînions dans un restaurant plutôt intéressant, j'ai observé les dessins, à peine esquissés le long d'une paroi, qui traçaient les portraits de quelques habitants du village. L'air de rien, au moyen d'un trait un peu naïf, la fresque rendait hommage à tous ces gens travailleurs, ancrés dans leur terre. J'imagine que les personnages représentés pouvaient très bien se reconnaître et qu'il leur arrivait parfois de venir s'attabler là, en famille lors de quelque événement à fêter.
Et puis je me suis souvenue que, parcourant les ruelles de ce tranquille village des Langhe, aux premières heures de l'aube, je passais régulièrement devant une église qui paraissait abandonnée, avec quelques sculptures d'enfants devant son portail. Des enfants un peu désolés, un peu décrépis, dont la vision rendait triste sans vraiment savoir pourquoi, peut-être parce qu'ils paraissaient abandonnés sur leur bloc de ciment. J'ai appris l'autre jour que cette église déconsacrée tient lieu d'atelier à Valerio Berruti. C'est là qu'il travaille quand il n'installe pas ses œuvres in situ. J'ai ensuite visualisé la salle du petit-déjeuner de notre hôtel, où se trouvait une de ses tapisseries, placée juste au-dessus de la grande table de service. En dégustant le café au goût puissant, servi dans de belles cafetières argentées, j'interrogeais du regard l'enfant représenté, un enfant sage - ou peiné - qui attendait patiemment sous les beaux stucs de la salle en prenant la poussière.
Photo tirée d'un reportage sur l'artiste par Espoarte
L'artiste semble connaître un grand succès dans sa région natale, ainsi qu'ailleurs en Italie. On fait appel à lui pour diverses manifestations, ou illustrations. Il reçoit des commandes provenant des pouvoirs publics ou de privés. Ses œuvres, qui semblent au prime abord très consensuelles - certains diraient : faciles - véhiculent un charme au langage universel, lequel - à moins de lasser - peut finir par opérer. On se demande si leur auteur va rester cantonné dans un registre local ou si son art prendra un jour son envol, comme tous les enfants aux bras grand ouverts qu'il ne cesse de représenter.
samedi 22 novembre 2025
Vivre : se lancer
Salomé avec tête St Jean-Baptiste (détail) /Alonso Barruguete / Gallerie Uffizi / Firenze
Tu hésites ? Tu doutes ? Tu tergiverses ?
Quoi faire, mais quoi faire si rien n'est sûr ?
Fais comme si. Simplement comme si.
vendredi 21 novembre 2025
Vivre : faire vs être
On rencontre parfois des gens : des anges, de véritables anges
(tout le contraire de ceux qui s'efforcent de faire de l'angélisme)
jeudi 20 novembre 2025
Vivre : question proportions
Il y a eu la période 90/10, durant laquelle la forêt résistait, se montrait jolie, frémissante, empourprée. Puis, la période 50/50, avec des virevoltes lentes et cadencées, des camaïeux mordorés, des visions enchantées, des paysages ajourés. Maintenant, on est arrivés à la période 10/90, dix vaillantes irréductibles contre nonante démissionnaires, celle où nos pas dans les feuillages braillards se font tapageurs. Si les arbres dénudés semblent décharnés, on récupère de vastes étendues de lac et des tapis épais. La nature fait sa mue à l'envers, déploie de grands papillons de lumière, invite à célébrer les rigueurs et les charmes de l'hiver.
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