lundi 27 novembre 2017

Lire : Marguerite, Yasmina et le silence




Jeanne Moreau et Lucia Bosè sur le tournage de Nathalie Granger / M. Duras


L'autre soir, Yasmina Reza était interviewée à l'Heure Bleue. A un certain moment, Laure Adler a diffusé une archive où l'on entendait s'exprimer Marguerite Duras et a demandé à l'auteure de Conversations après un enterrement ce qu'elle pensait de cette femme, qui comme elle, avait écrit pour le théâtre, le cinéma et la littérature.

C’est étrange, Marguerite Duras, parce que…je la mets pas du tout dans mes écrivains préférés, objectivement.[…] J’ai beaucoup de respect pour elle. Et surtout pour une chose très particulière. Là où je pense qu’elle a été très grande, et où je lui dois, c’est que, selon moi, elle a introduit une forme de silence en littérature. Et le silence qu’elle a introduit, elle, et que moi j’ai trouvé avec ses livres, même si je ne les aimais pas sur le plan du sens, du fond, de l’histoire autant que ça, ça m’a permis à moi, ça m’a autorisée, non pas à la copier, mais à m’en inspirer, donc c’est très fort quand quelqu’un est un guide, même technique, et moi je mets la technique très très haut.

Et quand je l’entends parler, c’est drôle, je trouve qu’elle parle mieux qu’elle n’écrit presque. Elle a une sorte de poésie de la parole très très grande. 

En écoutant ces propos, je me suis alors souvenue que la question du silence m'avait aussi frappée chez Marguerite Duras. Dans cet extrait de La vie matérielle, il y avait sa manière particulière d'évoquer le silence de l'absence 


A Neauphle, souvent, je faisais de la cuisine  au début de l’après-midi.
Ça se produisait quand les gens n’étaient pas là, qu’ils étaient au travail,
ou en promenade dans les Etangs de Hollande, ou qu’ils dormaient dans les chambres.
Alors j’avais à moi tout le rez-de-chaussée de la maison et le parc.
C’était à ces moments-là de ma vie que je voyais que je les aimais et que je voulais leur bien.
La sorte de silence qui suivait leur départ je l’ai en mémoire. 
Rentrer dans ce silence c’était comme entrer dans la mer. 
C’était à la fois un bonheur et un état très précis d’abandon à une pensée en devenir,
c’était une façon de penser ou de non-penser peut-être, – ce n’est pas loin – et déjà, d’écrire.


L'Heure bleue / France Inter / 22 novembre 2017

2 commentaires:

  1. C'est beau ces rencontres subtiles entre écrivaines.
    D'âme à âme, en quelque sorte.
    Pour moi, Yasmina Reza, c'est Art, la pièce la plus jubilatoire que j'aie vue ces vingt dernières années.
    ¸¸.•*¨*• ☆

    RépondreSupprimer
  2. Art est une pièce que je ne connais pas. J'essaierai de la voir... ou de la lire prochainement, car le sujet a l'air passionnant. Et drôle! Belle soirée à toi! D.

    RépondreSupprimer