mercredi 20 juin 2018

Vivre : Still life / 47





Quand on y pense : tous ces gens qu’on croise, l’espace d’un moment, avec lesquels on partage un trajet, une visite, une table, et qui s’en vont qu’on ne reverra jamais qui s'effaceront de notre mémoire ... tels des oiseaux de passage dont nous aurons été les compagnons volages ...

Parvenir à entrer dans ce monastère tenait du miracle, les horaires de visite demeurant un mystère épais, autant pour les employés de l’office de tourisme que pour les riverains. Nous nous étions précipités en voyant la porte ouverte. Il arrivait de Tokyo et bredouillait quelques mots d’anglais. A la porte, la vieille religieuse l’a toisé du haut de son mètre quarante et l'a informé d’un ton docte qu’elle ne parlait pas cette langue : qu’il veuille bien se débrouiller.
Enrobée dans toute sa virginale sévérité, voile bleu nuit, regard réprobateur dirigé contre toute tentative de questionnement, elle a entrepris de scander son maigre texte d’un ton monochrome, tandis que j'essayais de traduire et d’expliquer à notre ami nippon que la peinture à fresque des absides visitées était liée à l’atelier de Giotto, dont il se réjouissait d'aller visiter une fameuse chapelle le lendemain. Ayant terminé d’égrainer sa litanie, elle a énoncé : une seule photo ! il y a des cartes postales à l’entrée ! avant de pointer de l'index la boîte où déposer nos oboles.

A la sortie, je m'apprêtais à enfourcher mon vélo, quand il m'a tendu cet emballage en souvenir. Je suppose qu’il s’agit de dessous de verre, dont je n’ai pas le moindre besoin, et que c’est une reproduction d’Hokusai, ou d’Hiroshige qu'on voit imprimée dessus. Depuis mon retour, je n’ose ni ouvrir ni jeter le sachet. Je le garde encore vingt-quatre heures pour ne pas oublier la nonne aride, les fresques de San Antonio in Polesine, et le Japonais qui souriait. Le sachet s'en ira dès demain dans la corbeille à papier.

2 commentaires:

  1. Coucou ma Dad. Faut-il vraiment le jeter? Peut-être l'utiliser pour perpétuer encore le souvenir?

    Quant à la nonne désagréable, elle me rappelle une autre guide dans un château dans les environs de Parme. Les horaires de visite étaient réduits au minimum, le prix d'entrée exorbitant, les explications données en italien et même pas en anglais et je me suis fait engueuler dès les 5 premières minutes car j'avais mon appareil de photo... en bandoulière. J'étais tellement fâchée de l'accueil et de la manière de faire de la dame que je n'ai donné aucun pourboire à la fin. Insupportable de voir ces guides déblatérer sur un ton monocorde des informations trouvées sur Wikipédia...

    Et me vient alors à l'esprit: "pauvre nippon qui a fait autant de kilomètres pour pas grand-chose..."

    Bises alpines.

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  2. Cette nonne, c'était un poème... après coup, j'ai réalisé que je l'avais déjà vue, au même endroit, il y a plus de vingt ans, toujours la même attitude, et la même voix monocorde... quant au Nippon, il faut dire que les fresques étaient dignes d'intérêt et que le lendemain, il allait découvrir la cappella Brancacci à Padoue, de quoi le réjouir.
    A propos, et dans un tout autre sujet, il y a une émission qui pourrait t'intéresser en podcast : https://www.franceinter.fr/emissions/l-heure-bleue/l-heure-bleue-19-juin-2018. JE Atwood semble une photographe très très intéressante. Me réjouis de la voir à Arles. Belle journée, chère Dédé!

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