lundi 6 juin 2016

Lire ou habiter : quelque part dans l'espace





Georges Perec est un écrivain qui me touche infiniment. Ses écrits sont à la fois délirants, invraisemblables, drôles, poignants, émouvants, inventifs. C'est un créateur sérieux qui ne se prenait pas au sérieux. Quand je le lis, je sens tellement émerger l'enfant qu'il était, j'éprouve une telle tendresse, que, survolant le temps et l'espace, j'ai envie d'arriver jusqu'à lui, où qu'il soit, et de le serrer dans mes bras.


J’aimerais qu’il existe des lieux stables,
immobiles, intangibles, intouchés et presque
intouchables, immuables, enracinés ; des
lieux qui seraient des références, des points
de départ des sources :

Mon pays natal, le berceau de ma famille,
la maison où je serais né, l’arbre que
j’aurais vu grandir (que mon père aurait
planté le jour de ma naissance) le grenier de
mon enfance empli de souvenirs intacts…

De tels lieux n’existent pas, et c’est parce
qu’ils n’existent pas que l’espace devient
question, cesse d’être évidence, cesse d’être
incorporé, cesse d’être approprié. L’espace
est un doute : il me faut sans cesse le marquer,
le désigner, il n’est jamais à moi, il ne
m’est jamais donné, il faut que j’en fasse la
conquête.


G. Perec, Espèces d’espaces, 1974

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