lundi 28 août 2017

Voyager : la chaise musicale


 "Prima donna" / 22.08.17 / Barbara Grazzini, Silvia Felisetti, Susie Georgiadis,



La nuit venait de tomber. Nous avons obtenu la dernière table libre car le concert allait débuter. Ce soir-là sur la piazza: un spectacle consacré à « la Callas», avec trois cantatrices pour donner de la voix. Devant nous, une longue table avait été réservée par un groupe d’amis, qui se sont retrouvés, embrassés, congratulés, et empressés de discuter. Bien vite, ils ont fait circuler leurs smarphones et ont commenté leurs messages durant toute la soirée. Ils avaient à leurs pieds un tout petit chien apeuré, tandis qu'un peu plus loin, un autre clébard se mettait régulièrement à aboyer.. 
Un couple de sexagénaires aux longs cheveux gris nous a demandé si la chaise devant nous était libre. Ils semblaient avoir fait il y a très longtemps un voyage à Katmandou et ne l’avoir jamais vraiment oublié. La femme a sorti de son sac indien un cahier de mots croisés et ne l’a pas lâché de toute la représentation, tandis qu'elle se faisait masser les pieds par son compagnon. Un peu plus tard, ils se sont déplacés vers une petite table qui s’était libérée.
Une très très vieille dame, accompagnée de sa fille, s'est alors approchée. Elle s’est assise sur la chaise en attendant qu’on lui trouve une place plus proche de la scène. C’était une dame très maigre et très sourde, qui souriait à chaque fois que sa fille lui caressait la joue. Elle posait sur la place un regard éperdu, comme si elle était étonnée d’être là, tout en tenant fermement sa fille par le bras.
Quand elle a quitté la chaise, un couple de touristes espagnols l’a accaparée. L’homme, très vite, s’est énervé contre la tablée d’à-côté : chut chut, leur lançait-il avec de grands gestes des bras. Le groupe d’amis n’a pas paru plus impressionné que ça et l’homme, l’homme qui apparemment appréciait les artistes sur scène et la divine Diva, se désespérait, se plaignait auprès de son épouse, laquelle assistait impassible à son drame mélomane.
Ils ont enfin déniché deux sièges en contrebas. A ce moment-là, une petite fille aux cheveux crépus a été assise avec autorité sur la chaise par son père, qui avait quelques amis à saluer. La petite (trois ans à tout casser mais vive comme une chèvre) n’a pas tardé à se lever et à aller quémander à toutes les tables des olives vertes dont elle semblait raffoler. Le père est venu la récupérer et l’a assise d’emblée sur son vélo tandis qu’elle suçotait une dernière olive dénoyautée. 
Le serveur allait et venait, apportant gelati et cafés. R., comme le touriste espagnol, s'était pris d'admiration pour les deux jeunes sopranos. Ils se sont levés pour aller les photographier. 
Un groupe d’adolescentes en short est venu poser sacs et casquettes sur la chaise abandonnée. Elles rigolaient en se racontant leur été, leurs bronzages, leurs ravages. Leurs gloussements se fondaient dans les trémolos de la Tosca.

A la fin du spectacle, nous avons longuement applaudi, nous avions vraiment apprécié.Nous étions tous ravis: quel beau spectacle, quelle merveilleuse soirée ! C’était une nuit étoilée, une belle nuit d’été. Lentement, nous nous sommes tous dispersés tandis que le serveur remettait la chaise en place et desservait les tablées. 

2 commentaires:

  1. Groumpf...= cri de Dédé en colère. Je suis toujours effarée de voir comme certaines personnes se croient seules au monde. Comme s'il n'existait qu'elles et que tout devait tourner autour d'elles. Dans un irrespect total de ce qui se passe autour.

    Cela me rappelle un concert de Nouvel An dans une station huppée. La Scala de Milan était l'orchestre invité. Nous avions payé cher notre sésame pour un tel moment. Et dans la salle je pense que la moitié des personnes présentes n'avait que faire de la divine musique mais n'était là que pour être vue et pour l'apéritif qui suivait. A côté de nous un homme déjà âgé et donc sourd...qui parlait tout du long avec sa femme bardée de bijoux et de maquillage clinquant. Et devant un homme mélomane qui poussait des chuts retentissants jusqu'à ce qu'il insulte le couple. Cela en était presque drôle. Et triste aussi. Et m'avait beaucoup énervée et fait rire à la fois. Mais à la fin...tout le monde a applaudi et standing ovation. Drôle de monde. Bisous ma chère Dad.

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  2. R. a failli se mettre en colère comme toi. Moi, je me suis dit que j'assistais non pas à un, mais à deux spectacles. C'était un ensemble de saynètes, qui se déroulaient en parallèle. Les Italiens ont l'air de trouver ça tout à fait normal. C'est la vie, pensent-ils(j'ai même pu observer des événements similaires durant certaines messes à Rome, les enfants qui courent, les mères qui commentent, les grands-pères qui sortent fumer un cigarette, la porte qui grince). Ils rient, ils s'amusent. ça donne un ensemble animé, joyeux, dont la vulgarité et le manque de respect ne sont jamais absents. Il faut dire que le concert était gratuit, c'était une manifestation populaire. Ce qui n'excuse pas la grossièreté des gens penchés sur leurs smarphones et se montrant leurs photos durant toute la soirée. Belle journée, Dédé!

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