mercredi 21 septembre 2016

Voyager : à l'origine




Ce qui va de pair avec la douce lumière de l'automne, avec les frissons du soir, avec l'apparition des courges et la disparition des hirondelles, c'est le plaisir intense de repartir à la mer, pour les dernières brasses de l'année.

Demain, nous partirons à l'aventure, vers une région où je ne suis jamais allée, si proche pourtant de ma terre natale, juste à quelques encablures. Et peut-être, si l'envie me prend, si le besoin deviendra trop pressant, qu'on fera un détour. J'irai alors fleurir quelques tombes dans un village oublié, déserté de la plupart de ses habitants. Je sais que les vivants se désintéressent de ces murs reconstruits et sans âme. Je sais que ma maison natale n'est plus, qu'elle s'est écroulée il y a bien longtemps, Je sais aussi que je sillonnerai des paysages de mon enfance, de mon adolescence, qui n'auront plus aucun lien avec mes souvenirs. Je sais que j'ai peu de chance d'entendre les sons de ma langue maternelle, que Pasolini aimait tant et qui est devenue décidément trop vernaculaire. Je sais que dame mélancolie sera du voyage.

Je sais que je penserai une nouvelle fois à mes racines, je m'interrogerai sur le sens de ma vie. J'aurai une pensée pour tous ceux qui ont travaillé cette terre ingrate, pour ceux qui l'ont quittée en cherchant des Amériques, pour ceux qu'on a fusillés tandis qu'ils défendaient leurs pauvres biens. Mon histoire et l'Histoire se croiseront dans ce petit cimetière où tous les noms me parlent et que je retourne fleurir de temps en temps.

Tornant al país
 
Fantassuta, se i fatu
sblanciada dongia il fòuc,
coma una plantuta
svampida tal tramònt,
"Jo i impiji vecius stecs
e il fun al svuala scur
disínt che tal me mond
il vivi al è sigúr".
Ma a chel fòuc ch'al nulís
a mi mancia il rispír,
e i vorès essi il vint
ch'al mòur tal país.


Pier Paolo Pasolini, Poesie a Casarsa (1941-1943)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire