mercredi 22 août 2018

Voyager : l'obsession de la ligne droite



Maître de Naumburg / env. 1250 / Cathédrale /Bamberg

Étonnant pays, où la voiture est reine : difficile de croiser une auto un brin rouillée, sale ou cabossée. Les grosses cylindrées sont légion. Ici, l'efficacité est un maître-mot. Aller d'un point à un autre signifie aller droit au but. Nous découvrons que les autoroutes sont gratuites. La vitesse autorisée est de 130 km/heure, cette limitation est levée sur certains tronçons. Elles fendent les champs voués à la monoculture ou parsemés d'éoliennes, paraissent creuser des tunnels à la machette à travers de larges forêts, évitant soigneusement les centres urbains. C'est à peine si, de loin en loin, on aperçoit quelques habitats.
Le message est clair : ici, l'objectif est prioritaire, il doit être atteint vite et bien. Je comprends mieux ces voisins qui se vantent d'avoir relié en neuf heures notre village à Berlin.

Nous aimerions découvrir la région, ses particularités. Nous tentons une ou deux échappées, mais notre GPS nous ramène inexorablement à la bretelle la plus proche. Nous regrettons de ne pas nous être munis d'une carte (peste soit ce raccourci mental qui nous ferait désormais croire que la navigation assistée est à même de remplacer une bonne vieille carte routière. Cette assistance à utilité limitée nous désoriente. Elle fait de nous des abrutis, des aliénés, des obligés, contraints de suivre ses ordres, sans plus pouvoir relier rien à rien.)

Pauvre système où l'on doit savoir avant d'être arrivé ce que l'on veut et ce l'on cherche. Dans tout périple, tout trajet, ce qui compte, n'est-ce pas le chemin, les essais, les erreurs, les heureuses surprises? Le temps gagné rétrécit nos perspectives et nous prive d'une chose essentielle : la part d'ouverture qui constitue l'essence même du voyage.

Étonnant pays, où nous rêvons de nous perdre, où nous éprouvons des envies d'école buissonnière. Nous délaissons le GPS, en nous disant que nous pourrons suivre les panneaux indicateurs. Que nenni ! Ceux-ci n'indiquent que des villages ou centres situés à moins de dix kilomètres. Inutile de tenter grâce à eux de joindre une bourgade ou une ville plus éloignée. Inutile aussi d'interroger des autochtones : ils n'indiqueront que l'entrée la plus proche permettant de galoper dans le grand boyau où se déversent tous ceux qui se rendent quelque part et veulent y arriver dare dare.

Étonnant pays, aux indications si précises, aux routes si fiables, aux lignes si droites qu'à l'arrivée il semble s'être perdus en chemin.


1 commentaire:

  1. "L'essentiel n'est pas la destination mais la route qui y mène." Citation de Maître Dédé Zen.

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