dimanche 14 juin 2020

Regarder : les ombres, le vide, l'absence


Ville d'Orleans / 1950 / Fine Arts Museum of San Francisco

La maison du capitaine Kelly / 1931 / Whitney Museum of American Art / New York

Hopper peint des maisons assez âgées pour raconter des histoires, ou éveiller des sensations et des souvenirs enfouis. La question de savoir si ce sont de bons ou de mauvais esprits qui habitent ces bâtiments demeure en suspens.
Edward Hopper / Légende de l'exposition / Fondation Beyeler

Dans les toiles de Hopper, il fait jour, mais c'est comme si c'était la nuit. Il ne se passe rien, mais on s'attend au pire. Une sourde angoisse monte. Un sentiment de malaise. Des stores baissés, une absence totale de communicabilité. Les yeux se perdent vers un avenir qui ne vient pas. Les horizons semblent bouchés, les perspectives (et la perspective) déglinguées. Le noir côtoie l'acidulé.
Dans les toiles de Hopper, les ombres menacent. On pressent (on fabule?) un danger. On cherche en vain un lieu où se poser. Le regard scrute, déstabilisé, désespère de trouver une ouverture, une porte, une rencontre, une invite à entrer.

Cage d'escalier / 1949 / Whitney Museum of American Art / New York

(dire que pendant une bonne décennie la mode était aux couvertures de livres qui reproduisaient une toile de ce peintre. Dire que ses œuvres poussaient à lire. Ou du moins : à acheter.)
(aimer ou ne pas aimer Hopper n'est pas la question. Devant ses toiles, observer et laisser monter les impressions. Et puis chercher ce qui, dans la palette, la composition, le rendu suscite nos attractions et nos répulsions. Car il faut l'admettre : Hopper laisse rarement indifférent.)

8 commentaires:

  1. Bonjour Dad.
    J'aime beaucoup Hopper, son oeuvre est intemporelle... la preuve, ici plantée dans le confinement :)
    Interessante analyse, comme toujours... merci Dad.

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    1. Il y avait aussi dans l'expo un film de Wim Wenders, qui montrait combien cette œuvre est inspirante pour le cinéma. Voici un lien, si ça t'intéresse : https://www.youtube.com/watch?v=jcf2RcLTZcs
      Je n'avais jamais vu les choses comme ça avant, mais c'est vrai que ce sont des tableaux qui poussent à se raconter des histoires, des tas d'histoires.

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  2. Coucou. Il faut vraiment que je pousse jusqu'à Bâle pour voir cette expo et retrouver le cadre enchanteur de la Fondation Beyeler. J'ai revu dernièrement le film "Paris, Texas" de Wim Wenders. Les images sont superbes et rappellent ces tableaux de Hopper, où les personnages semblent perdus entre rêve et mélancolie. La dernière scène, lorsque Harry Dean Stanton regarde les retrouvailles de son fils avec sa mère est incroyablement triste et belle à la fois, comme un tableau de Hopper. Belle soirée.

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    1. "Paris, Texas", film mythique. Où les prises de vue rappellent des tableaux de Hopper. Des tableaux animés, avec des histoires qui avancent et qui finissent bien. Bonne visite (malgré les préréservations obligatoires, opter pour un jour de semaine, le midi, car l'expo prolongée attire les foules). Bon lundi.

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    2. Et que dire sur la musique de "Paris Texas"

      https://www.youtube.com/watch?v=X6ymVaq3Fqk&list=RDX6ymVaq3Fqk&start_radio=1&t=1

      Sur ces notes
      qui s'étirent en seconde
      d'infini

      Nous laissant entrevoir
      du bout des doigts
      l'épaisseur du temps qui s'écoule

      Quelle autre musique aurait pu aussi bien mettre en valeur
      ces paysages d'infinis
      où le temps s'est arrêté ?

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    3. Tu décris très bien le mariage parfait entre cette musique et les images. La musique qui évoque l'intensité des sentiments, de la tristesse et de l'espérance. La profonde humanité de tous les personnages aussi. Aucune autre musique, en effet, n'aurait été possible. Beau lundi.

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  3. C'est vrai que les toiles de Hopper ne laissent pas indifférent. Peut-être parce que l'on voudrait savoir ce que pensent ses personnages qui sont comme figés sur une réflexion que nous ne connaîtrons jamais ?

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    1. Ce phénomène m'arrive souvent devant une toile : que se passe-t-il chez ces "personnes" représentées ? A quoi pensent-elles ? Qu'est-ce qui les préoccupe ? Chez Hopper, je sens pourtant les gens particulièrement seuls, isolés, perdus, comme écrasés par l'existence...
      Je te souhaite une très belle semaine, chère Françoise.

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