- En ce moment, y'a rien qui.. c'est comme si j'étais dans ...
- Dans une autre dimension ? Moi j'appelle ça "la dimension tragique".
- J'ai l'impression que je peux en parler à personne, parce que les gens me disent : ça va passer. Mais je sens bien que ça passe pas.
Ma sœur, elle appelle ça "mes petites angoisses".
- Y a des gens qui sont mal à l'aise avec la dépression des autres.
- Mais je préfère : "la dimension tragique".
- Ça sonne mieux, hein ?
(petit dialogue entre Juliette et Polux en début de film)
Les salles dignes de ce nom se trouvent juste en face, de l'autre côté du lac, mais ces derniers temps elles ont proposé peu de films suffisamment intéressants pour justifier les 70 bornes aller-retour. De Camille Jourdy, j'avais apprécié la trilogie "Rosalie Blum". Je me souviens l'avoir beaucoup offerte. Quand l'adaptation cinématographique est sortie, je l'ai trouvée à la hauteur (avec entre autres Noémie Lvovsky, parfaite incarnation de Rosalie).
Par la suite, je me suis ruée sur la bd Juliette. Les fantômes reviennent au printemps, et là, grosse déception. Je n'avais pas pu entrer dans le bouquin. Je l'avais oublié très vite quelque part. Ce n'était peut-être pas le bon moment, ni la bonne histoire (une jeune femme dans le creux de la vague quitte Paris pour aller passer quelques jours dans sa famille en province). Je suis donc partie voir ce Juliette-ci avec quelques hésitations, mais elles se sont très vite dissipées : le film s'est révélé très subtil dans l'art de traiter des thèmes graves avec légèreté. Poétique, inventif, porté par d'excellents acteurs, il est tellement attachant qu'il m'a donné l'envie de retourner au roman graphique pour lui laisser une seconde chance. Comme quoi, les adaptations peuvent servir à mettre en valeur les œuvres originales.
Au Book Club, la semaine dernière, Camille Jourdy et la cinéaste Blandine Renoir étaient invitées à expliquer leur travail. Une occasion de parler des familles et de leurs tables de fête, de la dépression en tant que "dimension tragique" de la vie, des hommes qui vont piano piano, d'amants courant nus au fond d'un jardin et des animaux en tant qu'indispensables protagonistes du septième art. Une occasion aussi de mettre en lumière les mécanismes de la création, des collaborations et des adaptations. Passer d'un medium à un autre signifie forcément réinterpréter, traduire dans un autre langage, poser son empreinte sans trahir. L'autrice du roman graphique et la cinéaste se sont retrouvées pour élaborer la touche finale du scénario. On apprend aussi que c'est la main de Camille Jourdy qu'on voit quand l'héroïne - présentée comme un dessinatrice dans le film et interprétée par Izïa Higelin - se met à croquer son entourage.
Le résultat : une œuvre tout public sans être mièvre, évoquant les grisailles de la vie tout en étant multicolore, très réaliste avec une grande part d'enfance et d'imaginaire, invitant chacun à ne craindre ni ses passages à vide ni l'exploration de ses fonds de placard. Un film qu'on aimera revoir.
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