Début octobre (ou fin septembre, je ne sais plus) ce fut, au centre de Padoue, une jeune femme peu inspirée, qui me raconta n'avoir pas pu partir en vacances, pour des motifs qui se perdirent dans de nombreux soupirs et, qui, rappelée ensuite par sa collègue pour que je lui remette une pièce en guise de pourboire, me tendit une main absente, une main qui semblait soupirer elle aussi.
Il y a trois jours, dans cette ruelle animée, pas très loin de l'appartement que nous occupions, j'avoue que j'avais descendu avec quelque appréhension les six ou sept marches qui menaient au Kapsalon. Pour tout dire, c'est le panneau sur le trottoir, avec ses tarifs ridiculement bas, qui avait retenu mon attention. La ville regorgeait de salons trendy, à la décoration faussement négligée, qui devaient pratiquer des prix inversement proportionnels à leur sobriété apparente. Mais celui-ci paraissait à la fois paisible et particulièrement attractif.
Hop, courage, je suis entrée.
Il était petit. Râblé. Il m'a dit être Irakien. Et Arménien aussi (j'ai pensé : c'est possible, ça ? en maudissant mes lacunes géopolitiques). Très vite, une fois que j'eus refusé un café et qu'il eut pris note de ma demande, le silence s'est installé, pesant comme un lavabo de faïence. Je me suis retrouvée figée, en état de totale soumission.
Tant qu'il a coupé, je l'ai suivi du regard, j'avais encore le sentiment - certes faible, mais réel - de l'avoir à l’œil. C'est quand il a empoigné d'un geste péremptoire le foehn que j'ai définitivement perdu le contrôle. Un tsunami s'est abattu sur moi. J'ai dû fermer les yeux. Je me suis sentie secouée par des vents contraires et violents. Cramponnée aux accoudoirs, j'aurais presque dit une dernière prière.
ça a duré... je ne sais pas le temps que ça a duré. Mais quand j'ai pu enfin croiser mon regard dans le miroir, j'ai vu avec soulagement que j'avais survécu et que, ma foi, ma tête aussi. J'ai eu l'impression de retrouver ma crinière d'ado, avec sa frange et sa désinvolture.
N'ayant jamais réussi à me fidéliser un coiffeur, je sais que je vis dangereusement et que, toutes les six semaines environ, je risque ma tête.
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