mardi 5 septembre 2017

Lire : Memoria



Arte diffusait l’autre soir un documentaire consacré à Leone Ginzburg, professeur, éditeur, journaliste piémontais d’origine russe. Opposant au fascisme, il n’avait pas trente-cinq ans, quand il fut torturé à mort dans la prison romaine de Regina Coeli, en février 1944. Incroyable comme sa brève existence a pu être riche en rencontres, en écrits, en pensées, en engagements. Sa toute jeune femme, Natalia, qui l'avait rejoint à Rome, loin de leurs familles et amis, a été la seule personne autorisée à voir sa dépouille. Elle, qui deviendra par la suite un des grands écrivains italiens, a écrit ce poème, Memoria, en souvenir de son époux assassiné. 


Gli uomini vanno e vengono per le strade della città.
Comprano cibi e giornali, muovono a imprese diverse.
Hanno roseo il viso, le labbra vivide e piene.
Ti chinasti a baciarlo con un gesto consueto.
Ma era l'ultima volta. Era il viso consueto.
Solo un poco più stanco. E il vestito era quello di sempre.
E le scarpe eran quelle di sempre. E le mani erano quelle
Che spezzavano il pane e versavano il vino.
Oggi ancora nel tempo che passa sollevi il lenzuolo
A guardare il suo viso per l'ultima volta.
Se cammini per strada nessuno ti è accanto.
Se hai paura nessuno ti prende la mano.
E non è tua la strada, non è tua la città.
Non è tua la città illuminata : la città illuminata è degli altri.
Degli uomini che vanno e vengono, comprando cibi e giornali.
Puoi affacciarti un poco alla quieta finestra
E guardare in silenzio il giardino nel buio.
Allora quando piangevi, c'era la sua voce serena.
Allora quando ridevi c'era il suo riso sommesso.
Ma il cancello che a sera s'apriva resterà chiuso per sempre;
E deserta è la tua giovinezza, spento il fuoco, vuota la casa. 

***

Les hommes vont et viennent dans les rues de la ville.
Ils achètent de la nourriture et des journaux, ils vaquent à diverses tâches.
Ils ont un visage coloré, des lèvres brillantes et pleines.
Tu t’’es penchée pour l’embrasser, comme à ton habitude.
Mais c’était la dernière fois. C’était le visage habituel.
Juste un peu plus fatigué. Et le costume était celui de toujours.
Et les chaussures étaient bien les siennes. Et les mains étaient celles
Qui rompaient le pain et versaient le vin.
Aujourd’hui encore tandis que le temps passe, tu soulèves le drap
Pour regarder son visage une dernière fois.
Si tu marches dans la rue, personne n’est à tes côtés.
Si tu as peur, personne ne te tient par la main
Et ce n’est pas ta rue, ce n’est pas ta ville.
La ville illuminée n’est pas ta ville : la ville illuminée appartient aux autres.
Aux hommes qui vont et viennent, achetant de la nourriture et des journaux.
Tu peux te pencher légèrement à la paisible fenêtre
Et regarder en silence le jardin plongé dans l’obscurité.
Autrefois, quand tu pleurais, il y avait sa voix sereine.
Autrefois, quand tu riais, il y avait son rire atténué.
Mais le portail qui s’ouvrait le soir restera fermé à jamais,
Et ta jeunesse est désertée, le feu éteint, la maison vide.

Natalia Ginzburg /1944

(traduction libre)


2 commentaires:

  1. Bouleversant... Quand on lit ce genre de poème et qu'on connaît cette histoire, cela permet de relativiser beaucoup de choses. Bises alpines et belle journée ma chère Dad. Je t'écris un mail dans la semaine.

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    1. De bonnes nouvelles j espère ? Suis sur les routes pour quelques jours, mais je m arrangerai pour te lire. Inch Allah. Que tes recherches soient sur la bonne voie!belle soirée, D.

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