GRAFT / avec Marianne Birthler
Lors de l'avant-dernière Biennale de Venise, le pavillon allemand était l'un des plus intéressants. Son thème était : "Unbuilding Walls" (une réalisation en rapport avec le thème de l'année : Freespace). Dans un premier temps, l'exposition se focalisait sur le Mur de Berlin. Les spectateurs étaient confrontés à une implacable paroi noire, qui pourtant, selon la perspective dans laquelle elle était considérée, comportait des ouvertures. On se rendait compte à mesure que l'on s'approchait que l'on pouvait évoluer entre les différents panneaux et chacun exposait en son verso diverses données sur fond blanc (des éclairages sur des événements ayant jalonné les vingt-huit ans d'existence du Mur européen).
Ensuite, il y avait un autre espace, une longue paroi blanche que des miroirs semblaient prolonger à l'infini et qui contenait le "Mur des opinions". Sur une série de six écrans, on voyait se succéder des personnes qui vivaient des deux côtés de frontières ou de séparations élevées par le biais de murs ou de barbelés (elles étaient filmées à Chypre ou à Ceuta, au Mexique et aux États-Unis, en Irlande, en Corée du Nord et du Sud, dans la bande de Gaza).
Les gens se tenaient debout et témoignaient de leur vécu. De la peur et de ce qui se trouvait de l'autre côté de leur peur. Chacun invoquait ses raisons et les légitimait par sa vision et son appartenance à une réalité bien particulière. C'était impressionnant, cette expérience des frontières, des blocages, des séparations. Cela provoquait chez les visiteurs toutes sortes de réflexions et d'échos, politiques et sociaux, mais aussi philosophiques et relationnels. On en arrivait à comprendre au travers des sensations corporelles et de la présence aux lieux le sens de l'expression : quel est votre point de vue ? Les points de vue se déployaient à l'infini, comme autant de vérités fragmentées, et il était vertigineux de constater que, sans être fausses, chacune de ces vérités ne pouvait contenir qu'une infime partie des données en jeu.
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