Il ne devait pas neiger sur le voisin lac Majeur, mais pleuvoir à verses, c'est sûr. Les rives blêmes s'agitaient et les autobus stoïques se déversaient. Seul le petit train qui les attendait affichait une mine bleu azur. Deux touristes derrière nous se sont exclamées : que c'est mignon! Le chien a eu des mots avec deux congénères plutôt grognons. Depuis notre arrivée, tout était venu nous parler d'obsolescence. Les carcasses des usines oubliées, le chagrin des maisons abandonnées, les mornes alignements d'hôtels corrodés. Les langues gutturales que nous entendions nous parlaient d'autres temps et d'autres paysages.
Le
tourisme à outrance est une forme particulièrement perfectionnée de
colonisation. Nous avons décliné les sachets de champignons, et les porte-clefs, et les sandales tout confort, et les napperons. Toutes les
entrées dans toutes les places sublimes se ressemblent et déploient avec force variété de quoi
se rappeler qu'on est passé par ces lieux, comme si notre mémoire pouvait être défaillante, ou comme s'il fallait absolument marquer des liens à l'aide de malheureuses babioles.
Comme s'il fallait se souvenir de ceux que l'on a laissé ailleurs et ensuite des lieux où l'on a été ailleurs. Dans le fond, il s'agit toujours d'être ailleurs. D'où peut-être la désolation des façades délaissées, qui n'étaient vouées à être présentes nulle part.
Soudain, j'ai eu très envie d'un jardin parsemé de rosiers, et d'une place riant au soleil couchant, soudain j'ai ressenti l'irrépressible besoin de dévorer des platées de pâtes maison, de scruter des titres dans des vitrines bariolées, d'élargir l'horizon. Il a saisi ma main et murmuré : partons. Nous n'avons pas hésité une seconde. Nous sommes engagés droit direction sud, vers des collines douces et parfumées qui n'ont pas tardé à se déployer. Elles semblaient placidement nous attendre, depuis toujours. Alors, nous les avons frôlées et nous nous sommes empressés de rouler vers l'été.
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