La Lettre d'Amour / Johannes Vermeer / Rijksmuseum / Amsterdam
Vermeer est, dit-on, le peintre des intérieurs (une seule vue de sa ville natale et une seule ruelle au compteur). Le peintre du mystère et de la lumière. Le peintre qui donne à rêver, à imaginer des histoires. Mais ce tableau-ci, à cette époque-là, il fallait le faire : seul le tiers central de la toile contient le sujet de la scène (une femme aisée qui reçoit une lettre d'amour). Le maître de Delft fait décidément de nous des voyeurs. Cela dit, non seulement, il nous met dans l'embarras, mais il ne s'embarrasse pas avec des questions triviales et nous donne à voir le contenu d'un débarras, des torchons, un balai, des mules qui traînent, un panier de linge (sale?).
Nous voici devenus curieux, puisqu'on nous a permis de pénétrer dans l'intimité de la dame. Le peintre nous a invités à entrer dans son jeu et nous voici pris par l'envie de rechercher des indices, de composer le contenu de la lettre, d'imaginer l'expéditeur et tout ce qui se trame. La maîtresse a mis sa servante dans la confidence et se fiche éperdument de l'état de son logement. Peut-être que son époux est en voyage d'affaires, un marchand sans doute, prenant régulièrement la mer. La missive serait-elle de sa main ou alors... ? Madame ne semble plus faire grand cas de son cistre et de sa partition (on connaît la chanson). Que va-t-il donc se passer une fois le message lu? Se pourrait-il qu'un lien illicite se noue ?
Toutes les hypothèses étaient permises... Il y avait objectivement trop de visiteurs dans l'exposition. Trop de gens de tous âges et de toutes tailles dont on découvrait les épaules et les crânes chevelus ou dégarnis. Faute de pouvoir disposer de l'espace pour admirer et en attendant d'accéder au devant de la scène, je m'amusais à imaginer les interprétations des autres observateurs. Une mise en abîme, en quelque sorte. Regarder ceux qui regardent. Balayer du regard la salle. Échafauder ce qui pouvait se passer dans la tête du public fasciné : tout bien considéré, à des siècles d'écart, la téléréalité, Insta et FB n'ont rien inventé.
Vermeer / Rijksmuseum / 10.02.2023-04.06.2023
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