lundi 27 mars 2023

Regarder : le retour de Fiamma

 
Fiamma / 1941
 
Le 24 janvier dernier, à la veille du jour de la Mémoire, s'est ouverte au Palazzo Pitti, à Florence, une exposition consacrée à l'artiste allemand Rudolf Levy.

"Rudolf Levy (1875-1944). L'opera e l'esilio" est la première exposition monographique consacrée à ce peintre et se tiendra jusqu'au 30 avril 2023. Elle a été préparée en collaboration avec le Museo e Centro di Documentazione della Deportazione e Resistenza di Prato. Elle offre non seulement l'opportunité d'admirer un travail artistique trop longtemps méconnu (on trouvera un aperçu de certaines toiles ICI) mais aussi de se pencher sur la trajectoire passablement tourmentée de cet homme né à Stettin, en Poméranie, et probablement décédé durant sa déportation à Auschwitz en janvier 1944.

L'an dernier, le directeur des Offices, Eike Schmidt, avait annoncé l'acquisition d'un tableau du peintre, Fiamma, lequel se trouve actuellement en bonne place dans la Galleria Palatina du Palazzo Pitti. Rudolf Levy – avait expliqué Eike Schmidt – était l'un des plus importants artistes juifs en exil à Florence durant la seconde Guerre Mondiale. Ses œuvres, inspirées par Matisse, furent mises à l'index par les nazis en tant qu'«art dégénéré ». Bon nombre d'entre elles ont été détruites en Allemagne.
 
A propos de Fiamma, le tableau a été exposé à Tel Aviv en 1968, ainsi qu'à Milan et à Berlin en 1995. Le monde académique italien l'a eu sous les yeux depuis l'année 2000, puisqu'elle apparaissait en couverture d'un livre consacré aux Juifs sous l'Italie fasciste. La maison Pandolfini, qui s'est chargée de la vente aux enchères du tableau, fournit ces renseignements sur son site ICI.
 
Pourquoi cet achat des Offices et pourquoi cette exposition en Toscane, précisément à Florence ? Levy a passé dans la capitale toscane les trois dernières années de sa vie. Il y a vécu et travaillé jusqu'au 12 décembre 1943, date à laquelle il fut arrêté, emprisonné, détenu à Milan et finalement déporté. Les conditions de son arrestation furent particulièrement tragiques : il tomba dans un guet-apens tendu par des agents de la Gestapo, qui s'étaient fait passer pour des collectionneurs intéressés par son travail et qui souhaitaient le rencontrer.

Toutefois, l'exil tourmenté du peintre avait commencé bien des années auparavant, en 1933 lorsque les persécutions nazies l'obligèrent à fuir l'Allemagne pour trouver refuge d'abord à Rapallo, en Ligurie, puis à Majorque. Le déclenchement de la guerre civile espagnole le contraignit ensuite à partir momentanément à New-York, avant de revenir en Italie, entre autres à Ischia, où vivait une petite communauté d'exilés allemands. Lors de la déclaration de la Guerre, en 1939, son permis de séjour ne fut pas renouvelé et une tentative de repartir pour New-York échoua à cause de son manque de moyens financiers. Il rejoignit alors clandestinement Florence, puis vécu caché dans la campagne des environs. 

Il est intéressant de noter qu'à Florence, il séjourna à la pensione Bandini, intégrée au palais Guadagni, donnant sur la piazza Santo Spirito, à quelques centaines de mètres du Palazzo Pitti. C'est durant cette dernière période que date le tableau "Fiamma", réalisé en 1941. Ainsi, le portrait de la jolie et mélancolique jeune femme attend ces jours-ci ses admirateurs pratiquement là où il a vu le jour, il y a près de quatre-vingt ans.
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