dimanche 4 février 2024

Regarder : le blâme

 
Christ et l'adultère / Rocco Marconi / Gallerie dell'Accademia / Venezia
 
Dans les galeries de l'Accademia, suis tombée sur ce tableau de Rocco Marconi : Jesus et la femme adultère. Il m'a rappelé une toile du même thème et à la construction très similaire peint avec une infinie délicatesse par le Titien en 1515 environ, réalisé durant la même période et dans le même milieu culturel, qui se trouve aujourd'hui à Vienne. 
 
 Christus und die Ehebrecherin / Tiziano Vecellio / KHM / Wien

Ce thème de la femme adultère a été abondamment traité durant la Renaissance. C'est dans l'évangile selon Saint-Jean (8, 1-11) que l'on trouve ces mots : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. » Chaque peintre a sa manière bien particulière de traiter le sujet. 
Poussin par exemple a mis en évidence la dynamique des accusateurs portés un effet de meute, avec des personnages penchés sur leurs pierres, prêts à les lancer, à se ruer sur la coupable, déjà agenouillée. On les dirait emportés par la jubilation de se défouler.
 
Le Christ et la femme adultère / Poussin / Le Louvre / 1653 (tiré du site  du musée)
 
Cependant, chez Marconi, ce qui frappe, c'est à la fois la beauté de la femme, une beauté enviable, et les regards lourds qui pèsent sur elle. Comme si le peintre avait voulu mettre l'accent sur l'expérience psychologique des divers acteurs mis en présence. La femme paraît confiante, pensive, nullement honteuse, ni humiliée. Elle médite sans doute sur ce qui est et ce qui a été.
 

 

Quant à ses détracteurs, ce sont des hommes qui semblent tout prêts à juger, mais par-delà le jugement leurs regards paraissent porteurs de colère et d'envie. Les frustrés seraient-ils les plus prompts à vilipender ? Porteraient-ils la volonté d'ôter chez les autres le plaisir dont ils sont privés ? Peut-être. Probablement. Une œuvre dépend toujours de son contexte de commande : précisons que ce tableau était placé chez les moines bénédictins de l'île San Giorgio, disposé bien en vue dans le lieu où ils allaient se confesser. Il accusait moins une femme coupable d'avoir "fauté" qu'il ne les renvoyait à leurs manquements et à leur humanité. 

A chaque fois que je passe devant l'une ou l'autre de ces toiles, je me retrouve toujours songeuse. Des images de femmes tondues, des insultes, des punitions, des humiliations présentes ou passées me reviennent en mémoire. Des critiques adressées à celles dont aucune erreur ne saurait être pardonnée. Mais en m'éloignant, je pense aussi à toutes les fières, à toutes celles qui ne se sont pas laissé faire, qui ont su garder la tête haute, se défendre, se trouver des alliés. Assumer et parfois : gagner.
 

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