Les matins débutent dans la nuit et le froid. Il fait terriblement nuit et affreusement froid. Aux premières lueurs, nous partons à la sauvette surprendre le soleil, là-haut, qui surgit, qui rosit de plaisir, et joue à cache cache derrière des rangées d'arbres sages, alors qu'ici règne encore un brouillard hostile. Nous rentrons tout revigorés, avec l'impression d'avoir pris de la hauteur et gagné un trophée. Mais, subitement, sur le coup de neuf heures, tout s'illumine et on se retrouve en mars, voire en avril. On doit se changer. Les bonnets et les écharpes gisent à terre, pathétiques et inutiles. On sue, on voudrait s'acheter des cornets à la fraise et aller les déguster sur la plage. En fin d'après-midi, c'est le Sahara qui s'impose. Le lac joue au désert, assume le masque du sable chaud qui attend son légionnaire. Drôle de saison. Drôle d'hiver. Qui importe des vues d'ailleurs sous nos yeux interdits, qui donne envie de relire des passages de "Désert" :
Ils étaient les hommes et les femmes du sable, du vent, de la lumière, de la nuit. Ils étaient apparus, comme dans un rêve, en haut d’une dune, comme s’ils étaient nés du ciel sans nuages, et qu’ils avaient dans leurs membres la dureté de l’espace. Ils portaient avec eux la faim, la soif qui fait saigner les lèvres, le silence dur où luit le soleil, les nuits froides, les lueurs de la Voie lactée, la lune ; ils avaient avec eux leur ombre géante au coucher du soleil, les vagues de sable vierge que leurs orteils écartés touchaient, l’horizon inaccessible. Ils avaient surtout la lumière de leur regard, qui brillait si clairement dans la sclérotique de leurs yeux.[JMG Le Clezio // p.7]
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