vendredi 4 septembre 2020

Vivre : ma préférence à moi


Manifestation II / Entre ciel et terre / Fabienne Verdier / 2005 / Coll. Pinault

L'automne est une saison durant laquelle je vis comme à l'accoutumée, ce qui signifie que je rencontre, je peste, je planifie, j'invente, je me ravise, je recommence, je vais, je viens, je cherche, je range, puis je réarrange, je déprime, je me décourage, je me lance, je m'exclame, bref je m'adonne à toutes sortes d'activités (ou de non activités) de la vie courante. 
Rien de bien folichon parfois, quelques jolies surprises souvent. Que de l'ordinaire en somme... mais... ce qui fait de l'automne ma saison préférée, c'est que j'y sens souvent mon cœur sur le point d'exploser. A découvrir cette lumière stupéfiante, ces offrandes que la terre daigne nous accorder, ces paysages mouvants, ces matins qui hésitent toujours un peu avant de s'enflammer, ces hirondelles virevoltant autour de la maison, s'apprêtant à prendre congé comme de vieilles connaissances légèrement hallucinées, à entendre les enfants se chamailler sur le chemin de l'école, à deviner chaque jour dans la nuit qui s'évapore les pêcheurs penchés sur leurs filets, à glaner dans les champs et les prés des restes d'été, à lire langoureusement allongée sur la terrasse, absorbée autant par mon livre que par les lézards faussement immobilisés, à me sentir si imperméable aux petites comme aux grandes mesquineries, je me sens euphorique, éblouie, prise d'une enivrante envie de vivre et de me prosterner.

6 commentaires:

  1. Un texte bien intéressant relatif à une certaine puissance de l'ordinaire. Peut-être qu'apparaissent des explosions intérieures lorsque la nature s'apprête à un endormissement apparent afin de mieux préparer, se préparer, à l'explosion nouvelle issue d'un hivernage prometteur.
    J'aime bien ce texte qui évoque la présence à soi-même naturelle, ordinaire, et pourtant si singulière et unique.
    Et puis l'illustration par Fabienne Verdier, choix judicieux, qui elle, sait rendre visible dans ses œuvres imposantes et par ses techniques particulières, la captation les forces subtiles et ténues à l'œuvre dans la nature avec ses monumentaux pinceaux.
    Finalement ton texte aux apparences ordinaires est un petit bijou.

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    1. Plus je vais de l'avant, et plus je suis sensible aux détails, aux nuances, qui constituent ce qu'on appelle l'ordinaire et qu'on tend à banaliser, voire à négliger en les tenant pour escomptés. Dans le fond, si ce qu'on appelle la vie n'était constituée que de moments exceptionnels, clinquants, pétillants, ou extrêmes, cela reviendrait à dire que nous vivons relativement peu, et le plus souvent dans l'attente... de l'extraordinaire. Ce serait bien triste, cette longue série d'espoirs... on passerait notre vie à attendre Godot , tournés vers un futur hypothétique (avec souvent la frustration, la tension pour compagnes).
      Tandis que ne pas tenir pour escompté le fait de pouvoir exercer tous nos sens, c'est vraiment profiter de ce (si) bref laps de temps qui nous est accordé. Je crois que je plains les blasés, ils ne savent pas ce qu'ils perdent.
      Un petit bijou ? Tu es un vrai trésor!

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  2. On ne pouvait mieux l'exprimer ce lent changement de saison, ce chemin multicoloré qui nous amène à l'automne.

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    1. Ici, l'automne montre le bout de son nez dès la troisième semaine d'août. Quelque chose nous indique que le vent a tourné Alors qu'au Sud l'été bat encore son plein, chez nous les pommes sont prêtes, les châtaignes aussi, les feuilles craquent sous nos pas, le paysage roussit. Au fond, les dates d'entrée dans les saisons ne veulent rien dire... les saisons varient et sont finalement ce que nous ressentons.

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  3. Bonjour,
    merveilleux hymne à cette saison aux "matins qui hésitent toujours un peu avant de s'enflammer", et qui est aussi ma préférée.
    Cette langueur de la météo qui délaisse ses excès remémore en moi de lentes randonnées pyrénéennes vers les hauts sommets déneigés de fin d'été, où la montagne, désertée, est aussi la plus hospitalière.
    Très beau texte que j'ai lu avec attention.

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    1. Ah! L'automne à la montagne... les couleurs, les versants incendiés, les désalpes, le silence retrouvé... quant aux Pyrénées, ça me rappelle qu'une amie à moi a une petite maison sur le versant espagnol, entre Pont de Suert et Roda de Isabena, des lieux où j'ai été formidablement heureuse et où je rêve de retourner. Nostalgie... envie...
      PS : merci pour l'attention à lire, grande marque de respect.

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