Il y a des films, tu découvre le lancement, tu as l'impression d'avoir déjà tout vu. Il y a des films dont certaines images t'intriguent, tu te dis qu'ils en valent décidément la peine et que tu ne veux surtout pas les rater. Il y en a d'autres, tu hésites, tu supposes que ça peut être de la daube, ou que peut-être pas, tu ne sais pas vraiment.
L'autre soir, on ne parvenait pas à se décider, mais trop de pluie s'était déversée durant toute la journée, on devait absolument partir se changer les idées et "Tout le monde aime Jeanne" paraissait la seule toile acceptable à pouvoir se faire. Bien nous en a pris : il est rare qu'un film permette de rire tout en évoquant des sujets douloureux et qu'il offre à réfléchir autant qu'il donne envie de chanter (il est vrai qu'au bout de trois jours à fredonner la même rengaine et à entendre R. la fredonner à son tour dans sa salle de bain, on aurait envie de changer de disque, mais bon, c'est un détail...)
Pour évoquer la crise traversée par une jeune femme en rupture, ex-scientifique prometteuse, en butte à divers problèmes financiers et en deuil de sa mère, la talentueuse Céline Devaux s'est livrée à un challenge pas si évident : utiliser deux médiums différents et entrecouper des images cinématographiques avec des dessins animés très personnels. Ces animations réalisées avec drôlerie et efficacité portent le discours intérieur de l'héroïne, en plein marasme alors qu'elle doit se rendre au Portugal pour réaliser la vente d'un appartement hérité.
Dans ce long-métrage on découvre Lisbonne sous un jour dépouillé, réaliste et touchant, avec d'excellentes prises de vue depuis le logement où s'installe Jeanne et où tout lui rappelle le passé, l'enfance, la figure maternelle et leur relation compliquée. Tous les sujets graves sont abordés de manière originale, voire ludique : la spéculation qui gangrène les quartiers populaires, la ville bradée sans scrupules; la dépression, cette réalité de la vie prise à la fois très au sérieux et assumée avec légèreté; la force des liens familiaux et leur potentielle aptitude à la dévalorisation; la capacité de faire face pour remonter les pentes cruelles que la vie vous fait parfois dévaler.
Un film nuancé et subtil, plein de tact et d'audace, un film qui donne matière à méditer, qui ramène à ce qu'on porte de plus intime en soi, parce que la réalisatrice n'hésite pas à traiter avec sincérité toutes ces choses un peu honteuses, un peu calamiteuses qu'on est trop souvent tenté de cacher, qui exigent d'être partagées en confiance pour être dépassées. Un film qu'on quitte étrangement réconfortés, fortement imprégnés par l'histoire et admiratifs devant la manière épatante qu'ont tous les comédiens d'y croire et de la jouer.
Zut, je vois qu'il est passé la semaine dernière au cinéma près de chez moi. Avec un peu de chance, il repassera, car tu m'as donné l'envie d'aller le voir, Dad. :-)
RépondreSupprimerBonne soirée, et un doux week-end.