Portrait de Madame Cézanne / Paul Cézanne / Musée Granet / Aix-en-Provence
Depuis qu'elle a atteint l'âge de la retraite, on entend de plus en plus souvent G. dire "Je n'ai pas le temps". Cela semble être la phrase à prononcer en toute circonstance. Elle se montre suroccupée et affiche un agenda de ministre. A se demander si ce sont les autres qu'elle tient à persuader ou elle-même. "Je ne sais pas.". "Je dois vérifier.". "Impossible avant six semaines." On la voit courir, très pressée. Elle s'énerve à la caisse si quelqu'un compte sa monnaie, se dirige à pas cadencés vers la machine de scannage automatique, puis contrôle immédiatement ses notifications, renvoie via WA des tonnes de confirmations. L'autre jour, elle a lancé : "J'ai trop à faire, avec ces figues, ces raisins, ces coings!" (on s'est retenu de sourire).
Et pourquoi donc, alors que tous les mois on est assuré de recevoir suffisamment pour vivre, ne pas le prendre, ce temps, ce temps de vivre, justement ? Quel besoin de tout combler, quel terreur à juguler ? On voudrait l'inviter à regarder les brumes vaciller sur le lac rosi par l'automne, l'envol de quelque héron sur les rives tremblantes, la joie des chiens qui se rencontrent, et, suspendue, une feuille, une seule, dansant dans sa toile perlée, on voudrait, mais... impossible : elle n'a pas une minute à gâcher!
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