Nous sommes temps. Nous sommes la fameuse
parabole d’Héraclite l’Obscur,
nous sommes l’eau, non pas le diamant dur,
l’eau qui se perd et non pas l’eau dormeuse.
Nous sommes fleuve et nous sommes les yeux
du grec qui vient dans le fleuve se voir.
Son reflet change en ce changeant miroir,
dans le cristal changeant comme le feu.
Nous sommes le vain fleuve tout tracé,
droit vers sa mer. L’ombre l’a enlacé.
Tout nous a dit adieu et tout s’enfuit
La mémoire ne trace aucun sillon.
Et cependant quelque chose tient bon.
Et cependant quelque chose gémit.
parabole d’Héraclite l’Obscur,
nous sommes l’eau, non pas le diamant dur,
l’eau qui se perd et non pas l’eau dormeuse.
Nous sommes fleuve et nous sommes les yeux
du grec qui vient dans le fleuve se voir.
Son reflet change en ce changeant miroir,
dans le cristal changeant comme le feu.
Nous sommes le vain fleuve tout tracé,
droit vers sa mer. L’ombre l’a enlacé.
Tout nous a dit adieu et tout s’enfuit
La mémoire ne trace aucun sillon.
Et cependant quelque chose tient bon.
Et cependant quelque chose gémit.
José Luis Borges / Los Conjurados / Allianza / Madrid / 1985 (Trad. Jacques Ancet / Gallimard / 2010)
Son los rios : Somos el tiempo. Somos la famosa / parábola de Heráclito
el Oscuro./ Somos el agua, no el diamante duro, / la que se pierde, no
la que reposa./ Somos el río y somos aquel griego /que se mira en el
río. Su reflejo / cambia en el agua del cambiante espejo, / en el
cristal que cambia como el fuego. / Somos el vano río prefijado, / rumbo
a su mar. La sombra lo ha cercado. / Todo nos dijo adiós, todo se
aleja. / La memoria no acuña su moneda. / Y sin embargo hay algo que se
queda / y sin embargo hay algo que se queja.
Ça y est. Le temps est revenu de plonger dans les flots cristallins. La rivière m'accueille, amie, maternelle. Il s'en est coulé de l'eau sous les ponts, il s'en est déposé des brumes hivernales, mais l'élan retrouvé est resté entier. Parmi les scintillances, les arbres se penchent et murmurent des secrets à nos oreilles. Le dieu été est arrivé.
Tout passe. Tout passe. Bien sûr que tout passe, mais comme il est bon de retrouver les rives et les branches et les oiseaux - toujours les mêmes et jamais les mêmes - qui s'abreuvent sur les pierres douces sans laisser de traces.
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