Dans le dernier chapitre de son live L'art du voyage, Alain de Botton cite Xavier de Maistre invitant ses lecteurs à se tenir à leur fenêtre et contempler un ciel étoilé : "Combien peu de personnes[...] jouissent maintenant avec moi du spectacle sublime que le ciel étale inutilement pour des hommes assoupis![...] qu'en coûterait-il à ceux qui se promènent, à ceux qui sortent en foule du théâtre de regarder un instant et d'admirer les brillantes constellations qui rayonnent de toutes parts sur leurs têtes ?" (Expédition nocturne autour de ma chambre, chapitre XIV).
A la dernière page, il convie Friedrich Nietzsche, qui admirait de Maistre : "Quand on voit comment certaines gens savent faire en sorte que leurs expériences - leurs expériences insignifiantes de chaque jour - deviennent un terreau qui porte fruit trois fois l'an, tandis que d'autres - et combien! - sont entraînés par les puissantes vagues du destin, les courants les plus variés des temps et des peuples, sans cesser pourtant d'être ballottés à la surface comme des bouchons de liège, on est tenté de diviser l'humanité en une minorité (une minimalité) d'hommes qui savent faire de peu beaucoup, et une majorité qui savent faire de beaucoup peu de chose." (Humain, trop humain, chapitre IX, 627)
Le philosophe contemporain conclut : "Nous rencontrons des gens qui ont traversé des déserts et des banquises et se sont frayé à grand peine un chemin à travers des jungles sauvages et pourtant dans les âmes desquels on chercherait en vain une trace de ce qu'ils ont vécu. Vêtu d'un pyjama rose et bleu, satisfait des limites de sa chambre, Xavier de Maistre nous encourage discrètement à essayer, avant de partir pour de lointaines contrées, de remarquer ce que nous n'avons fait que voir." (L'Art du voyage, De l'Habitude, chapitre IX)
Oh! oui : la vie nous met tous les jours au défi de savoir regarder, de cultiver la curiosité (un exercice à cent fois remettre sur le métier). Tous les matins le réveil ne consiste pas à sortir du sommeil, mais bien à ouvrir les yeux. Les appels publicitaires voudraient nous entraîner dans tous les coins de la terre. Mais c'est l'art du regard qui fait de nous des voyageurs.
L'autre jour, quelqu'un vantait devant moi un personnage extraordinaire : un médecin qui menait une vie simple, heureux de passer ses vacances et ses loisirs dans son jardin, à contempler ses fleurs, à écouter les oiseaux et regarder jouer ses enfants. Un type tout à fait curieux, assurément, un phénomène, qui aimait sa vie, l'appréciait particulièrement quand elle s'écoulait tranquille sous ses yeux rayonnants.
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