mercredi 5 juillet 2023

Vivre : bien manger pour bien vivre

 

J'aime beaucoup la petite ville de Bra, au Piémont. J'aime sa pétulance provinciale, sa simplicité, son élégance sans manières, ses églises baroques, et surtout son marché du vendredi (ou plutôt : ses marchés, puis qu'il y a celui du haut et celui du bas, ce dernier peut-être plus populaire, pratiquant des prix légèrement plus accessibles). Or, j'ignore pourquoi depuis le temps que nous nous arrêtons dans cette paisible bourgade écrasée entre la capitale, l'austère Turin, et l'effrontée Alba, qui commence à se la jouer un peu trop parvenue avec sa  truffe réputée et ses manifestations à la pelle, je n'avais jamais pris la peine d'aller manger au Boccondivino. La crainte d'y trouver un lieu snobinard, sans doute, jouant un peu trop la carte du "y en a point comme nous" en matière de bonne bouffe.
 
C'est que c'est précisément ici qu'est né en 1986 le mouvement Slow Food (dont le siège se trouve juste en face de la mythique osteria, au numéro 14 de l'étroite rue de la Mendicità Istruita). A ses débuts, Slow Food s'appelait Arcigola et se voulait un antidote à la folie universelle de la "fast life", une réaction contre ceux qui confondent l'efficacité avec la frénésie. Il affirmait le droit au plaisir de la lenteur, prônait l'éducation au goût et la sauvegarde de notre Terre nourricière. Avec le temps, ce credo du bien manger, naturellement, équitablement n'a fait que s'étendre et trouver des émules dans tous les coins du monde.

L'autre jour, finalement, j'ai franchi le pas. Le restaurant se loge au fond d'une cour, dans une maison typique du centre ville, offrant à la belle saison une grande terrasse couverte de glycines. Il applique des prix doux et offre un service des plus décontractés. A part une table occupée par un couple d'Allemands, les salles n'étaient destinées qu'à des locaux, des familles du coin, des tablées d'amis, les uns venues fêter un anniversaire, d'autres des retrouvailles conviviales.
 
Le menu : une stricte proposition des classiques piémontais. La décoration était des plus sobres : "que l'importance soit dans ton assiette et dans le verre amicalement partagé". Seules les meilleures bouteilles des meilleures caves étaient destinées à décorer le lieu (et dieu sait si le lieu était divinement décoré). Une équipe dynamique et souriante veillait à ce que les convives soient sustentés comme il se doit. Que du bonheur !
 
A un moment donné, l'animation était telle que j'en ai profité pour passer au chien tapi à nos pieds l'os de ma pintade. Le taux de décibels a fait en sorte que personne ne remarque quoi que ce soit. Le jeune qui a desservi ensuite m'a regardée d'un air poliment étonné. Mais il s'est empressé de m'apporter le dessert : un bunèt parfait, le meilleur que j'aie jamais mangé.


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