dimanche 25 mars 2018

Vivre : la traversée de l'hiver / 22





Ma généraliste a dit : elle n’a pas coupé le cordon ombilical. Je venais de lui raconter la délirante hospitalisation de l’avant-veille, dans le but de faire passer une IRM à une moribonde, en pleins râles, grabataire (comment E. avait-elle fait pour convaincre le médecin de cette aberration ? lui imposer le trajet en ambulance, le bloc hypermoderne et fonctionnel, de nouveaux lits, de nouvelles voix, du stress, des secousses ?). J’avais reçu ensuite un appel en pleine nuit – réveil plutôt violent -pour m’informer seulement que l’IRM n’avait pas pu être entreprise.
Elle n’a pas coupé le cordon ombilical. Elle ne peut pas accepter de la laisser partir et induit le besoin d’investiguer chez les médecins.
Pour mourir en paix, il faut que votre entourage soit apaisé et accepte de vous laisser. Depuis des mois, E. s’agite et sa seule raison d’être est de prolonger à tout prix la vie de sa mère.
Ici, la forêt m’a appris le cycle des saisons et l’inéluctable vol des feuillages à l’automne, quelques virevoltes avant d’aller tapisser la terre et la nourrir de leurs forces épuisées.
En raccrochant dans le noir, je me demandais comment se terminerait cette longue négation de l’évidence : nous sommes mortels, voués à nous séparer, emportés dans la ronde éternelle des saisons.

2 commentaires:

  1. Coucou ma chère Dad. Je ne sais pas ce que doit faire E. pour laisser arriver jusqu'à son coeur et à son âme l'inéluctable. Mais à se débattre ainsi, elle perd de l'énergie et quand l'inéluctable arrivera, elle sera exsangue, déjà. J'espère simplement (puis-je dire simplement??) que les choses puissent s'apaiser. Je t'embrasse.

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  2. Il y a dans les pertes d'énergies quelque chose qui relève d'un manque de sagesse, d'équilibre. Se battre contre l'inéluctable, c'est se battre aussi un peu contre soi. Un peu en retrait, j'observe impuissante et triste. Parfois il s'agit juste de lâcher-prise et d'admettre qu'on ne peut rien pour les autres, ni pour leur bonheur, ni pour leur malheur. A chacun son chemin. Bon lundi demain! D.

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