mardi 26 février 2019

Regarder : nul n'est prophète...


Modèle en plâtre / Musée Courbet / Ornans


Ornans et ses paysages n'ont cessé d'inspirer Courbet et celui-ci a fait connaître sa petite ville dans le monde entier à travers sa peinture. Un lien intime et durable a toujours uni le peintre à "son pays", mais cette relation n'a cependant pas été sans heurts.

Courbet réalisa en 1860 une sculpture, Le pêcheur de chavots, qu'il offrit à la ville d'Ornans pour orner la fontaine de la place des Iles-Basses.

La statue, "un enfant de douze ans", selon les mots de Courbet, était dans sa première version représenté entièrement nu, pêchant des chavots, petits poissons qui peuplaient la Loue en quantité. Cette nudité choqua, et, sous prétexte de bonne moralité, on fit circuler une pétition pour demander le retrait de l'innocent Pêcheur, mais sans succès.

En revanche, après la participation de Courbet aux événements de la Commune, la statue fut mutilée, signe de la réprobation des Ornanais envers son engagement politique, et le maire, bonapartiste convaincu, fit procéder à son enlèvement de la fontaine le 28 mai 1871 et le remis à la famille du peintre. Courbet, ému par ce rejet, écrivit alors : "J'apprendrai à ce tas de polissons qu'ils ne sont pas en droit de rien juger d'abord avant de connaître, malgré leur impuissance, leur envie et leur basse politique."

Il donna cette fonte à son ami Alexis Chopard, brasseur à Morteau, et ce n'est qu'en 1882, la réhabilitation de Courbet s'engageant, que la ville d'Ornans rendit hommage au peintre en replaçant sur la fontaine le second tirage du Petit pêcheur de chavots offert pour l'occasion par Juliette Courbet.

Cet exemplaire à nouveau mutilé, fut replacé à la mairie d'Ornans et remplacé par un tirage contemporain.        Présentation de l’œuvre au Musée Courbet
  
Les choses évoluent, avec le temps. Aujourd'hui, Ornans est une paisible bourgade assoupie au bord de la Loue. Elle doit d'être visitée et, très légèrement, secouée de sa torpeur aux visiteurs de son musée, désireux d'en connaître davantage sur son plus célèbre enfant. 
Courbet : que de chemin parcouru, depuis les sentiers du Doubs, jusqu'aux Salons parisiens et finalement l'exil suisse. Le désespéré. Les casseurs de pierres. Un enterrement à Ornans. L'atelier du peintre. L'Origine du monde. Toutes ces toiles témoignent de la force extraordinaire et du génie novateur de Courbet. Mais le petit pêcheur, à sa manière franche et candide, est sans doute celui qui sait évoquer le mieux son créateur, son histoire et ses tourments.

(2019 : bicentenaire de la naissance de G. Courbet. Programme : site du Musée Courbet)

7 commentaires:

  1. Comme quoi, le puritanisme est imbécile. Le petit pêcheur n'a plus de bras et Courbet qui écrivait: "J’apprendrai à ce tas de polissons qu’ils ne sont pas en droit de rien juger d’abord avant de connaître, malgré leur impuissance, leur envie et leur basse politique". Malheureusement, il reste encore tant de polissons aujourd'hui.
    Bises alpines.
    P.S. tu m'excuses mais je fatigue singulièrement ces jours-ci et je ne suis pas passée te voir régulièrement. :-(

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  2. C'est sûr : les temps changent, les polissons s'accrochent. Autres temps, autres modèles de polissons, mais ils sont bien toujours là. Belle soirée, chère Dédé, prends bien soin de toi!

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  3. "Le poète qui ne se soumet pas est un homme mutilé ... La lumière ne se fait que sur les tombes" Léo Ferré. Ton beau billet lui rend hommage, bravo ! Merci pour le lien ; un marathon d'évènements lui sont consacrés tout le long de l'année... il y a de quoi faire :)
    Tu connais des choses dans le milieu de l'art... c'est ton travail ?
    Bonne journée, Daniela.

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  4. Oh merci pour cette belle citation, qui convient merveilleusement à Courbet. 5h43 ? Es-tu matinale de nature ou par obligation ? (les vaches...)? L'art est une de mes passions, mon travail...non... mais une de mes formations. Très très belle journée - ensoleillée et remplie de surprises - à toi.

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    1. Les vaches ? :D Non, parfois réveil très tôt mais de toute façon matinale :)

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    2. ah !!! je t'imaginais traire les vaches à la main au petit matin!!! une vision certainement un peu démodée de la vie aux champs!!! ici, au village, il ne reste que quelques vaches, deux chèvres, quelques chevaux et trois ânes. du coup, on en vient à se raconter une vie à la campagne qui n'existera bientôt plus. Belle journée!

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    3. Pas démodée du tout, bien au contraire... c'est l'inattendu de ta question qui m'a fait rigoler :)
      Hélas oui, l'avenir des nos campagnes est en péril :(

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