Tous les jours, plusieurs fois par jour, nous franchissions dans un sens puis dans l'autre la Porta Romana. Je ne pouvais me lasser de la regarder, d'en admirer les volumes, de la photographier (R. réfugié à l'ombre faisait montre d'une patience d'ange).
Cette double porte de forme carrée, la plus majestueuse de la cité, assiste au passage des voyageurs depuis 1329. Elle est reliée aux quatre autres portes de Sienne par des murailles solidement ancrées qui épousent harmonieusement ses dénivelés.
J'étais impressionnée par ces sept siècles de présence, cette sobre élégance. Il se dégageait d'elle un sentiment de sécurité immense (j'avais une pensée émue pour ses architectes Giovanni d’Agostino et Agnolo di Ventura et pour tous les ouvriers qui se sont échinés à la réaliser).
Dans le jardin en contrebas de notre chambre, en fin d'après-midi, face à la campagne qui semblait elle aussi inchangée depuis le Moyen-Âge, je passais de longues heures à lire Hisham Matar raconter combien la ville, ses ruelles et sa peinture l'ont aidé à apaiser un insurmontable deuil. Il dit que la peinture siennoise, celle de Duccio tout particulièrement, démontre que ce qui rapproche les êtres humains est plus important que ce qui les éloigne les uns des autres.
Il parle d'art et de rencontres, de son père dont il ne saura jamais comment il a péri suite à son enlèvement en Egypte et à son emprisonnement dans les geôles de Khadafi. Il évoque l'esprit des lieux et l'importance de la beauté. Il parle d'amour, de solidarité et de choses innombrables, petites et grandes, qui sont vouées à rassurer l'humanité.
Moi, une fois la lecture achevée, je n'ai pu que la recommencer. Parce que c'est un livre qui se lit en boucle, qu'on ne termine jamais. Toutefois, il me semble que le plus rassurant à Sienne, c'est de savoir que toute la ville est construite ainsi depuis des siècles et qu'elle se montre bien armée pour continuer de faire face encore et encore au paysage généreux et tendre qui l'entoure. J'éprouve intensément la sensation que, pénétrant par l'une de ses portes, on se sent protégé, comme dans un hortus conclusus, comme dans un berceau, un espace de culture et de stabilité. Oui. Dans un monde où tout est amené à évoluer, où tout progresse à toute vitesse, il existe des cocons où la vie assure sa pérennité, et va à son rythme. On s'y balade en se sentant à l'abri, posant ses pas dans le présent, entre un passé qu'on imagine bienveillant et un futur qu'on espère conciliant.
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