Ça, les autres, c'est souvent des têtes de bois. Faut pas s'user à leur faire entrer
quelque chose dans le crâne s'ils veulent pas. Si c'est ce que vous essayez de
faire, vous vous râpez les nerfs pour des noix.[p.104]
Il y a pas mal d'années, une vive controverse (c'est-à-dire une tempête dans un verre
d'eau helvétique) était née entre un écrivain doté d'un Prix Goncourt et
un critique littéraire vaudois qui lui reprochait de ne pas savoir rendre les
dialogues de manière "réaliste". Un débat de plus dans le petit monde
des Lettres romand auquel notre professeur de littérature avait jugé bon de consacrer une heure de cours (ce qui m'avait semblé alors un peu longuet : la langue parlée et la langue écrite sont des choses qui n'ont rien à voir. Elles ne roulent pas sur les mêmes rails. A chacune son territoire. Essayez donc de transcrire un discours. Plus vous lui serez fidèle et plus les répétitions, les hésitations, les suspensions deviendront insupportables à déchiffrer). Toutefois, depuis lors, quand je lis des romans très
dialogués je suis sensible à la vivacité des entretiens.
Avec " Sous les vents de Neptune", un Vargas de très bonne tenue que je n'avais pas relu depuis sa sortie en 2004, l'autrice donne du piment à toutes les scènes et réussit le coup de force de rédiger quasiment la moitié des échanges en canadien. C'est savoureux, sans compter l'intrigue terriblement bien construite. De quoi passer une ou deux après-midis à hoqueter de rire tandis que mésanges et rouges-gorges se pressent sur la terrasse :
Inquiète-toi pas, je l'ai pogné par les schnolles dans son pick-up. Mais pour le faire jaser, ça a été une autre affaire. Il se tenait sur sa grandeur et il m'a d'abord conté des romances par poignées. Alors j'y suis allé tout fin drette et je l'ai menacé de le mettre à la glacière. [p.422]Tu m'as bien niaisé en prenant le bord tout d'une fripe. Pour te parler dans la face, je dois te dire que je me suis fâché noir.[p.435]T'as la tête croche, pour un pelleteux des nuages.
Je suis pas devineux, mais je dirais de prendre ta logique à deux mains et d'allumer tes lumières.[p.439]
Ton gros casque, Brézillon, il a convié le surintendant, histoire qu'ils ramarrent les bouts ensemble. [p.428]
Criss, ça fait plaisir de voir ça [...]. Tout le monde est habillé fouledresse, hein ? T'es bien beau sur ton fourty-five.[p.435]
Et la morale de l'histoire, c'est Sanscartier le Bon, le doux, l'indispensable qui la prononce : Le prends pas personnel, mais si ça te colle les bleus, c'est que tu te mélanges dans ton tricotage.
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