mardi 14 mai 2024

Vivre : à chaque jour suffit sa peine

 
La Résurrection (détail soldats) / Piero della Francesca / Museo civico / Sansepolcro
 
 
J'adore travailler, c'est-à-dire œuvrer, m'adonner à des tâches qui font sens : nettoyer les vastes vitrages dont la transparence nous projette dans le paysage, il semblerait alors qu'on effleure du doigt le lac, les arbres, les nuages; cuisiner des aubergines à la parmigiana, quand je trouve des légumes-fruits inspirants, quand tout est à disposition pour préparer la sauce tomate de saison, les tranches de fromage, le basilic du jardin; briquer de fond en comble la voiture mise à mal par la boue et les assauts de mon chien; étendre dehors le linge pour que les senteurs de glycine et de savon de Marseille s'entremêlent; rapporter de nos balades des bouquets de fleurs sauvages et les disposer selon les appels du mobilier. J'adore tout ce qui fait vivre la maison. J'adore nourrir, pétrir, fouiller, gratter, épousseter, inventer, décorer, bricoler. 
En revanche, le soir, à l'heure où se dorent les lézards, quand l'Angélus sonne à l'église du village, je me retrouve toujours affalée, léthargique, déconnectée, prête à me livrer aux bras de Morphée. Ne me restent que quelques neurones en état de marche pour fonctionner au radar. Je n'y suis pour personne - ou presque - et ce n'est qu'à l'Angélus suivant, au lever du soleil, que Mister P. sera autorisé à venir me tirer du sommeil et à m'emmener saluer les taurillons qui ouvrent à notre passage leurs grands yeux innocents.


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