La Vecchia / Giorgione / Galleria Accademia / Venezia
Ils sont venus apporter deux livres. Ils débarrassent leur maison. Ça y est : leur décision est prise. Ils vendront. Ils vendront dès que possible. La maison se fait trop exigeante, avec toutes ses chambres, avec les mauvaises herbes qui s'acharnent dans le jardin, sans compter leurs os qui se fragilisent et tous les rendez-vous chez les médecins. Alors, ils débarrassent, mais leur tâche, loin de diminuer, se fait chaque jour plus pesante : tant d'années passées à accumuler, à refuser de jeter ou de donner, à se dire que ça pourrait encore servir, à conserver jusqu'à combler le moindre recoin. Dans leur univers, une vis était une vis et on pouvait en avoir un jour besoin. Alors, ils se retrouvent face à un monde de petites vis, de pots de confitures, vides ou pleins, une armada de journaux entassés et de produits d'entretien, un monde qui leur déboule dessus tous les matins. Et leur fatigue se fait immense.
Leur entreprise, à coup de cabas remplis, évalués, repris et déplacés, leur paraît interminable. Mais l'alternative, cette résidence qui les attend là-bas, cette dernière résidence, la dépendance, ils ne sont pas vraiment pressés d'y arriver. Alors, ils vont sonner chez les uns chez les autres et distribuent une ou deux babioles dont personne n'a la nécessité. Ils déversent un ou deux sacs à la déchetterie, la mine défaite, et il leur semble que la benne engloutit toute une tranche de leur vie.
Ils s'efforcent de traverser un pont implacable qui leur dit : la vie a une fin et se dirigent vers l'autre rive, hésitants, engourdis, avec deux pauvres livres entre leurs mains.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire