samedi 20 août 2016

Lire : entrer par la bande



Hier, à la Fnac, il m'a montré parmi les livres qu'il avait entre les mains, "Si c'est un homme" de Primo Levi. "Un livre pour les après-midis, pas pour les soirs" a-t-il précisé. J'ai acquiescé, moi qui n'ai jamais pu lire intégralement "La Trève". Je me suis promis de tenter la lecture, une nouvelle fois. Je ne sais pourquoi ce voyage de retour si long (quelque trente jours, je crois) pour rentrer finalement dans sa ville, auprès des siens, après la libération d'Auschwitz, m'a paru particulièrement douloureux. 
J'avais pu lire juste auparavant l'histoire de sa déportation, mais je n'ai pas réussi à terminer l'histoire de son sinueux retour. 
(Encore un livre déposé sur la pile des "pour plus tard")
(Peut-être que ce qui m'avait semblé atroce, insupportable, après tant de souffrances subies, c'était que Primo Levi ne puisse être libéré immédiatement. C'était le fait qu'il doive encore et encore subir des épreuves et des avanies, en plus de l'expérience des camps.)

Un instant après, au rayon BD, j'ai trouvé par hasard ce petit bijou, lauréat 2016 du prix Fauve à Angoulême. Alors je me suis empressée de le lui offrir, en introduction à la lecture de Levi.

Une chose en appelant une autre en matière de mémoire, je me suis tout à coup souvenue des dernières lignes de "La Tregua" (oui, quand je trouve une lecture insoutenable, il m'arrive d'aller lire les dernières lignes, juste pour me rassurer, pour me dire que le protagoniste va s'en sortir). 
È un sogno entro un altro sogno, vario nei particolari, unico nella sostanza. Sono a tavola con la famiglia, o con amici, o al lavoro, o in una campagna verde: in un ambiente insomma placido e disteso, apparentemente privo di tensione e di pena; eppure provo un’angoscia sottile e profonda, la sensazione definita di una minaccia che incombe. E infatti, al procedere del sogno, a poco a poco o brutalmente, ogni volta tutto cade e si disfa intorno a me, lo scenario, le pareti, le persone, e l’angoscia si fa più intensa e più precisa. Tutto è ora volto in caos: sono solo al centro di un nulla grigio e torbido, ed ecco, io so che cosa questo significa, ed anche so di averlo sempre saputo: sono di nuovo in Lager, e nulla era vero all’infuori del Lager. Il resto era breve vacanza, o inganno dei sensi, sogno: la famiglia, la natura in fiore, la casa. Ora questo sogno interno, il sogno di pace, è finito, e nel sogno esterno, che prosegue gelido, odo risuonare una voce, ben nota: una sola parola, non imperiosa, anzi breve e sommessa. È il comando dell’alba in Auschwitz, una parola straniera, temuta e attesa: alzarsi, “Wstawać”.
C’est un rêve à l’intérieur d’un autre rêve, et ses détails varient, son fond est toujours le même. Je suis à table avec ma famille, ou avec des amis, au travail ou dans une campagne verte ; dans un climat paisible et détendu, apparemment dépourvu de tension et de peine ; et pourtant, j’éprouve une angoisse ténue et profonde, la sensation précise d’une menace qui pèse sur moi. De fait, au fur et à mesure que se déroule le rêve, peu à peu ou brutalement, et chaque fois d’une façon différente, tout s’écroule, tout se défait autour de moi, décor et gens, et mon angoisse se fait plus intense et plus précise. Puis c’est le chaos. Je suis au centre d’un néant grisâtre et trouble, et soudain je sais ce que tout cela signifie, et je sais aussi que je l’ai toujours su : je suis à nouveau dans le Camp et rien n’était vrai que le camp. Le reste, la famille, la nature en fleurs, le foyer, n’était qu’une brève vacance, une illusion des sens, un rêve. Le rêve intérieur, le rêve de paix, est fini, et dans le rêve extérieur, qui se poursuit et me glace, j’entends résonner une voix que je connais bien. Elle ne prononce qu’un mot, un seul, sans rien d’autoritaire, un mot bref et bas ; l’ordre qui accompagnait l’aube à Auschwitz, un mot étranger, attendu et redouté : debout, “Wstawac”. 

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