vendredi 22 mars 2019

Lire / Ecouter : le mot de Saint-Augustin

 

Façade / Eglise Santa Maria del Giglio / Venise

Jean-Paul Kaufmann était l'invité de Laure Adler l'autre soir, à l'occasion de la sortie de son livre A double tour, dans lequel il raconte un long séjour à Venise et ses tentatives – pas toujours couronnées de succès – pour se faire ouvrir les portes des églises fermées depuis longtemps.

A un certain moment, il parle du bonheur d'être vivant, un bonheur qu'il partage avec la journaliste Florence Aubenas, ex-otage comme lui.  
Oui, le bonheur de revenir, revenir comme Ulysse, quoi, mais pas d'un beau voyage. Je cite souvent ce mot de Saint-Augustin : il ne faut pas perdre l'utilité de son malheur. Il faut quand même avoir quelques avantages d'une telle expérience. La vraie joie ne peut s'adosser finalement qu'à une expérience de l'adversité ou du malheur. Bien sûr la vraie joie, la félicité, on peut l'éprouver, on peut vivre des moments de bonheur, et cetera…
Mais cette vraie joie a besoin d'être enchâssée dans cette part qui a été néfaste pour vous. Moi je le ressens très fortement et je ne me lasse pas du spectacle de la beauté du monde. Je sais qu'aujourd'hui, c'est la laideur du monde qui est regardée.
C'est comme à Venise. Venise, c'est une caricature, Venise, c'est une parodie, c'est le toc, l'inauthentique qui est là, à la puissance 10'000. Et moi, ça ne m'atteint pas. Je suis complètement aveuglé. Je regarde pourtant les gens, je ne me lasse pas du spectacle de ces touristes.Et en même temps ces bateaux de ces nouveaux riches, qui sont exhibés, c'est pathétique. Ces valises en polycarbonate, ça c'est un bruit de Venise, qu'on entend, qui est épouvantable, eh bien moi, je ne l'entends pas.
Oui, cette laideur qui existe, je ne veux pas dire que je ne la vois pas, mais en tout cas, elle ne m'atteint pas.

Tirer bénéfice de traumatismes passés ou de douleurs lacérantes. Se rendre plus attentif aux beautés des choses. Tamiser la vie pour en garder l'essence et la volupté. Quand notre esprit peut si facilement être distrait par la laideur, par des inconvénients, par des contrariétés, le souvenir des épreuves aide à se tourner vers la splendeur, la candeur, la joyeuseté. Oui, on peut faire trésor de son malheur. Quand il a été surmonté.
 

6 commentaires:

  1. Oui... "quand il a été surmonté".
    Quelle mémoire tu as à retrans(é)crire cet extrait audio.... bravo et merci, Dad !
    Bonne fin de semaine.Bises.

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  2. Eh non, je ne cite pas de mémoire. Je réécoute, je note, j'enlève des euh.. et des répétitions pour ne pas fatiguer les lecteurs. C'est un peu fastidieux, mais il s'agit de respecter au mieux ce que la personne interviewée a dit.
    Le malheur, s'il n'est pas surmonté, ne peut rien produire de positif. Il reste douleur, pour soi et autour de soi.
    Belle journée, Julie!

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  3. Je suis à Venise, avec le livre de JP Kauffmann.. Le rêve

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  4. J'en suis heureuse pour vous. J'espère que l'extrait choisi vous parle, à vous aussi.
    Si vous souhaitez écouter l'émission en entier :
    https://www.franceinter.fr/emissions/l-heure-bleue/l-heure-bleue-18-mars-2019
    Buon proseguimento! Le auguro bellissime scoperte, con tanta luce e magari qualche bicchiere di Cabernet!

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  5. Les personnes ayant vécu (et survécu) à des traumatismes vont vers l'essentiel. Je pense en effet qu'elles ne s'attardent pas sur les laideurs de ce monde, mais qu'au contraire elles savent apprécier les belles choses à leur juste valeur.
    Je suis allée à Venise il y a quelques années, j'ai été fortement déçue, et je me suis demandée comment les gens pouvaient trouver cette ville si belle... Ce n'est que mon ressenti...
    Bonne soirée à toi, Dad, et un beau week-end.

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  6. Née dans la région, je vais à Venise depuis mon enfance et, au fil du temps, je l'ai vue changer (ni plus ni moins que d'autres destinations très touristiques, Barcelone, la Thailande, etc). Le développement du tourisme étant exponentiel, ses désagréments le sont aussi. J'avoue que j'admire JPK pour cette capacité de faire abstraction de ces nuisances. Voir sans voir. Entendre sans entendre. Ne pas être atteint. C'est d'après lui "l'utilité de son malheur..." Sans doute la grande souffrance nous permet-elle de relativiser. Venise, même envahie, garde toute ses richesses et il est important de savoir les admirer. Mais il n'en demeure pas moins que les nuisances ne peuvent pas être ignorées. On ne peut pas toujours se placer "au-dessus de tout ça", je crois, et laisser faire. Il est important de cadrer un phénomène délétère pour les locaux, pour l'environnement.
    En ce qui me concerne, n'ayant pas l'expérience de vie de JPK, je pratique l'esquive, je m'arrange pour y retourner quand je sais la ville désertée, rendue à ses habitants et j'évite soigneusement certains parcours. Dommage, que tu l'aies découverte dans de mauvaises conditions. Une autre fois, en hiver, peut-être ?
    Bon WE, ensoleillé, enchanté, Françoise!

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