dimanche 17 mars 2019

Vivre : Still life / 65




En 1987, notre amie Marianne nous avait présenté son fiancé Marco, lequel venait de terminer les Beaux-Arts à Brera. Je me souviens que nous avions traversé la moitié de Milan pour aller choisir ces deux tableaux à son atelier, un garage borgne au bord du périphérique. Nos moyens étant limités, j'ai longtemps glissé un billet dans une enveloppe, à la fin de chaque mois, pour régler notre jeune artiste un peu fauché.

Depuis lors, les tableaux nous ont accompagnés de déménagement en déménagement. Ils étaient signe de continuité dans une vie faite de changements. J'aurais pu vivre sans télé, sans luminaires, mais pas sans leur présence tutélaire. Arrivés dans cette maison, une décision : aucun clou, pas de trou, elle ne deviendrait pas un gruyère. Ici, les cadres sont posés sur des meubles, ou disposés par terre. Une seule exception : le jour de notre arrivée, les derniers ouvriers ont percé le grand mur de béton et inséré deux vis pour que nos superbes gribouillis se dressent face aux baies vitrées. Durant la journée, ils servent de miroir au lac qui aime s'y refléter. C'est le soir, qu'ils retrouvent leurs traits et leur vérité.

Il en a coulé de l'eau sous les ponts : Marco et Marianne ont divorcé depuis longtemps ; le peintre prometteur s'est détourné de la création pour se diriger vers des sentier quelque peu tortueux. Nous l'avons cru perdu (et pas que de vue). Or, le voici revenu sur ses pas : il annonce une exposition et vient d'envoyer une invitation. Sur le carton, de grands jets maitrisés disent sa force et sa rage créatrice : on ne croirait jamais que trente ans séparent les traits d'hier et les traits contemporains. Notre Marco reprend sa route, exactement de là où il avait bifurqué.

La vie n'est décidément pas un chemin tout tracé. Tous les soirs, nos murs viennent nous le rappeler.

10 commentaires:

  1. Pffffffffff.. mon commentaire s'est effacé en cliquant sur "publier" :( je recommence dans la soirée.
    Bon dimanche Dad. Bises.

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  2. Non, Dad, la vie n'est pas un chemin tout tracé, c'est ce qui la rend si palpitante, intéressante ! Rien n'est écrit, rien n'est figé, tout est impermanence, et ce n'est pas notre amie Dédé qui dira le contraire ! :-)
    Bel après-midi à toi.

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    1. Je confirme. C'est beau de savoir que Marco reprend là où il s'était arrêté il y a des années. Mais il a changé et sa peinture sans doute aussi. Bises d'un peu plus au Sud.

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    2. >>> Françoise et Dédé : assignée à résidence par une splendide tempête, je vous réponds que toute ma vie a été basée sur la conviction que les êtres peuvent évoluer. Oui, il peut y avoir des évolutions, en positif comme en négatif, spectaculaires comme souterraines. Quand notre regard se pose sur les gens avec des opinions rigides et figées, à notre manière, nous les empêchons de progresser. Cela vaut pour les enfants que nous éduquons. Cela vaut pour les gens que nous accompagnons. Cela vaut aussi pour nous (nous pouvons nous étonner nous-mêmes).
      Si M. a certainement mûri durant toutes ces années, eh bien sa peinture n'a pas tellement changé. Je pourrais lui acheter toutes ses toiles! Malheureusement, en matière d'habitat, j'ai fait voeu de sobriété!!! Bonne fin de journée à toutes les deux, profitez de la soirée où que vous soyez!

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    3. Ce que tu dis est vrai, Dad. Combien de parents disent à leur enfant qu'il est méchant, vilain, etc. Et le gamin, pour correspondre à ce rôle qu'on lui a attribué, devient en effet un enfant méchant, détestable, alors qu'il ne demandait que de la présence, de l'amour.
      Pour ce qui est de la peinture, c'est vraiment une question de goût. Pourquoi telle peinture nous émeut, nous parle-t-elle plus qu'une autre, nous n'en avons pas toujours l'explication.
      Bel après-midi (pluvieuse chez moi) à toi, Dad.

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    4. L'émotion, suscitée par une personne, une œuvre, ou un paysage, ne s'explique pas. On peut la prendre, la comprendre, la reconnaître, la vivre, mais... l'expliquer, c'est la torpiller. Il s'agit de laisser de la place dans notre vie pour l'inexplicable.
      Ici,ici il ferait... presque beau. Presque. Belle aprem.

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  3. Ce qui serait "cool" ce serait de nous expliquer ce qui te fait vibrer avec les deux tableaux en photo. Bécots

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    1. Désolée, Dédé, pas de réponse "cool", pas d'explications à donner. J'aime ce que fait Marco et ça ne s'explique pas. Une grave question posée à 22h43 : j'espère que ton sommeil n'en a pas été perturbé :) Bon week-end prolongé.

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  4. Coucou Dad.
    Très beau récit dont tes mots doux avivent l'indifférence (sourire) du béton.
    Bonne chance et plein de succès pour Marco lors de sa prochaine exposition !
    Bonne semaine pour toi. Bises.

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  5. Merci, Julie, pour tes vœux. J'espère aussi que l'exposition de Marco lui ouvrira de belles perspectives. Tiens, ton commentaire m'a fait penser que j'ai rêvé de lui la nuit dernière. J'ai rêvé d'un de ses tableaux. C'était peut-être un rêve prémonitoire, qui annonçait son succès? Très belle journée à toi, Julie!

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