Portrait de femme / Palma il Vecchio / MBA-Lyon
Elle s'appelait Cécile. Elle enseignait apparemment la littérature française dans une université de la
banlieue londonienne. D'après ses rares allusions à ce sujet, ce ne devait pas être un travail très motivant. Elle trouvait les colloques rasants. Elle postait
tous les jours sans exception un billet, pas très long, mais varié. Il lui
arrivait de parler d'archéologie, ou de jardins, ou de bouquins. Elle pouvait
aussi s'étonner de l'arrivée du printemps. Ou du chant spécifique d'un oiseau. Elle donnait l'impression d'être une intellectuelle qui n'avait pas toujours les
pieds sur terre.
Elle photographiait aussi – assez maladroitement – pour illustrer ses
trajets en métro, ou certaines visites de musées. Je ne manquais jamais ce rendez-vous quotidien. Elle n'était pas du genre à attendre des réactions ou des
statistiques rassurantes. Je crois qu'elle postait comme on sème aux quatre vents, pour le plaisir de partager. Durant
toutes les années où je l'ai lue, je n'ai commenté chez elle qu'une seule
fois, à propos d'un sujet – banal s'il en est – sur lequel je pouvais lui apprendre quelque chose, car elle avait pris un pic épeiche pour un pic
vert lors d'une balade en forêt. Nous avions à cette occasion échangé quelques mots plaisants. Elle était cultivée sans la ramener et j'ai appris
énormément en la lisant.
Il lui arrivait de partir pour la journée à Paris visiter des expos qui l'enthousiasmaient (elle pouvait s'extasier de façon touchante sur la beauté d'une statuette ou d'un fragment de verre ancien). Elle rentrait de ces excursions "les pieds en compote" et je me demandais toujours si elle savait se choisir des chaussures adaptées. Le mercredi, elle prenait le train pour aller dans une ville de province qu'elle n'a jamais citée, rejoindre quelqu'un qu'elle n'a jamais nommé, dans un but qu'elle n'a jamais mentionné. Elle se contentait de poster une photographie du paysage, floutée à cause de la vitesse (et sans doute de ses talents de photographe limités).
Il lui arrivait de partir pour la journée à Paris visiter des expos qui l'enthousiasmaient (elle pouvait s'extasier de façon touchante sur la beauté d'une statuette ou d'un fragment de verre ancien). Elle rentrait de ces excursions "les pieds en compote" et je me demandais toujours si elle savait se choisir des chaussures adaptées. Le mercredi, elle prenait le train pour aller dans une ville de province qu'elle n'a jamais citée, rejoindre quelqu'un qu'elle n'a jamais nommé, dans un but qu'elle n'a jamais mentionné. Elle se contentait de poster une photographie du paysage, floutée à cause de la vitesse (et sans doute de ses talents de photographe limités).
Un matin, elle a annoncé que le billet du jour serait le dernier. J'ai eu un peu de mal à m'en remettre. Son blog sans prétention, mais avec une belle érudition, était peut-être mon préféré.
Coucou. Lorsqu'on a l'habitude de côtoyer un blog qui nous plaît, on se retrouve tout désemparé lorsqu'il ferme... C'est un investissement un blog, une partie de soi qu'on livre à des inconnus. C'est dommage que Cécile ferme le sien mais peut-être reviendra-t-elle sur le net ou ailleurs, d'une manière ou d'une autre.
RépondreSupprimerBises de plaine.
P.S. stp, ne ferme pas ton blog. ;-)
Comme quoi... on peut réellement s'attacher même à quelqu'un de virtuel.
RépondreSupprimerTouchant témoignage, bravo ! Bonne journée, Dad. Bises.
Je réalise en te lisant qu'il manque à mon texte une précision (il n'y a pas que les photos de Cécile qui soient floues) : c'était un blog que je suivais il y a longtemps, et qui doit avoir fermé... il y a au moins cinq ans (l'année où un pic épeiche s'acharnait rageusement sur notre forêt). Oui, les blogs que l'on aime suivre, laissent un vide quand ils ferment (la preuve : ce billet). Il est difficile de décrire la nature de ce vide, car ce n'était pas de l'amitié, mais c'était de la fidélité de ma part. En y repensant, j'ai vécu le même sentiment quand "Carnet nomade", une émission de Colette Fellous sur France Culture a été supprimée. Elle m'apportait des stimulations intellectuelles que rien n'a su remplacer. Surprenant, non ? Belle aprem et surtout : bon début de WE ce soir, chère Dédé!
RépondreSupprimerRéponse à Julie : Les blogs que l'on suit, les émissions que l'on écoute, nous apportent quelque chose dont nous avons besoin. Une découverte, un partage, un enseignement, une ouverture sur le monde. En quelque sorte, ils sont un miroir de nos préoccupations, de nos intérêts, de nos envies. Les suivre nous apprend des choses sur nous. Les perdre, aussi. Belle après-midi, chère Julie, donne de tes nouvelles, pour ta santé. J'espère que tout est OK.
RépondreSupprimerTout est OK, merci Dad ! Bonne nuit.
SupprimerPS Relisant ton texte... j'avoue qu'il me donne le bourdon.
Le bourdon ? Un insecte vient faire bzzzz! à tes oreilles :) ? ou bien une tristesse tourne-t-elle autour de toi ? Il m'est difficile de te répondre, sensible Julie, car je ne sais pas ce qui t'apporte de la mélancolie dans ce texte : le fait qu'un blog ferme, que des choses se terminent, le souvenir de quelque chose qu'on a perdu ? Ce sont des choses tristes, oui, et en même temps elles font partie de la vie, tu ne crois pas ? La vie est faite de choses qui arrivent et repartent continuellement. Il s'agit de les accepter toutes, que ce soit mon rhume qui s'arrête (ouf!), ou mon bouquet de tulipes qui fanent (oh), des choses se terminent sans cesse et d'autres commencent continuellement, non? Te souhaite une belle journée, qui commence avec du soleil!
SupprimerOhhhhh... tu souris :)
SupprimerBah... je ne sais trop en fait, il est assez ambigu ton billet : tantôt autobiographique, tantôt portrait.
Lorsque des blogs amis ferment, j'ai toujours un immense vide en moi. Surtout lorsqu'il ferme parce la personne est décédée. Je pense à Herbert, à Dominique, à Michelaise, des personnes que j'aimais visiter et qui ont disparu de la blogosphère, laissant leurs blogs ouverts au public. Je m'y rends parfois, par nostalgie. Et puis il y a ceux qui disparaissent sans laisser un mot et dont on ne saura jamais ce qu'ils sont devenus. Oui, on s'attache à des personnes virtuelles. Mais sommes-nous si virtuelles que cela ? Je ne le pense pas. Nous sommes là, avec nos sentiments, nos émotions, nous ne nous voyons pas, mais nous partageons tellement de choses pourtant. C'est sans doute ce qui crée ce vide lorsqu'un blog ferme, c'est une rupture quelque part, une part de nous qui s'enfuit en même temps que la personne qui disparaît.
RépondreSupprimerMerci pour ce billet qui me parle encore, chère Dad.
Merci pour ce commentaire précieux. Permets-moi de ne retenir, pour ce soir, que ta question : sommes-nous si virtuels que cela ? Je m'interroge passablement autour de cette question depuis quelque temps (sans avoir trouvé de réponse définie). En effet, ce n'est pas parce que l'outil de communication est virtuel que la communication et les échanges le sont. Et il se passe en effet beaucoup de choses dans ces échanges. Il peut circuler des émotions, comme des malentendus, comme des préjugés, des sympathies et des aversions. Tout cela rappelle ce qui peut se passer dans les relations de la "vie courante". Toutefois… peut-être a-t-on davantage dans le virtuel que dans la vie courante la possibilité de se masquer ? De jouer sur son image ? je m'interroge… je m'interroge…
RépondreSupprimerCependant, pour moi, c'est encore plus complexe que cela : parfois, j'écoute l'interview d'un artiste au sens large (peintre, architecte, écrivain, cinéaste…) et ce qu'il dit, si cela me touche, si l'interview est bien menée, peut provoquer en moi les mêmes élans ou émotions. Bref, mes interrogations portent sur tout ce qui peut se passer entre humains, quel que soit le support. Je ne sais si je suis assez claire. Je ne peux pas en écrire plus pour ce soir, malheureusement. Repas oblige. Bises.
Que ce soit dans la réalité ou la virtualité, je pense que l'on peut se masquer en effet, jouer un rôle, se faire passer pour quelqu'un d'autre. Il m'est arrivé ce genre de mésaventure, m'attacher à une femme soi-disant jeune et soi-disant très malade. Je m'étais prise d'amitié et d'affection pour elle, nous correspondions régulièrement, elle me parlait d'elle, de ses enfants, de sa maladie, de son mari qui la battait, etc. Mais par un ami commun, qui s'était lui aussi laissé piéger, j'ai appris qu'elle avait en fait l'âge d'être grand-mère et qu'elle était en parfaite santé (physique du moins), et qu'elle m'avait donc raconté bobard sur bobard. Cela remonte à une dizaine d'années, c'était au début de mon aventure bloguesque. Je dois dire que cela m'avait profondément choquée, bouleversée même, car je m'étais attachée à elle. Depuis je suis devenue plus prudente, mais comme je suis de nature confiante, cela pourrait m'arriver à nouveau. Mais je préfère me dire que ce n'était qu'un accident, que toutes les personnes ne s'amusent pas à jouer ainsi et à se faire passer pour quelqu'un d'autre. Je pense que cette femme était profondément malade, et je ne lui en ai même pas voulu.
RépondreSupprimerEnfin bref, ce billet et tes mots m'ont fait remonter ce soir ce souvenir...
Puis des femmes qui se font passer pour des hommes et vice versa.
SupprimerPas bien net le NET... ayant été plusieurs fois déçue, j'essaie (difficilement) de garder mes distances au début d'une nouvelle "rencontre"
Bonne soirée et douce nuits, mes chères réelles dames :)
Bises.
J'ai retrouvé ce commentaire que je t'avais laissé en mars. En fait, mon dernier billet sur "S'inventer une autre vie" parle de ce genre de personnes qui abusent de la confiance de l'autre et qui font du mal sans même en avoir conscience. A mon avis, ce sont des personnes qui souffrent vraiment et qui s'enferment dans leurs mensonges. J'ai croisé en plusieurs fois ce genre de personnes. Il faut croire que je les attire, peut-être que ma naïveté et ma crédulité y sont pour quelque chose ?...
SupprimerBonne soirée, Dad.
En y repensant, je crois n'avoir rencontré que deux fois dans ma vie ce genre de... appelons-les mythomanes pour ne pas utiliser d'autres termes psychiatriques. C'était dans le cadre professionnel. Des gens qui voulaient extorquer de l'argent en racontant des bobards. Ils ont été assez vite démasqués et ont commencé alors à jouer un autre jeu : celui de la paranoïa.
SupprimerDans tous les cas, ces gens qui affabulent, modifient le réel, inventent, jouent avec la crédulité et la confiance des autres ont un sérieux problème. Les éviter, si possible. Éviter qu'ils nuisent, si possible. Car faire quelque chose pour eux, sans leur sincère volonté est une mission impossible.
Mais... que ces quelques expériences brulantes ne te privent pas de ta belle confiance en l'humanité. C'est tout ce que je te souhaite! Belle soirée
>> Françoise et Julie : la réalité du virtuel est parfois délirante. Vos expériences ont dû être très pénibles. FB, blogossphère, sites divers : une variété de moyens mis à disposition, pour le meilleur et, malheureusement, pour le pire. Restons positives et supposons que pour une personne déséquilibrée il y a une multitude de gens désireux de partager avec respect et sincérité.
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