Le repas chez Levi (détail) / Le Véronèse / Accademia / Venise
Sur les rives qui font face à la Douane de mer, c'est une petite Husky qui a attiré mon attention. Elle se refusait à avancer, se retournait sans cesse, remuait la queue pour manifester sa tendresse à l'énorme berger qui progressait lentement derrière elle. Il boitait. Il peinait. On voyait une longue trace rouge le long de sa cuisse droite. S'était-il blessé ? Avait-il pu être soigné ? Son maître se tenait courbé, paraissait découragé. Un mendiant ? Un homme sans foyer ?
Plus tard, sous nos fenêtres, le même couple chien-humain a traversé le campo dans la nuit qui tombait.
(il faut que je cesse de me tourmenter pour ce genre de chose, mais je ne parviens pas à me dire que ce n'est qu'un chien, qu'un oiseau, qu'un être inconnu. Le vivant est un et n'est jamais qu'un)
Le lendemain, n'y tenant plus, je me suis adressée à l'homme pour prendre des nouvelles. Il a levé un regard humide vers les rayons d'un ciel trop bleu. Braco avait douze ans. Il souffrait d'un cancer de la peau. On lui administrait de quoi soulager ses souffrances. Quand j'ai prononcé son nom, le bel animal a montré ses yeux. On y voyait la peine qu'il avait à devoir bientôt abandonner son maître. Alors il s'efforçait de le promener, encore un peu. Encore quelques balades. Juste le temps que son compagnon puisse se faire à l'idée...
Voilà une expression terrible que tu soulignes et qui caractérise les attitudes déshumanisées que nous avons parfois : « ce n'est jamais qu'un… ». Et même parfois directement « tu n'es jamais qu'un… ».
RépondreSupprimerTu as raison de nous rappeler au respect fondamental du vivant et des vivants.
Et en l'espèce, pauvre chien sur sa fin, et pauvre maître aussi qui va perdre une compagne de vie et entrer en solitude. Jusqu'à ce que…
Un billet prenant qui oblige à réfléchir sur ces situations aux apparences ordinaires.
On voit là l'acuité de ton regard humanisé.
A se demander si le rabaissement des autres, autres êtres autres humains, ne va pas de pair avec une vision réductrice de soi. Un besoin de réduire ce qui se trouve en face parce qu'on ne mesure pas tout ce qu'on porte en soi et tout ce qui nous unit ?
RépondreSupprimerIl y avait qqch de beau et de grand dans ce duo chien-maître, une belle solidarité.
Belle soirée.
Je pense que tu as raison dans ton propos.
SupprimerCe n'est pas si facile que cela d'élever de terre sa propre humanité. D'aller à la découverte que nous sommes fondamentalement dans une reliance par l'intérieur à toute l'humanité.
Généralement on se fout de celui qui dit ça parce que c'est grandiloquent et qu'il vaut mieux le rabaisser dans le sous-humain.