Santa Maria Gloriosa dei Frari / Pietro Lombardo / Monument à Jacopo Marcello
A mon retour, tandis qu'un excès de traversées me faisaient encore tanguer et que mes mollets soumis à l'épreuve d'une infinité de ponts rappelaient douloureusement leur présence, j'ai retrouvé avec plaisir L'embellie, où Bruno Patino, président d'Arte, livrait son "kit pour affronter le monde".
Selon les invités de l'émission, l'empathie est plus ou moins au rendez-vous, mais quand Eva Bester a cité son interlocuteur disant que parmi les nombreuses choses qu'il changerait dans le monde, il y aurait "l'omniprésence de la musique et l'absence de silence". Ajoutant "Globalement si l'on pouvait baisser le son et réduire le stroboscope en général, ce serait bien", j'ai rapproché le haut-parleur.
Ces mots me sont allés droit à l'oreille, d'autant plus qu'ils étaient prononcés non seulement par un mélomane averti, mais surtout par quelqu'un qui s'est occupé durant toute sa vie professionnelle de médias variés où l'expression verbale et sonore tenaient un rôle de premier plan. Bruno Patino a publié il y a quelques années "La civilisation du poisson rouge", où il parlait de notre capacité d'attention tendant à se réduire comme peau de chagrin, et vient de sortir dans son sillage "Tempête dans le bocal" pour inviter à repenser notre relation à la datature mise en place, en évitant de se laisser gangréner par elle.
Petit florilège de ses phrases interpellantes :
En radio, comme dans la conversation, l'art du silence est extrêmement important.
La musique, moi je l'aime beaucoup trop, pour la désirer omniprésente.
La ressource la plus rare aujourd'hui, c'est le temps. Comment un média peut-il donner du temps ? C'est tout à fait possible selon la manière dont vous déployez les récits, proposez les débats...
On est dans un société de la sollicitation permanente, le hameçonnage permanent. Tout concourt à ça et en même temps on ressent tous une fatigue intense face cette sursollicitation personnelle et collective. On peut tout à fait faire un pas de côté par rapport à ça.
Le silence, ce n'est pas du vide. Le silence, c'est une présence, qui laisse une très grande liberté à celui à qui il s'adresse. Bien amené, bien présenté, la densité du silence s'apparente à quelque chose d’extrêmement intime, voire secret.
J'ai repensé à cette notion de sollicitation permanente (pour ne pas dire : exponentiellement présente) que nous expérimentons tous, le plus souvent sans nous en rendre vraiment compte. Je me suis dit que les lieux où je me sens vivre sont ceux qui me permettent d'échapper à cette tyrannie de la distraction. Des lieux échappatoire, des lieux esquive, qui mènent à soi, où se met en place une observation lente, une beauté débusquée, et même parfois une douleur reconnue et assumée.
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