Nager
: un des plaisirs de l'été et, par temps de canicule, ce plaisir se fait impérieuse nécessité. A Berne, la rivière Aar décrit une boucle autour de la
vieille ville. C'est un beau cours d'eau qui charrie depuis les Alpes des flots clairs, non contaminés (un tantinet fougueux, il faut bien l'avouer).
La
ville propose plusieurs piscines gratuites, généreusement ouvertes à un large public. Mais surtout,
elle offre un long trajet bien balisé aux nageurs désireux
de se la couler douce en admirant le paysage, le Palais fédéral ou la cathédrale.
Plonger
dans cette eau ne signifie pas forcément nager : il suffit de se
laisser porter. Ne rien faire, juste lâcher prise. Au cours de la descente, on discerne des gens assis dans l'herbe
qui prennent leur petit-déjeuner, là, un jeune homme figé dans une
posture de yoga, ici, deux amies en tendre confidence, une main confiée
négligemment au courant, plus loin, des merles sautillent en se
désaltérant. Un touriste tend son smartphone au-dessus des flots et
hurle dans sa langue : regarde, regarde comme l'eau est transparente.
Certains, craintifs, hésitent, l'index pointé sur leur lèvre
inférieure, observent les têtes qui flottent comme des ballons colorés. On les sent à deux doigts de se lancer.
Dans cet univers émeraude, le
temps, curieusement, semble s'être arrêté, ou du moins distendu, toute
notion en est perdue. Crawlant sur le dos pour ralentir la course, on
aperçoit la lumière qui danse entre les vastes branches des arbres inclinés. L'instant est de tout beauté. On se croirait de retour au temps d'avant le temps, bien avant la naissance, un monde irréel hors d'atteinte de toutes sortes de contingences.
Le
bonheur se niche là, dans ces scintillements que l'on perçoit, dans cette
valse des feuillages effleurant les baigneurs, lesquels ne sont plus rien que
des billes mouvantes, brindilles emportées par le courant. Métaphore
de la vie, temps aboli qui s'enfuit, passage inexorable et impermanence, ce n'est jamais la même rivière, jamais la même expérience. Derrière soi on entend des rires et des cris : des bulles de joie descendent l'Aar elles aussi.
Un billet reportage : ICI
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