vendredi 25 août 2023

Vivre : le laboratoire des expériences concluantes

 
05.03.2003 / Zao Wou-Ki / Coll. particulière / présenté à l'hôtel Caumont / Aix / 2021
 
Une fille concentrée effectue son yoga. Une quinquagénaire portée par le courant hurle sa joie. Deux amies s'exercent à faire le poirier. Une mère de famille se change, personne pour rigoler ou pour mater. Le Club des Adorateurs du Soleil allongé, peau fripée, surfaces huilées, se dore et se retourne à rythme régulier. Deux grands-pères appliqués jouent aux échecs, un vieille dame fait ses mots croisés. Une femme se penche sur une colonie de moineaux et partage sa brioche avec équité. Des bourgeoises enchignonnées cherchent longuement où étendre leurs serviettes, de crainte qu'elles ne leur soient subtilisées. De vieux amis se retrouvent, de jeunes potes se reconnaissent. Un père mal réveillé tente de gérer son bébé très éveillé et son bambin très remonté. Des touristes asiatiques observent les gens plonger. Un couple d'étudiants japonais considèrent la rivière avec une expression mitigée. Des nageurs déclament leur enthousiasme en américain. Un garçon et une fille conversent, pieds enchevêtrés, une idylle est-elle en train de naître, deux âmes en train de se trouver ?

Il y a de tout et il faut de tout pour constituer le public de la piscine. Gratuite, ouverte 7/7 et de sept heures à 20 heures pour que les travailleurs puissent venir en profiter, elle offre à toutes les populations la possibilité de se rencontrer, de se voir ou de s'ignorer, de discuter, de se tolérer et, pourquoi pas, de s'apprécier.
 
On aimerait qu'il y ait dans toutes les villes des espaces comme celui-ci : accessible à tous, où chacun puisse trouver sa place, se confronter à la différence, s'exercer à la tolérance, des lieux où l'on puisse frôler l'Autre, apprendre à le connaître, à lui faire place, à négocier sa file, à défendre ses droits. On est convaincue que de tels endroits participent à une vie sociale plus fluide et que, bien que disponibles sans aucune distinction, germes de prévention, écoles de cohabitation, ils coûtent infiniment moins à la collectivité que la somme des conflits potentiels qu'une communauté peut voir jaillir et proliférer.

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