Barcelone / 1960 / Jacques Léonard / L'esprit nomade / Musée Réattu / Arles / 2023
Ah! la fille, cette allure! Bien plantée sur ses gambettes, toute droite, les pieds glissés dans des sandalettes branchées, les jeans retroussés, les mains dans les poches, une assurance folle. On lui devine un monstre culot, elle est du genre à taper du pied, à exiger, à ne pas se laisser faire. Sait-elle déjà lire ? On peut en douter: Elle semble avoir quatre ans à tout casser. En tout cas, elle regarde les vignettes avec un air de connaisseuse. Si elle ne sait pas encore, elle sait qu'elle va savoir très bientôt. C'est sûr : elle va très vite vouloir apprendre. Toutes sortes de choses : les lettres, les livres, les autobus, les moyens de se débiner et les moyens de se dépatouiller. Le corps parle. Il dit que si elle aime les histoires, elle ne s'en laissera pas conter. La fille de 1960, on croit déjà en elle. On croit déjà en son avenir (même si maintenant, chose incroyable, une bonne partie de cet avenir est déjà passé). On aimerait tant que cet avenir nous soit raconté.
Elle, dans son quartier populaire, dans les années franquistes, on peut deviner tout ce qu'elle aura à affronter : l'école terminée trop vite, l'obligation de travailler, une pluie d'interdictions qu'on n'aura jamais faites à son frère aîné, le machisme, l'enfermement, qui sait tout ce qu'elle aura à subir et à combattre.
Il n'empêche : avec ses couettes blondes, sa frimousse joufflue, son élégance innée la lumineuse affrontera le monde et fera en sorte qu'il puisse s'éclairer.
Note : c'est moi qui écrit "Barri Gotic", là où Léonard a beaucoup travaillé. Mais c'est peut-être dans un autre quartier populaire de Barcelone qu'a été pris ce cliché.
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